Du conseil international en gestion stratégique et en développement d'économies émergentes... Au regard sur la régression du respect de la dignité humaine, des libertés et du partage. Une espérance solidaire avec ceux qui ne l'acceptent pas. A contre-courant...
Le grand argument étant de dire : « … mais ça existe déjà dans d’autres pays européens !... ». Vieille habitude française. Lors de l’application des mesures racistes, imposées par l’occupant au Gouvernement de Vichy, les politiciens disaient aussi que "cela" existait dans d’autres pays européens…
Démagogie politicienne : "la peur de l’Autre"
Quelle est l’identité européenne ? Se fonde-t-elle sur la couleur de la peau, les gènes, les croyances religieuses ? Ce sont des questions qui restent en suspens. Et, qui le resteront longtemps. Il n’y pas de réponse.
De tous temps, l’Europe a été un carrefour de civilisations, un creuset où se sont fondus de multiples flux migratoires.
Beaucoup venant de fort loin. D’Asie centrale, pour les plus importants. Comme les Francs, les Burgondes, les Wisigoths, les Ostrogoths, les Vandales.
Peuples formés d’agrégats, de mélanges d’origines tribales, échelonnés dans le temps suivant les parcours de leurs nomadismes. Constituant l’ossature initiale de notre pays, sur les décombres de la civilisation "gallo-romaine", elle-même, fruit de la rencontre de précédents mouvements de populations.
L’Europe contemporaine des frontières est, en fait, une Europe du racisme. Ancrée, dans une interaction savamment dosée
par les castes politiques au pouvoir, sur la manipulation de différentes peurs, suscitées, entretenues à intervalles réguliers : l'arrivée de barbares, terroristes dans l'âme, confisquant des
emplois, mettant en déficit les systèmes de protection sociale, etc.
L’essentiel étant, pour les démagogues, de faire croire que, grâce à leur conduite "éclairée", elles sont maîtrisées. Tout en ayant, en permanence, sous la main, un bouc émissaire idéal : "L’Autre", "L’Intrus ", "L’Envahisseur", "Le Clandestin"…
Car, ce n’est qu’un jeu politique d’essence démagogique. Tous les gouvernements européens savent qu’il sera nécessaire de recevoir, d'ici le milieu du siècle, environ 160 millions d’immigrés. Si l’on veut faire le poids face à l’émergence du développement exponentiel du reste du monde : l’Asie, bien sûr, mais encore l’Amérique Latine, et aussi l’Afrique.
Saul Ralston le rappelle dans son livre, où il démonte pièce par pièce le mythe de la "Mondialisation", The Collapse
of Globalism (2) :
« … Compte tenu du faible taux de natalité, [l’Europe] aura besoin de 160 millions d’immigrés d’ici 2025 pour maintenir le fonctionnement de ses sociétés… » (3).
Mais, bon, suivant la formule consacrée par les cyniques des appareils politiques : "Le racisme, en politique, ça ne coûte pas cher, et ça peut rapporter gros". Alors, on fonce dans les mesures et les postures démagogiques.
Entre autres mesures "stratégiques", tous les pays européens mettent, ainsi, en place des examens, destinés aux arrivants et à leurs familles, portant sur les langues, l’histoire, la géographie, les institutions du pays d’accueil. Autrement dit, si votre mari ou votre femme, vos enfants ou vos parents veulent s’installer avec vous ils devront parler couramment la langue du pays où ils s’installent. Bien sûr, si vous venez d’un continent "non occidental"…
Pourquoi pas ?...
A condition qu’il y ait réciprocité. Selon la clause, internationalement reconnue, de l’égalité de traitement pour les ressortissants de chaque nation. Soyons précis : dont l’application est internationalement reconnue, et appliquée, par les nations en mesure de l’imposer…
Cela présenterait l’immense avantage de faire connaître des langues étrangères, des civilisations de pays où s’installent, et sont installés, des européens. Prenons l’exemple du Maghreb et de l’Afrique sub-saharienne : Sénégal, Côte d’ivoire, Mali, Togo, Gabon, Congo (les deux : Brazza et Kinshasa), etc.
