J’ai retrouvé Johnny Clegg, à un de ses récents concerts. Il a entrepris une tournée européenne. Quelle joie !
Il appartient à cette élite d’hommes que je qualifie du "XXII° siècle", car ils préfigurent l’aptitude humaine à vivre dans la diversité des ethnies, des religions, dans le respect, l’échange, le partage, et la solidarité.
Chanteur sud-africain. Il est né dans une famille juive (1), d’origine lituanienne et polonaise, près de Manchester, en Grande Bretagne. Il a un an, lorsque sa mère l’emmène en Israël. La famille n’y reste que peu de temps, avant d’émigrer en Rhodésie. Elle fait partie de ceux dont on ne parle jamais : les déçus du sionisme. Puis, c’est un va-et-vient entre Rhodésie, Zambie et Afrique du sud, avant une installation définitive.
Ballottements et souffrances de l’enfance, tempérés par la découverte des splendeurs de l’Afrique et de la musique. Découverte, aussi, du racisme, dans une de ses plus violentes expressions politiques : l’apartheid (2). En 1958, le chef de l’Etat, Hendrick Verwoer, invoquait encore la Bible pour justifier l’apartheid : « On doit enseigner aux noirs, dès leur plus jeune âge, que l’égalité avec les blancs n’existe pas ».
Exclus de la société, sans droit de vote, les noirs avaient un statut de quasi esclaves, taillables et corvéables à merci. Parqués dans des "hostels", des camps d’où ils ne pouvaient sortir sans autorisation. Semblables aux camps où sont actuellement, en 2007, parqués les Palestiniens, en Palestine. Sur leurs propres terres.
Johnny Clegg découvre la guitare à 15 ans et sa rencontre avec de grands musiciens zoulous, Mzila, Sipho, est déterminante. Ils l’initieront à la musique, la langue, la culture et la danse zoulou. Il deviendra lui-même un danseur zoulou reconnu. D’où son surnom de "Zoulou Blanc".
Allez le voir à ses concerts, achetez ses disques, notamment son dernier album, sorti fin 2006 : One Life. Vous voyagerez dans la musique rock, celte et zouloue, magnifiée par un artiste qui met à l’honneur La Dignité Humaine.
Impossible de refaire l’Histoire. Mais, rêvons…
Si dans la communauté "française" d’Algérie, il y avait eu des hommes qui comme Johnny Clegg, avaient aimé et appris ce pays, son histoire, sa culture, connu et respecté sa religion, que serait-il advenu ? Imaginons des hommes parlant arabe et berbère, connaissant à fond la musique arabe, berbère, leurs chants, leurs danses, fusionnant musique occidentale, orientale et nord-africaine. Bien avant le raï…
Qui se seraient reconnus, avant tout, "algériens" et auraient lutté, dans la solidarité et la fraternité, contre l’apartheid et le racisme instaurés par la Loi Crémieux accordant la nationalité française à quelques uns, et non pas à la totalité des habitants du pays. Excluant ainsi une majorité au profit d’une minorité privilégiée. Créant ainsi des millions de zombies, des "non êtres"… Si des hommes avaient privilégié la solidarité, au lieu du racisme : que serait-il advenu ?
Des hommes, issus de France ou d’ailleurs, luttant pour l’indépendance de l’Algérie vis-à-vis de la métropole comme l’ont fait les anglais d’Amérique vis-à-vis du Royaume Uni, ou les portugais du Brésil vis-à-vis du Portugal, ou les espagnols des autres pays d’Amérique du Sud vis-à-vis de l’Espagne… Que serait-il advenu ?
Actuellement, ils seraient "algériens" en Algérie, aussi intégrés que l’est Johnny Clegg, dans son pays d’adoption : l’Afrique du sud. Et, fiers de l’être !...
Malheureusement, il n’y a pas eu d’hommes, d’artistes de la trempe de Johnny Clegg.
Mais, il reste : Enrico Macias…
(1) Né le 7 juin 1953, à Bacup près de Manchester (UK).
(2) Politique instaurée en 1948 par le parti au pouvoir, sous la direction du Dr. Daniel Malan.
(3) Juluka, puis Savuka. Plusieurs millions d’exemplaires vendus. Nombreux disques d’or et de platine. Billboard Music Award pour Heat, Dust and Dreams, classé : meilleur album du monde, en 1993.