Le Chef de l’Etat a confié la rédaction d’un “Livre Blanc” à une commission chargée de réfléchir sur “la Défense et la Sécurité Nationale” de la France pour les quinze prochaines années (1).
A la “Défense Nationale” s’ajoute, en effet, le concept de “Sécurité Nationale”. Concept aussi flou qu’extensible à l’infini : de la lutte contre le terrorisme, aux catastrophes
naturelles…
A priori, cette démarche est d’un très grand intérêt pour tout citoyen, tellement enjeux économiques et financiers
considérables sont imbriqués. La France y consacre, au minimum, 2% (hors Sécurité Nationale) de son PIB. Représentant un des 5 premiers budgets du monde !... Avec un objectif de 2,5 %. Pour
la période 2003 – 2008, en termes de programmation militaire (équipements nouveaux), l’augmentation a été de 6, 8 % en euros
constants.
Budget, qui présente un double privilège. Le premier, de n’être jamais évoqué en termes de “déficit”. D’une année
sur l’autre, étonnamment, médias et politiciens n’en parlent qu’en termes, très discrets, “d’augmentation”. Toujours insuffisante, évidemment.
Le deuxième, ce tonneau des Danaïdes du budget de la France,
n’est jamais abordé dans de grands et fréquents débats publics, par les politiciens et les médias.
Bizarrement, tout le monde “s’étouffe”. Pas de discussions enflammées, ni de polémiques, pas d’échanges d’informations ou de visions autour des dizaines de milliards en jeu, et de leurs
principaux bénéficiaires en termes de marchés aux marges confortables. Ni à l’Assemblée Nationale, encore moins sur les plateaux de télévision ou de radio. Il est vrai que les dits
“bénéficiaires” détiennent la quasi-totalité des médias du pays, y compris les sociétés d’édition et de distribution. Presse et livres…
La Cour des Comptes, si sourcilleuse sur les dépenses hospitalières, tout aussi curieusement souffre “d’angles morts”,
passant à côté des contrats, des avances des deniers publics (300 millions d’euros, parmi les largesses de l’Etat, au groupe Lagardère, pour des recherches sur des drones…).
Les uns et les autres, généreusement attribués à des sociétés d’armement, sans appels d’offres, ni procédures de mise en concurrence. Encore moins en termes de contrôle des dépenses, des coûts
d’achat, des coûts de revient, ou suprême pudeur, des marges pharaoniques que certains y réalisent…
Bruit, fureur, apocalypse, tout cela est réservé aux autres budgets et dépenses du pays, plus particulièrement : aux
budgets de la Sécurité Sociale ou des Retraites…
Autre intérêt citoyen, au travers d’un budget de Défense Nationale, ce sont les conceptions d’une société, ses principes
de protection des libertés, ses rapports avec les autres pays, alliés ou pas, son rôle international. Autrement dit : sa vision géopolitique. Conceptions qui transparaissent, ou du moins,
qui devraient être clairement exprimées.
On le sait, en général, ces “commissions” servent à entériner des décisions où les intérêts, les lobbies, ont déjà
accompli leur travail en amont. Chambres d’enregistrement de décisions prises dans les coulisses, leurs conclusions sont destinées, avant tout, à conditionner une opinion publique.
La pathétique “Commission Stasi” est encore présente dans toutes les mémoires. Les plus récentes, celles de Balladur ou d’Attali, ne dérogent pas à cette pratique …
Les travaux de la Commission du Livre Blanc sur la “Défense et la Sécurité Nationale” ont été filmés, du moins ceux apparents, avec les auditions publiques comprenant des intervenants, y compris étrangers, et les
représentants des partis politiques du pays. Enfin, les habitudes vont changer peut être, se dit-on…
Peu de journaux et de médias en ont traité, de façon analytique. Quelques réactions portant sur la constitution de la commission (2). A part cela : rien. Ce qui est plus que regrettable de
la part des professionnels de l’information et des parlementaires. Après avoir visionné l’ensemble des auditions publiques, j’en retiens deux impressions majeures :
1. Commission et auditions : une pantalonnade assumée
La composition d’une commission est toujours révélatrice. Trois composantes complémentaires sont à observer. En premier
lieu, les membres “désignés”, en principe pour leurs compétences.
