Suite des articles :
Récession (1) :
1. Les caisses sont vides
2. C'est la faute aux pauvres
Récession (2) :
3. Le système bancaire français est excellent
3.1. Le cimetière des catastrophes bancaires
Récession (3) :
3.2. Les tares cachées du système bancaire - Le virus IPRIS
3.3. L'Etat au service du lobby bancaire
Que donne le virus IPRIS aujourd'hui, en novembre 2008, en pleine crise financière ?...
Il est en pleine expansion. Une épidémie.
Non seulement, le virus n'est pas isolé et combattu, mais ce serait plutôt le contraire : ses conditions de prolifération et de diffusion sont renforcées, avec soin, par les autorités censées défendre l'intérêt de la collectivité. Comme si, lors du pic de l'épidémie du SIDA, on avait multiplié la distribution des poches de sang contaminé...
Inutile de s'étendre davantage sur les dégâts, tant la forêt d'évidences et de faits s'étale sous notre regard. Retenons, en France, deux exemples significatifs parmi les plus récents :
Le premier : la perte catastrophique enregistrée par la Caisse d'Epargne, lors de ses dernières manoeuvres spéculatives, poursuivies avec obstination par sa direction générale. Alors que la crise financière secouait, depuis plusieurs semaines, l'économie mondiale. Comme les mauvais joueurs de casino, ils avaient dû vouloir "se refaire", pour reprendre leur expression, éponger les pertes antérieures.
Le deuxième : la formulation du plan de sauvetage des banques qui vient d'être organisé. Les banques asphyxiées, au bord de la faillite du fait de leur incapacité à remplir leurs engagements, viennent d'être secourues officiellement, le 20 octobre 2008 par l'Etat.
Examinons brièvement ce dernier point, derrière le rideau de fumée d'une habile campagne de communication. Soyons attentifs aux termes employés et au dispositif mis en place pour qualifier et justifier l'opération.
Il s'agit d'un "plan de soutien", et non pas d'un "plan de sauvetage", insiste-t-on. Alors qu'il s'agit bien d'un sauvetage.
Pourquoi ?...
Tout simplement parce que les auteurs, concepteurs, organisateurs de cette opération se refusent à employer un mot porteur de conséquences importantes quant aux modalités. En effet, par cette astuce sémantique, ils dissimulent une véritable escroquerie au détriment de la collectivité. Avec le support, bien évidemment, des médias de la propagande, publique et privée...
=> Le mot "soutien", au lieu de "plan de sauvetage", permet, d'abord, d'occulter l'incompétence et la gabegie des dirigeants. Ils sauvent leur peau ou leur poste. Ils sont même valorisés. Les "valeureux poussins" vont être soutenus par la mère poule, par la collectivité, dans leur vaillant combat pour le développement, la croissance et la prospérité de la communauté nationale... Le tableau est rendu moins culpabilisant devant l'étendue du désastre et de l'arnaque.
=> Le mot "soutien", au lieu de "plan de sauvetage", permet, ensuite, de justifier l'incroyable montage financier accepté par l'Etat sous la pression du lobby bancaire (19).
L'Etat va, dans une première opération, répartir entre les principales banques 10,5 milliards d'euros (20). Mais, sous forme d'un prêt. Au lieu d'un apport en capital par des prises de participations, qui l'aurait rendu actionnaire des établissements secourus. Solution normale, adoptée aux USA ou en Grande-Bretagne, et dans d'autres pays (RFA, Belgique, etc.). Ces Etats, sollicités pour éponger les pertes abyssales des établissements secourus, s'en sont rendus actionnaires. C'était la moindre des choses.
En France ?... Non.
"Les banques se voient recapitalisées, sans que l'Etat ne devienne leur actionnaire", nous dit-on. Pour nous rassurer, on précise que les banques vont payer "cher", 8%, et qu'une participation en capital n'aurait pas été rémunérée.
C'est prendre les citoyens pour des imbéciles.
Car, l'escroquerie à la collectivité est là : l'Etat devait en contrepartie du sauvetage des banques et de l'effort de la collectivité (au détriment des priorités, rappelons-le, que sont les systèmes de santé, d'éducation et de retraites), prendre une participation au capital des banques.