Culture coloniale…
Combien de fois ai-je été sidéré de constater que les communautés françaises, et européennes en général, installées à l’étranger, dans leur majorité, ignoraient tout du pays d’accueil dans lesquels elles vivaient. Parfois, depuis plusieurs générations. Contexte professionnel à part, ils vivent uniquement entre eux. Pratiquant une sorte d’endogamie de l’ignorance. Pathogène. Quand je dis tout, c’est tout : langue, histoire, civilisation, religion, art, musique, coutumes vestimentaires et autres…
Une exception, peut-être : la géographie. Car, pour ces communautés, le pays dans lequel elles vivent, c’est un Disneyland, qu’on visite, photographie, paysages et animaux, comme un décor. Le reste, les habitants, c’est comme les palmiers et les cocotiers : cela fait partie du paysage. Du carton-pâte ferait aussi bien l’affaire…
Pour les ressortissants français, vivant dans les anciennes colonies ou protectorats, ces pays sont considérés comme
francophones. Chez nos diplomates, c’est encore pire. Se prenant pour Chateaubriand ou Stendhal, ils véhiculent leurs schémas "fin du XIX° siècle" comme autant de bicornes
emplumés.
Quant à nos Présidents, ministres, politiciens et autres parlementaires en déplacement, n’en parlons pas, c’est l’Apocalypse de l’ignorance "crasse" (4). De là, à penser que ces pays appartiennent à la France, sous réserve d’une autonomie de façade, le pas est vite franchi. Au moins, inconsciemment.
Il faut les excuser. Moi-même, je n'y ai pas échappé. J’ai mis longtemps, avant de me défaire de ce manteau de Nessus qui me collait à la peau. Ce lavage de cerveau, cette désinformation, cette propagande, inoculés dès l’enfance, dès mes premiers pas à l’école. Sur mes ancêtres les gaulois, les bienfaits de la colonisation, et de la francophonie…
Tant de clichés et de mythes…
Ouvrir les yeux, comprendre et découvrir. Impossible. Le relais à la sortie de l’école est pris par l’audiovisuel et les médias. Avec des formes différentes, la propagande coloniale est aussi forte qu’au XIX° siècle.
Dans mon long cheminement initiatique, le jalon originel a été le Sénégal.
Lors de ma première visite, je me souviens d’avoir évoqué ce qu’on m’avait fait ingurgiter sur "la grande figure" de
"Léopold Senghor". Mes amis Sénégalais, avec leur patience et bonne humeur communicatives, se sont employés à éclairer ma lanterne.
J’ai découvert, par la suite, qu’il existait de remarquables études (5) donnant un coup de projecteur sur ce pan méconnu, chez nous, de l’histoire du Sénégal. Mais, elles sont occultées par la propagande française.
Léopold Senghor (6) fut le premier président du Sénégal. Cet agrégé de grammaire française n’a cessé durant les vingt ans de sa présidence, de 1960 à 1980, de lutter contre les langues sénégalaises. Mamadou Cissé, le rappelle :
« Les objectifs du Président, grammairien et non moins linguiste, étaient, en réalité, de rendre difficilement applicable, sinon impossible d’application, toute mesure permettant une avancée significative des langues nationales.
Rappelons qu’il a participé et, ce pendant vingt ans, en tant que Président, à toutes les commissions sur le processus de promotion des langues nationales » (7).
Rédigeant, de sa main, dans le Journal Officiel du Sénégal, des pages sur la ponctuation et autres subtilités de la langue française. Ou, encore, interdisant par décret, certains modes d’écriture notamment de doublement de consonnes, la "gémination", d’une des principales langues du pays, le Wolof :
« Ces pressions juridiques débouchèrent sur une tension entre la communauté
scientifique et l’Etat qui aboutit à la censure du film du cinéaste Sembène Ousmane Ceddo.
En effet, selon le décret présidentiel, il ne fallait qu’un seul
d au titre. Il en fut de même pour le journal Sopi dont le titre devrait avoir un seul p au lieu de deux.
Ce journal obtempéra au risque de se voir interdire de parution, alors que le R.N.D. de Cheikh Anta Diop opta pour Taxaw au lieu de Siggi, contournant ainsi la contrainte juridique de ce décret présidentiel sur la gémination » (8).
Je découvrais, subitement, non sans stupeur, non sans honte, le colonialisme culturel, linguistique, dans ses formes les plus perverses, via un de ses relais, représentatif d’une nomenklatura détestée par son peuple. Mais, protégé, encensé par notre appareil de propagande.
Senghor "protégé" ?... Oui. Qui a entendu parler de l’autocratisme de Senghor ? Un exemple ? Il n’a jamais
hésité à jeter en prison les opposants qui lui faisaient de l’ombre. Notamment, le premier diplômé de Normale-Sup sénégalais, Omar Diop Blondin.
La propagande de Senghor a toujours soutenu, il y tenait, que c’était lui le premier normalien africain de l’histoire. Et, bien : non. C’est faux.
Opposant à Senghor, il fut arrêté, condamné à trois ans de prison, retrouvé pendu dans la prison centrale de Gorée, le 11
mai 1973. Assassiné par la police secrète, d’après tous les témoignages. Certains affirment qu’il aurait été étranglé par le sinistre commissaire divisionnaire français en "détachement", Jean
Colin, chargé de gérer la police politique de l’époque...