En second lieu, les “invités” aux auditions. Choisis pour leurs apports contribuant aux éclairages nécessaires à une perception la plus complète possible, du fait qu’il convient, ici, d’anticiper
sur une quinzaine d’années.
Mais, en troisième lieu, le plus intéressant à identifier et à analyser : ceux qui n’ont pas été “désignés” ou
“invités”, autant dans la commission que dans les auditions : les “absents”.
Quand je dis “absents”, c’est moins au niveau des personnes elles-mêmes, qu’en termes de tendances et de courants contradictoires qu’elles représentent, nécessaires à toute réflexion
indépendante. Et, dans ce type de travaux, les absents “parlent” plus que les présents.
Sous la direction de Jean-Claude Mallet (3), avec l’onctuosité mondaine qui sied à pareille manifestation, la loi du
genre a été scrupuleusement respectée.
1.1.
Les “Professeurs Nimbus” de la Commission
A la lecture de la composition de la Commission, on ne peut être que sidéré de constater la présence de soi-disant
“experts” en stratégie et géopolitique qui sont, en France, les représentants les plus “fanatiques”, et je pèse mes mots, de l’extrémisme américano-sioniste.
J’en mentionnerai deux, tout particulièrement, connus pour soutenir bruyamment toutes les manœuvres des extrémistes
occidentaux. Fameux, dans le milieu de ceux qui connaissent le contexte géopolitique du Moyen Orient, pour avoir cautionné tous les mensonges de la propagande occidentale concernant l’Irak : François Heisbourg (4) et Thérèse Delpech (5).
Dès février 2004, des médias courageux ont attiré l’attention
(6) sur ces bonimenteurs, principale “source d’expertise” des médias et des parlementaires qui se sont “trompés”, et ont “trompé” leurs interlocuteurs sur des orientations et décisions aux
conséquences extrêmement graves, entraînant mort d’hommes, de civils et des destructions incalculables. Car, soit ils étaient nuls, soit ils étaient complices, soit ils étaient les
deux…
François Heisbourg, entre autres titres ronflants, est président du conseil d’administration de l’International Institute for Strategic Studies, lobby atlantiste installé à Londres, dont toutes les informations sur l’Irak se sont révélées fausses. Après avoir
été un ancien membre de la représentation permanente de la France à l’ONU, ancien conseiller des Affaires Etrangères et ancien vice président de MATRA-Défense…
A peine sorti de la mouvance anti-irakienne, il s’est transformé en un des activistes les plus acharnés, en France, de l’hystérie anti-iranienne. Multipliant articles et interventions pour exploiter le
filon. Dans le genre, en clair : l’Occident se dégonfle, il faut cogner pour se faire respecter… Du niveau de l’émission à laquelle il participe souvent, “C dans
l’Air” : c’est tout dire…
Appartenant à la catégorie des “inventeurs du fil à couper le beurre”, il est l’auteur du cliché mémorable :
… “Le monde arabo-musulman des années 1990 a fait émerger une nouvelle génération de fanatiques sans frontières qui désormais essaiment d’une région à l’autre du globe en utilisant en
retournant contre lui les armes et les moyens technologiques de l’occident”. (7)
Thérèse Delpech : Rien que son nom provoque l’hilarité, dans les cercles de la géopolitique non filialisés aux
“néocons”… Violemment anti-iranienne (8), après avoir soutenu tous les bobards anti-irakiens sur les armes de destructions massives, chimiques ou bactériologiques, elle se veut à l’extrême
droite de l’extrémisme américano-sioniste.
On la retrouve en théoricienne intégriste, anti-russe, anti-chinoise, anti-tout ce qui peut déplaire aux “néocons”.