Pour deux raisons :
i) Le cours des actions des banques s'est effondré, c'était donc l'occasion d'échanger l'argent public apporté contre des actions au prix actuel. Pratique naturelle de tout bailleur de fonds, gérant ses actifs "en bon père de famille", dans un contexte similaire.
Une sortie du capital, aurait pu être programmée à terme. Avec, par exemple, une "convention de portage" : l'Etat cédant ses actions dans dix ans par exemple. Récupérant à la fois le capital et une plus-value substantielle qui contribuerait aux besoins de la collectivité.
ii) De plus, l'apport d'argent frais sous forme d'une participation au capital aurait été rémunéré, par les dividendes annuels distribués à partir des bénéfices générés par les établissements bancaires. Encaissés chaque année, comme pour tout actionnaire.
Dire que l'apport de l'argent public n'aurait pas été rémunéré en cas de prise de participation au capital des banques, est donc, en la circonstance, pur mensonge.
On comprend mieux les accents de triomphe, l'incommensurable arrogance, du président de la Fédération française des banques (FBF), Georges Pauget, actuel président du Crédit Agricole, devant la capitulation du pouvoir politique :
" ... Nous avions posé nos conditions, et parmi celles-ci, que l'Etat ne nous apporte pas de vrai capital. Nous ne voulions pas d'un Etat avec des pouvoirs dans la gestion des établissements..." (21).
Notez bien : " ... Nous avions posé nos conditions...".
Un lobby bancaire, représentant des établissements en faillite du fait de leur gestion catastrophique, sauvé par un effort énorme de la communauté nationale, se permet de "poser ses conditions" !...
Autrement dit, les banquiers, aussi incompétents qu'irresponsables imposent à la collectivité, aux contribuables, à l'intérêt général, représentés par ce qu'on appelle "l'Etat", de renflouer leurs caisses quand elles sont vides, mais surtout de ne pas mettre le nez dans leurs tripatouillages véreux...
Aveuglante illustration, encore une fois, du dogme du Libéralisme Economique et de sa ploutocratie : la collectivité partage nos pertes, mais pas nos bénéfices...
Une fois encore la collectivité, l'intérêt général, voient leurs intérêts bradés par un pouvoir politique aux ordres. Véritable marché de dupes, avec le culot de qualifier cet accord de "gagnant-gagnant"...
Ajoutons que dans ce plan de sauvetage par l'Etat, il n'y a aucune contrepartie, non plus, sous forme d'un engagement, d'une charte, dans laquelle le secteur bancaire et financier manifeste et démontre sa volonté de rénover le système bancaire : changement des dirigeants des établissements en faillite, révision de la vocation, du mode de fonctionnement et de la stratégie de ces établissements (abandon de la spéculation au profit de l'investissement...), etc.
Rien.
On vient d'assister, en fait, à une extraordinaire manifestation d'allégeance du pouvoir politique, dont la vocation et la légitimité, en tant qu'élus de la communauté nationale, est de représenter les intérêts de tous les citoyens.
Allégeance, dans un acte de soumission humiliant et totalement malhonnête, à un groupe de pression.
La métaphore peut paraître, de prime abord, exagérée. Mais, il suffit d'un simple exercice de lucidité, aussi pénible soit-il, le constat crève les yeux :
L'Etat, la communauté nationale, la collectivité sont réduits en esclavage par le lobby bancaire.
A suivre :
4. Reconstruire ou ravaler - Même Louis XIV n'aurait pas osé...
19. Cf. Article Plan français de soutien aux banques - un accord
gagnant-gagnant, Le Monde, 21 octobre 2008, http://www.lemonde.fr/la-crise-financiere/article/2008/10/21/plan-francais-de-soutien-aux-banques-un-accord-gagnant-gagnant_1109271_1101386.html#ens_id=1104637
20. L'apport en fonds de sauvetage, proportionnel à la taille du bilan des banques, se répartit ainsi : Crédit Agricole 3 milliards d'euros, BNP Paribas 2,55 milliards, Société
Générale 1,7 milliard, Crédit Mutuel 1,25 milliard, Caisses d'Epargne 1,1 milliard et Banques Populaires 950 millions.
21. Le Monde, Op. Cit.
Photo : Esclave enchaîné. Ecomusée de Saint-Nazaire. Dominique Marcel.