Un symbole : l'île de Gorée, d’où était expédiés les esclaves pour nos champs de canne à sucre de Martinique et de Guadeloupe.
Senghor "encensé" ?... Elu à l’Académie française en 1983, couvert d’honneurs, en France. Implacable fut le déboulonnage, méthodique et plein d’humour, par mes amis sénégalais, de cette prétendue "statue de la Liberté et des Lumières"…
Incrédule, je découvrais un bouffon. Ubu Roi.
Je découvrais, surtout, le haut degré d’intoxication intellectuelle, culturelle dans lequel nous entretient l’appareil de propagande néocolonial, via ses médias et son système scolaire… Les ravages d’une destruction systématique de l’identité d’une nation, sous couvert de la « francophonie »… Mes périples africains, dans une dizaine d’entre eux qualifiés de "francophones", m’ont fait prendre la mesure de ces ravages.
Alors, quelle magnifique porte ouverte que la réciprocité de ces dispositions de "sureté identitaire" !... Ce serait une redécouverte par l’Europe de ces continents, civilisations, patrimoines historiques qu’elle ignore. Un encouragement à ce foisonnement culturel !
Mais quelles mesures de réciprocité, me direz-vous ? N’allons pas chercher loin. Tout simplement des mesures "en miroir" :
1) Tout européen entrant dans ces pays, devrait être soumis à l’obtention
d’un visa, à partir du moment où celui-ci est imposé à leurs propres nationaux. Les frais d’obtention de ces visas contribueraient à établir une égalité de traitement entre nationaux, et, en
outre, renforceraient les budgets des consulats en Europe. Cela créerait même des emplois !
2) Tout européen souhaitant le regroupement de sa famille (femme, enfants, parents, etc.) accepterait que les membres désirant le rejoindre et
s’installer, soient soumis aux même types d’examens qu’en Europe. Ceux-ci portant sur la pratique de la langue, les connaissances géographiques et historiques des pays d’accueil.
i) Examen d’arabe et de civilisation musulmane dans les pays arabes, du Maghreb en particulier, avec les connaissances géographiques et historiques requises.
3) Production des tests d’ADN pour les nationaux européens, dont les pays d’origine imposent ces tests.
Tests ADN, imposés à des européens ?...
Oui. On ne sait jamais, avec toutes ces familles européennes, divorcées, recomposées, adoptées, cachées, polyandres et polygames, etc. Mitterrand, l’actuelle famille royale de Belgique, et autres personnages en vue, sont un exemple de cette complexité dans les filiations apparentes ou occultes, en Europe. On pourrait s’y perdre. Qui est le père de qui, en fin de compte ?
"Mon tourisme", vont pleurnicher les uns !... "Mes investisseurs potentiels" vont couiner les autres !...
Et, alors ? La dignité d’un pays, et de ses nationaux, ne se marchande pas.
Regardez la Chine. Elle a une politique d’admission et de visas très stricte. Elle n’a jamais eu autant de visiteurs, de touristes et d’investisseurs. Une des premières destinations mondiales. Et le mouvement s’accélère !...
Oui, mais les dirigeants Chinois, m’ont rétorqué des amis Ivoiriens : « … ne confondent pas développement économique et asservissement politique… ».
(1) Le
Figaro : Le New York Times écoeuré par les test ADN français.
(2) Ralston Saul, John, The Collapse of Globalism – and the Reinvention of the World, Atlantic Book, 2005. "L’effondrement de la Mondialisation et la Réinvention du Monde".
(3) … « Given the continent’s low birth rate, it will apparently need some 160 million immigrants by 2025 to keep its societies functioning. » (p. 278). Op. Cit.
(4) Le discours du tandem Sarkozy – Guaino, lors du récent séjour de notre Président de la République à Dakar, est un modèle d’inculture et d’arrogance coloniales.
(5) Cisse, Mamadou, Langues, Etat et Société au Sénégal, Université Cheikh Anta Diop – Sénégal, Revue Electronique Internationale de Sciences du Langage, n° 5, Sudlangues,
2005, http://www.sudlangues.sn. Remarquable étude, dont la lecture est indispensable à la compréhension du Sénégal.
(6) Léopold Senghor (1906 – 2001), Président du Sénégal de 1960 à 1980. Elu à l’Académie française en 1983. Magnifié par la propagande coloniale française, considéré comme un "farfelu",
servant de paravent à la mainmise des intérêts français sur leur pays, par les Sénégalais. Sa famille s’est constituée une des plus grandes fortunes internationales.
(7) Op. Cit. p. 116.
(8) Op. Cit. p. 114 – 115.