Je ne peux résister au plaisir de vous citer une de ses multiples “perles”, à propos de la présidence tournante du G8,
par la Russie. Parlant du G8, comme s’il s’agissait d’un club de golf select où ne sont pas accueillis les manants… :
“ La Russie ne présente, en effet, ni les garanties démocratiques ni les caractéristiques économiques, qui
permettent théoriquement d’entrer dans le club des pays industrialisés. Si, elle ne témoigne pas, de surcroît, du sens des responsabilités internationales que l’on peut attendre d’un grand pays,
que lui reste-il donc pour justifier sa présence dans ce groupe prestigieux ?…”(9).
Ne sait-elle pas que la Russie, dans sa configuration géographique actuelle, représente, en superficie, le premier pays
du monde, soit 32 fois la France ? Ne sait-elle pas qu’il est limitrophe de 14 pays ?...
Ne sait-elle pas qu’il s’agit du premier ou du deuxième producteur mondial, selon les matières premières, de pétrole, de gaz, de charbon, de diamant, etc. ? Ne sait-elle pas qu’il
s’agit d’une des premières puissances nucléaires, aérospatiales, militaires, et industrielles du monde ?...
Au vu de “ce niveau d’expertise géopolitique”, on se met à désespérer de l’intelligence, moins pour elle, soyons
charitables, que pour ses sponsors qui acceptent les conseils de pareille source…
Mais le rôle de ces “pseudo-experts” n’est-il pas, tout simplement, de confectionner l’habillage, le window dressing, des politiques coloniales et bellicistes les plus rétrogrades, par
des considérations et des jargons permettant d’entretenir la paranoïa nécessaire à la justification des politiques hyperviolentes de l’Occident ?...
Je m’arrête là. Il y aurait d’autres cas à relever, de tous ces professeurs Nimbus,
rassemblés dans cette commission : Bruno Tertrais, publiant “Iran – La Prochaine Guerre”…
Etc. Ils se marchent sur les pieds…
1.2.
Les “invités”
Que dire, alors, des invités ? Tant étrangers, que français. Tout aussi stupéfiant !... Je vous invite à
visionner et écouter ces “auditions”.
Tout le ban et l’arrière-ban des "néocons", atlantistes, européens, américains, sionistes. Parmi cette brochette, bien sûr, l’inévitable et inénarrable polonais, habitué des médias français,
chargé de véhiculer le discours “OTANesque” et antirusse : Bronislaw Geremek.
Ou encore, plus affligeant, le seul à représenter ce grand continent qu’est l’Afrique, le sénégalais, Souleymane Bachir Diagne (vivant et enseignant aux USA) pour qui les problèmes africains se résument à la démographie.
Le pillage des immenses ressources africaines, depuis des siècles, par les puissances occidentales : cela n’a jamais existé ou n’existe pas… Il n’en parle pas, même pas une allusion. Le
droit à l’autodétermination et la fin des occupations militaires soutenant les pires dictatures africaines : problèmes inexistants. Autrement dit, tout ce qui constitue cette énorme bombe à
retardement qui va exploser, un jour, au nez de l’Occident. Rien : “trou noir”…
Ou encore, Ghassam Salamé (8) dont
j’attendais un panorama complet et objectif de la situation au Moyen Orient et du ressenti des peuples de cette région, face aux agressions permanentes de l’Occident, physiques et verbales :
destructions, occupations, violations du droit international, non application des résolutions de l’ONU, campagnes de propagande islamophobes, etc.
La langue de bois, dans ses plus belles sculptures… Dramatique exemple de la faillite des “élites occidentalisées” de cette région.
Ou encore, plus divertissant, Ariel
Levite, ancien directeur général adjoint du Commissariat à l’énergie nucléaire d’Israël qui, à ce jour, refuse de signer tout traité de non prolifération nucléaire. Amusant de le voir et
l’entendre, très à l’aise, nommer, chacun par leur prénoms, les différents professeurs Nimbus présents dans la commission… Soulignant ainsi, publiquement, la connivence entre eux et lui. Du
moins, ce qu’il représente…
Ou encore…
Quel cirque !…
1.3.
