« … la double direction donnée au ressentiment, retournement contre soi et projection contre l’autre :
… c’est ta faute, c’est le Juif, l’Arabe, le Chinois… »
Gilles Deleuze & Félix Guattari (1)
Lèvres serrées sur la paille, je sirotais ma noix de coco…
Surfant de BBC en CNN, de TV5 en RFI, et autres médias. Sur la vague sinophobe, gonflée d’écume par les émeutes d’Urumqi (Ouroumtsi, Ouroumchi, suivant les transcriptions…), capitale de la province chinoise autonome du Xinjiang.
Fasciné par le culot de nos experts en désinformation. Horde de “sinologues”, panachée cette fois-ci de “spécialistes en religions”, bardés de titres ronflants. Anonnant leurs sermons "démocratisateurs" et “droit de l’hommiste”, distribuant leurs clichés habituels, comme autant de sachets de cacahuètes.
Regroupés en troupeau, sous la badine des “présentateurs” et “chroniqueurs” zélés de la médiacratie. Car, bien entendu, la déontologie de ces professionnels de “l’information manipulée” applique strictement la “non-diversité” de l’information : aucun contradicteur n’est, en conséquence, opposé à leurs protégés véhiculant la doxa antichinoise.
Sans me vouloir chauvin, dans cette furieuse propagande ravageant l’Occident mieux que la grippe porcine à un milliard d’euros par pays, les français se sont révélés les plus forts. Aucune comparaison ! Incontestablement, en ce 14 juillet, ils auraient mérité de se voir décerner la médaille en chocolat des Tintin Reporters. La légion d’honneur, ils l’ont déjà pour la plupart… (2)
Flambée de violences provoquant la mort de 200 personnes et un millier de blessés. Essentiellement des Hans massacrés par des émeutiers, à coup de couteaux et de barre de fer. Des commerces et des véhicules incendiés.
Même processus opératoire qu’au Tibet l’année dernière à la même période, avec un nombre plus élevé de victimes.
Argumentation identique : ces émeutes seraient la conséquence de l’atroce colonisation par la Chine du Xinjiang. Annonçant sa dislocation prochaine. Si, si, foi de Tintin et Milou…
Ah !... Diaboliser la Chine et prévoir sa fin !... Que ne ferait-on pas ?...
Gujarat (Inde) – Maisons et commerces de familles musulmanes incendiés par les extrémistes hindous
Les Bons Apôtres de la fraternité
Les mêmes médias, qui nous avaient bassinés de burqah et niqab pendant des semaines, hystérisant sur la nécessité d’une loi pour protéger la société française, et nos précieuses valeurs occidentales, des dangereux musulmans…
Stupéfiant, subitement, de les voir voler au secours des musulmans, persécutés par les sournois et implacables Chinois !... Musulmans Ouïgours, à ne pas confondre avec les Yoghourts, comme notre ministre des affaires étrangères, Kouchner (3).
A part dans la désinformation, je ne connais aucune discipline en mesure de maîtriser un tel virage, instantané, à 180° !
Mais, sachant que nos courageux “Tintin sinologues”, en Bons Apôtres de la fraternité avec les musulmans, pratiquent une vision folklorique de l’Asie et de l’Histoire…
Sous l’ère soviétique, les musulmans d’Asie centrale, en majorité des Turcophones sédentarisés, ont été persécutés en permanence. Il est vrai que ce fut au nom de “la laïcité” et de la “modernité”. Quand on veut passer pour “humaniste à vocation universelle”, on dit Au Nom des Lumières, justifiant ainsi les silences…
Tout aussi frappant est de constater la continuité de ces silences, face aux persécutions antimusulmanes dans les nouvelles républiques nées de l’éclatement de l’URSS : Kazakhstan, Ouzbékistan, Turkménistan, Kirghizistan, Tadjikistan. Encore plus féroce que sous les soviétiques.
En fait, on retrouve les mêmes métastases de ce cancer. Des autocrates mégalomanes, enrichissant leurs clans et leurs familles, pendant que le reste de la population est plongé dans la survie. Ces “hyperdictatures”, authentiques mafias au pouvoir issues de l’ancien appareil politique soviétique, bénéficiant d’un éloignement et d’une occultation médiatiques, rappellent les dictatures latino-américaines des années 70-80 soutenues par l’Occident.
Les mafias dirigeantes de ces républiques ex-soviétiques, à partir du moment où elles souscrivent au dogme du libéralisme économique, aux orientations de politique étrangère et aux bases militaires qui leur sont imposés, bénéficient de toutes les protections de l’Occident.
Riches de leurs ressources énergétiques et minières, les pratiques dictatoriales et sanguinaires de ces pays ne seront jamais inquiétées par les adeptes des Droits de l’Homme… Au contraire, ces prétendues républiques seront valorisées, courtisées.
Pourtant, leurs potentats locaux sont détestés d’une population ne supportant pas la spoliation de ses richesses nationales et la misère qui lui sont imposées. Pratiquer la terreur contre toute opposition est donc leur seule politique.