Les “absents”
Lors de ces auditions, le martèlement continu de l’idéologie “néocons” rend encore plus vive l’absence de visions
indépendantes. Qu’elle soit représentée, rien de plus normal, il s’agit du discours dominant. Mais, que ce discours et cette vision soient les seuls, dans une enceinte chargée de réfléchir au
devenir de la Défense Nationale, cela est plus que préoccupant.
Comment, sérieusement, bâtir une réflexion géopolitique sur les quinze ou vingt prochaines années avec pour critères uniques : une vision partisane, pour ne pas dire fanatique, la langue de
bois et une inculture généralisée ?...
Ici, ou là, à peine prononcés ou esquissés, on entend les mots : terrorisme, islamisme,
menaces… Mais, tout cela recouvre quoi : causes, conséquences, alternatives, évolutions, solutions possibles ?... Quelle vision ?...
Pour changer des clichés et du prêt-à-penser de la propagande courante, des intervenants de qualité, par leur liberté et leur force intellectuelles, auraient pu être invités.
Sur l’évolution prochaine du monde, de grands esprits auraient pu faire partager leurs recherches et leurs
convictions : tels un Maurice Allais ou un Edgar Morin.
Sur l’islamisme, j’aurais aimé entendre un des meilleurs spécialistes mondiaux, il est français : François
Burgat.
Sur le terrorisme, l’américain Marc Sageman, pour percevoir autre chose que les clichés à deux kopeks d’un Heisbourg.
Sur le Pakistan, William Dalrymple, sur l’Irak, le britannique Charles Tripp, sur l’Iran, Hamid Dabash, ou, sur l’Asie et le sud-est asiatique, un des meilleurs analystes internationaux, Pepe
Escobar.
Je cite les plus facilement accessibles, réputés pour leur indépendance d’esprit. Il y a en a d’autres, bien sûr.
Et, surtout, un Palestinien pour nous parler de ce crime contre l’humanité au quotidien, qu’est le traitement de son
peuple. Horreur, qui choque profondément l’opinion internationale et ridiculise toute prétention de l’Occident à une quelconque légitimité de donneur de leçons.
Pour cela, il y a, toutefois, un préalable : une réelle volonté, avec le courage qui va avec, d’appréhender une
vision géopolitique.
2. Vision géopolitique française : La Voix de son Maître
De ces auditions se dégage la vision, cultivée par les “néocons” et leurs porte-voix, d’un Occident assailli, attaqué
pour ses “valeurs”. Une Europe assiégée par des sauvages menaçant ses fondements et ses habitants.
Un intervenant évoquait même “la maman et son landau”, qu’il convient de protéger (11). Peut-être pensait-il à la célèbre scène du film d’Eisenstein, Potemkine ?… Mais, il a dû voir
le film de travers : c’étaient les troupes tsaristes qui tiraient, descendant les fameux escaliers d’Odessa, sur leurs compatriotes réclamant une justice sociale …
Dans un texte sur Philip Agee, je rappelais récemment
:
“…cette vision binaire et paranoïaque entre Le Bien et le Mal. Du temps de la Guerre froide. Cette tare est indécrottable de la vision géopolitique des castes au pouvoir (et de leurs
“experts”…) en Occident. Elle perdure depuis le Moyen Age !...”
A cette idéologie du Bien affrontant le Mal, je perçois, toutefois, une inflexion de forte amplitude depuis la chute du
communisme. Ce n’est plus l’affrontement entre des blocs, rivalisant dans l’expansion de leurs aires d’influence ou de domination, s’affrontant épisodiquement par pays vassalisés. Aux marches
lointaines du cœur de leurs territoires.
A présent, l’Occident se vit assiégé, par un ennemi intérieur aussi bien qu’extérieur. Sous forme de
dangers qu’il peine à définir ou à identifier.
C’est le mythe d’une collectivité menacée en permanence de disparition, par des peuples de “civilisation inférieure”, prétendant rivaliser en puissance avec lui : puissance économique,
politique, militaire…
La psyché occidentale est, en fait, gangrenée par l’extrémisme sioniste. Cette vision paranoïaque, reprend mot pour mot l’idéologie des ultras américains et sionistes. La France en est réduite à
adopter, dans une soumission acceptée par ses castes au pouvoir, la posture : “La voix de son maître”.
Ces menaces, mal définies, ont pour conséquence : la nécessité de les combattre à la source. C’est-à-dire dans
d’autres pays, plus ou mois lointains, qu’on essaye avec courage, détermination et esprit de sacrifice, de civiliser au passage, tout en les détruisant.
D’où l’omniprésence du terme : expéditions extérieures, forces de projection, missions de paix, de stabilisation, etc.
Mégalomanie, s’exprimant dans l’arrogance du plus fort. Malgré sa force, démultipliant la peur sur le plan intérieur.
Peur psychotique. D’où le besoin de se surarmer, de se doter d’une industrie de l’armement démesurée, de transformer progressivement la collectivité en Etat policier, d’abord, avec l’érosion
systématique de ses libertés publiques, puis ouvertement militarisé.
Cette représentation hallucinée d’une chimère, occulte une réalité qui est tout autre. Nous ne sommes plus dans une
vision fondée sur la perception objective d’une situation et de son évolution, mais sur l’observation rigoureuse de tabous. C’est oublier que la stricte observance de tabous provoque
l’aveuglement, pire : le fanatisme.
Et, l’Histoire s’en contrefiche…
2.1. Les tabous de l’Occident
Politiciens et médias occidentaux confondent “Communauté Internationale”, qui ne représente que les castes au
pouvoir et leurs appareils de propagande, avec “Opinion Internationale”, parfaitement informée, au jour le jour, de ce qui se passe réellement dans le monde.
Le paradoxe est impressionnant, dès qu’on sort de ses frontières, hors d’atteinte de ses outils de propagande, l’Occident n’a plus aucune légitimité. Seule crédibilité temporaire : la force
brute. Et, quatre tares apparaissent :
i) Absence d’éthique
Contrairement à l’autosatisfaction entretenue par sa propagande, l’Occident est considéré comme une puissance
conquérante, porteuse de mensonges et de violences.
C’est ce double langage, entre la propagande diffusée à l’intérieur des pays occidentaux et les actes accomplis à l’extérieur, en manipulant son opinion publique par la désinformation, qui n’est
pas accepté et ne sera jamais accepté par les autres peuples.
D’où les reproches constants qui enlèvent tout bien- fondé à sa politique étrangère :
=> L’hyperviolence : les sommets de violence, pratiqués sur
plusieurs continents depuis plusieurs siècles (y compris en Chine de 1840 à 1940) soulèvent un mépris général qui, évidemment, contraste avec l’autosatisfaction cultivée dans les médias
occidentaux, jusque dans ses manuels scolaires.
Ce qui se passe en Palestine, en Irak, en Afghanistan, où les massacres de population civiles sont pratiques courantes et délibérées, confirment la perception du reste du monde.
=> Le mépris de la dignité humaine : le mot éthique a
été effleuré au cours des auditions. Par des officiers supérieurs, d’ailleurs… Sous-entendu : faut-il pratiquer la torture ou pas ?...