Leurs opposants étant souvent des musulmans pratiquants, dans ces pays à majorité musulmane, ils assimilent tous les pratiquants de l’Islam à des “terroristes”. Leur paranoïa et leur cynisme s’épanouissant dans la multiplication des mesures et opérations d’inquisition antireligieuse. Jusque dans l’horreur.
C’est ainsi qu’en plein 21° siècle, en Ouzbékistan, un des jeux favoris du “président” Karimov et son clan est de faire “bouillir” les opposants. Oui, dans l’eau bouillante, comme des langoustes. Parfois par mansuétude, ils ne font bouillir qu’une partie du corps. Sort réservé au fils d’un opposant, il n’a eu qu’un bras bouilli. On dira qu’il était majeur, il avait 18 ans… A titre d’avertissement. Pour calmer l’opposition.
C’est le “dialogue démocratique” dans ces régimes hautement appréciés par les gouvernements occidentaux pour leur “libéralisme économique” et leurs “élections libres”.
Très appréciés, aussi, des services secrets britanniques et américains sous-traitant leurs tortures dans leurs “centres” réputés pour leur niveau d’excellence. Les agents occidentaux, évitant de se salir les mains dans une attitude de civilisation avancée, se limitent à poser les questions et noter les réponses…
Souvent, les mêmes questions, plusieurs heures, jours, semaines, mois durant, afin de s’assurer qu’il n’y ait pas de variation dans les réponses du “terroriste sous-traité”… Il n’y a pas plus rond-de-cuir qu’un agent des services secrets, comme le rappelle l’ancien espion John Le Carré dans ses romans (4).
Entre autres nombreux témoignages sur ces pratiques, nous avons celui d’un ambassadeur européen en poste au cœur de l’Asie centrale…
Craig Murray, ambassadeur de Grande-Bretagne en Ouzbékistan de 2002 à 2004, s’était ému de la folie sanguinaire de ces régimes mafieux, pillards, et de leur collusion avec les services spéciaux occidentaux. Notamment, celui du président Karimov, en Ouzbékistan même, où il exerçait ses fonctions, ayant un accès privilégié à des informations tenues secrètes.
S’il est urgent de préserver le gorille et l’éléphant des braconniers, ce brillant et courageux ambassadeur estimait tout aussi impératif de protéger l’Homme des comportements sadiques de ses propres congénères. Tortionnaires, protégés par les gouvernements occidentaux.
Souhaitant défendre les valeurs universelles, Dignité Humaine, Liberté et Droits de l’Homme, il avait alerté son gouvernement et Tony Blair, tenté de mobiliser tous les démocrates et relais d’opinion de son pays. Remuant ciel et terre. En vain. Devant l’épaississement du silence à chacune de ses tentatives, menaçant de révéler dans un livre ce dont il avait été témoin.
Résultat : Il a été viré par le ministère des affaires étrangères de son propre pays. Et, les médias de Murdoch se sont employés à le faire passer pour “dépressif”, fou…
Craig Murray n’avait pas compris. Il n’aura pas le Prix Nobel de la Paix…
Ces pays d’Asie centrale regorgent de gaz, de pétrole, d’uranium. En contrôler leur accès au marché mondial est une priorité. Il faut les arrimer aux “intérêts occidentaux”. D’où la présence de nos bases militaires. Quel qu’en soit le prix.
De plus, ce sont des pays à “grosse marge”, leurs matières premières étant achetées pour un quignon de pain, en échange de substantiels versements, dans les paradis fiscaux, pour les dirigeants.
Valeurs et Droits de l’Homme ne comptent pas dès qu’il s’agit de Big Business. Ce ne sont que “trucs”, astuces de propagande pour diaboliser ceux qui se mettent en travers de nos ambitions ou de nos projets. Pas plus.
La tête de Craig Murray offerte sur un plateau par l’Occident, comme celle de Saint Jean Baptiste, Karimov s’est vu conforté, récompensé. Abrité derrière la supercherie du “terrorisme islamique”, le “nettoyage” de l’opposition a donc redoublé. Jusqu’aux associations et organisations de bienfaisance musulmanes. A la grande satisfaction de ses protecteurs. Comme au temps du Shah d’Iran, et de sa terrible police politique la SAVAK chargée d’éradiquer l’opposition.
Un exemple…
Des hommes d’affaire musulmans, une vingtaine, qui avaient pris l’initiative de consacrer le cinquième de leurs bénéfices à des œuvres caritatives ont été considérés comme des “terroristes”, emprisonnés, torturés, et leurs biens confisqués. Provoquant un soulèvement de la population qui a abouti aux “massacres d’Andijan”, le 13 mai 2005. La sanglante répression des tueurs du régime de Karimov, fit plus de 1.000 morts, des milliers de blessés, de “disparus”...
Vous n’en avez jamais entendu parler ?... Elémentaire Mon Cher Milou, comme dirait Tintin, nous ne sommes pas en Chine…
En Asie centrale, nos chevaleresques Tintin reporters ignorant ces pays despotiques, aux régimes corrompus et sanguinaires, persécuteurs de l’Islam, n’ont d’yeux que pour le Xinjiang chinois.
Pourquoi un tel tropisme ?...