Mais, en termes d’éthique qu’en est-il quand on bombarde des civils, quand on occupe militairement un pays contrevenant ainsi au principe du respect du droit à l’autodétermination des
peuples ?...
ii) Pratique du “double standard”
L’Occident se veut donneur de leçons, veillant à pratiquer le “deux poids deux mesures” :
=> Leçons incessantes aux uns et aux autres sur le respect des droits de
l’homme, de l'Etat de Droit et de la démocratie, d’un côté, et, de l’autre, les atrocités permanentes en Palestine, en Irak ou ailleurs…
=> La question de la Palestine et des résolutions de l’ONU jamais
appliquées concernant ce peuple sont une catastrophe pour l’image de l’Occident. Ce “double standard” le rend encore plus ridicule, quant à son soutien au surarmement israélien, tout
particulièrement, sur le plan atomique et balistique.
iii) Milices armées et intérêts privés
Les peuples non occidentaux savent que les “Défenses” occidentales ne sont pas armées pour défendre leurs pays, mais pour
conquérir les leurs, ou les asservir en soutenant les crapules et les dictatures qui les oppriment.
A aucun moment la commission ne s’est posée la question sur la légitimité des “opérations extérieures”… L’armée est-elle une milice au service d’intérêts, avant tout,
privés ?...
“Quand on claque des talons, la tête se vide”, disait le maréchal Lyautey. Vérification exacte : aucun
des militaires, intervenant à la commission, ne s’est posé la question sur la légitimité et l’éthique des “opérations extérieures”…
iv) Autocratisme et “fait du Prince”
Les élus, le peuple, ne sont même pas consultés lorsqu’il s’agit “d’opérations extérieures”. Certains, du PS
notamment, l’ont souligné. Ils ont appris la présence des troupes françaises en Afghanistan par le magazine Paris Match. Présence que le ministre de la Défense avait niée une semaine
auparavant (Alliot-Marie). Non information, mensonge : où est la démocratie ?...
Il est urgent que le vote des parlementaires soit exigé pour obtenir l’autorisation de ces opérations, avec, une durée
limitée. Instaurant l’obligation d’un objectif de “sortie de crise”.
S’il y a envoi de troupes à l’étranger, le peuple doit savoir : pourquoi, comment, et quand se termine l’opération. Autrement, nous sommes dans le pur exercice de l’autocratisme ou le "fait
du prince". Où est la démocratie, en ce cas ?
2.2. Les conséquences d’une cécité
Quant aux conséquences de cette cécité forcenée, je me limiterai (il faudrait un livre pour en esquisser le tour..) à
deux points principaux, dans une perspective évolutive :
i) La victoire de l’autodétermination des
peuples
Se fermant aux réalités de l’évolution des peuples vers leur “totale” autodétermination, l’Occident va
multiplier les expéditions malheureuses, sous de faux prétextes : Irak, Afghanistan, en sont un exemple quotidien. Il mordra la poussière, avec tout son arsenal et la technologie
dont il est si fier.
Sa politique belliciste ne retardera que l’échéance. Gaspillant les deniers publics et multipliant les souffrances des peuples concernés. Ce sont des combats d’arrière–garde. A l’exemple de la
Chine et d’autres, les peuples se libèreront et choisiront leur propre destin.
ii) Le danger des lobbies de l’armement pour la
démocratie
Les lobbies de l’armement vont tout faire pour accroître la part des dépenses d’armement. Leur mégalomanie n’a
plus de borne.
Entendre des intervenants craindre que la Chine ne rattrape la France, quant à son budget militaire (12), donne une idée de la folie des grandeurs des industriels de l’armement en France. C’est
la grenouille qui veut devenir plus grosse que le boeuf…
Au-delà de 2% du PIB, les démocraties sont en danger. L’industrie de l’armement devient trop importante et se transforme
en moyen de chantage pour ces milieux : recherche et emploi n’ont pas à dépendre de pareilles industries. On sait que c’est l’argument favori des lobbyistes…
Pour museler ce secteur excessivement dangereux pour nos libertés publiques, il convient :
=> De limiter les budgets mondiaux de l’armement à 2% maximum du PIB,
comme critère de convergence.
=> De pratiquer « l’open book » des comptabilités des
industriels de l’armement qui doivent à tout moment être contrôlables par les élus et les organes spécialisés, afin d’éviter les marges excessives, prêts gratuits et autres libéralités. La
transparence dans l’usage des deniers publics doit être totale, n’en déplaise au laxisme de la Cour des Comptes.
=> D’interdire la possession des médias par l’industrie de l’armement,
afin de respecter la liberté et la diversité d'expression.
Mais tout cela, la commission ne l’a pas évoqué et ne l’évoquera pas.
J’entendais Pierre Lellouche se gargariser
de la “rupture dans les pratiques”, en référence aux auditions publiques filmées, et diffusées sur les TV parlementaires. Prenant les citoyens pour des “canards sauvages”, les supposant
incapables de discerner entre le débat démocratique et la simple modernisation, ou “relookage”, d’une “campagne de com.”…
Loin d’être une “rupture”, le simulacre de la “Commission de la Défense et de la Sécurité Nationale” n’est qu’un Chèque
en Blanc accordé aux intégristes de l’atlantisme le plus fanatique et aux lobbies de l’armement.
Tragique illustration de la déliquescence de nos institutions, aux mains d’une oligarchie ploutocratique et belliciste
qui, par son aveuglement idéologique, prépare des lendemains de désarroi, de souffrance, et de révolte pour notre nation…
(1) Les précédents remontent à 1974 (Pompidou - Debré) et 1994 (Balladur – Léotard).
(3) Jean-Claude Mallet : Conseiller d’Etat, membre de la puissante famille des banquiers Mallet, du groupe Neuflize-Schlumberger-Mallet-Demachy (NSMD) rattaché au groupe
international ABN-Amro (Hollandais d’origine), a été Secrétaire Général de la Défense Nationale de 1998 à 2004.
(4) Heisbourg, François, auteur notamment de : Hyperterrorisme : La Nouvelle Guerre, Odile
Jacob, 2001, La fin de l’Occident-L’Amérique-L’Europe et le Moyen Orient , Odile Jacob, 2005, L’épaisseur du Monde, Stock, 2007.
(5) Principaux ouvrages de Thérèse Delpech :
=> L’Ensauvagement – Le Retour à la Barbarie au XX° siècle – Grasset 2005
=> L’Iran – La Bombe et la Démission des Nations – Autrement – 2006
=> Le Grand Perturbateur – Réflexions sur la question iranienne – Grasset 2007
(7) Hyperterrorisme (Op. Cit.).
(8) Signataire, aux côtés des membres du lobby ultrasioniste, très actif en France (BHL, Glucksmann, Elie
Wiesel, etc.), d’un appel aux dirigeants européens (novembre 2006) appelauxdirigeantseuropéens@yahoo.fr, dont voici quelques
fadaises confites d’hypocrisie :
“… Au nom de notre attachement à la démocratie… exhorter les dirigeants européens à faire face au danger que font
peser sur le monde les dirigeants iraniens, leur volonté de se doter de l’arme nucléaire et de « rayer Israël de la carte » : … - refuser les violations du droit international et
du traité de non-prolifération des armes nucléaires … - demander à l’Onu qu’elle fasse respecter sa Charte interdisant à tout Etat membre l’incitation à la haine et l’appel à la destruction d’un
autre Etat membre, faute de quoi l’ONU perdrait toute légitimité…”
(9) Le Grand Perturbateur (Op. Cit.), p. 119, note 2.
(10) Ghassam Salamé, ancien ministre de la Culture, de l’Education et de l’Enseignement Supérieur du Liban,
Directeur de recherches au CNRS/CERI…
(11) Pierre Lellouche est membre de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée Nationale. C’est,
surtout, un des plus puissants hiérarques de l’UMP et des lobbyistes les plus actifs des industriels de l’armement.
(12) Cf. intervention de Pierre Lellouche. Le fameux maintien, dans le jargon du
milieu, du “gap arrière” : ceux qui sont derrière nous, ne doivent pas nous rattraper… Cela se veut un raisonnement logique et intelligent !...