Gujarat (Inde) – Extrémistes hindous interceptant des camions de secours pour les familles musulmanes victimes des
pogroms
Désosser la Chine
Le Xinjiang est un immense territoire, occupé en son centre par un des plus grands déserts d’Asie : le Takla-Makan. Dans le temps, la célèbre Route de la Soie le contournait, en deux branches, par le nord et le sud.
Ses principales villes sont des ville-oasis : Tourfan (ou Turpan), Kachgar, Koutcha, Urumqi capitale de la province autonome. Abstraction faite de ce désert, la concentration humaine, ou la densité démographique, est aussi élevée qu’en Chine du sud.
Ces déserts sont souvent des plaques tournantes, des lieux de rencontres, de brassage, d’échange et de conflits entre ethnies à l’origine très différentes, car venant de loin. Le musée d’Urumqi expose des momies très bien conservées, trouvées dans le bassin de Tarim, dont l’origine remonte à deux mille ans avant notre ère. D’après les spécialistes ce seraient des hommes et femmes au cheveux blonds ou roux, venant du Caucase, peut-être d’au-delà : les premiers vikings ?...
L’Asie centrale est une mosaïque de peuples nomades et sédentaires, fédérés un temps par Gengis Khan. Le Xinjiang, au carrefour de ces courants regroupe des Ouïgours, Kazakhs, Kirghizes, Ouzbeks, Tatars, Tadjiks, et même des Xibos soldats mandchous postés par les empereurs Chinois.
Bien sûr, des Hans, dont certains islamisés depuis des siècles. On les appelle les Huis, à l’origine mixé d'arabes et de persans. Ce melting pot est à l’image du peuple Chinois, composé de 56 ethnies reconnues officiellement.
Les Chinois occupaient, lors de l’Empire Han, le Xinjiang en 101 avant notre ère, avec ses soldats et marchands. Ses premiers administrateurs civils sont arrivés en 60 avant notre ère, afin d’en concrétiser le rattachement à l’administration centrale. L’Islam n’est apparu qu’au 8° siècle en Chine.
Sur les 25 millions que compte sa population actuelle, le Xinjiang regroupe un peu moins de la moitié des musulmans de Chine, soit 10 millions représentés majoritairement par l’ethnie Ouïgoure. La communauté musulmane dans son ensemble en Chine (il y a même des Tibétains musulmans, vivant à Lhassa, depuis des siècles) est estimée à environ 25 millions de personnes.
D’après la propagande occidentale, il y aurait un conflit religieux et ethnique, exigeant séparation, sécession, indépendance du Xinjiang. D’autant plus que la Chine se livrerait à un changement de la composition de la population en favorisant l’afflux de Hans au détriment de l’ethnie d’origine Ouïgoure, dont elle menacerait l’identité et la culture.
Alors, le Xinjiang est-il Chinois ou pas ?...
Les Occidentaux prétendent que non. Les Chinois prouvent que si. Discussion sur le sexe des anges, pouvant durer indéfiniment. Le plus intéressant est de noter, derrière ce rideau de fumée, les axes de la désinformation et la réalité sur le terrain.
Première remarque : cynisme absolu, les pays occidentaux les plus acharnés dans cette propagande antichinoise sont issus du génocide, physique et culturel, des peuples indigènes sur les territoires desquels ils se sont constitués. Je l’ai rappelé dans un texte (Excuses d’un Français au Peuple Chinois) :
=> USA et Canada, en Amérique du nord : massacre des Amérindiens -“peaux rouges” et importation massive de populations européennes
=> USA, à Hawaï et dans le Pacifique : massacre des Mélanésiens et importation massive d’autres populations (Europe – Japon)
=> Australie : massacre des Aborigènes par les populations d’origine britannique
=> Nouvelle-Zélande : massacre des Maoris par les populations d’origine britannique
La France, n’est pas en reste. Pour ne parler que des colonies encore en sa possession, de la Guyane à la Kanaky, de la Polynésie aux Caraïbes (Martinique, Guadeloupe, etc.), elle maintient la fiction de la “francité”, après d’atroces massacres coloniaux, de territoires dans d’autres hémisphères ou continents que celui où nos ancêtres les Gaulois se sont installés après être venus, avec armes et bagages, d’Asie centrale…
Jusqu’à la Grande-Bretagne, se livrant en 1982 à une guerre contre l’Argentine. Prétendant “britanniques” les Iles Malouines, dans l’hémisphère sud, au large de l’Argentine…
Que dire de l’acharnement de l’Occident, dans la négation physique et culturelle de la Nation Palestinienne depuis plus de 60 ans, jusqu’aux récents massacres et crimes contre l’humanité à Gaza, en 2009 ?... Dans le mépris des “résolutions” de l’ONU.
Dans cette propagande antichinoise, il y a certainement la recherche désespérée de notre inconscient collectif occidental de s’exonérer des bains de sang tapissant notre Histoire. Exorciser notre sauvagerie...
Deuxième remarque : si des émeutiers se sont livrés à des exactions dans la capitale Urumqi, le reste du Xinjiang n’a pas bougé. Les dirigeants de la communauté Ouïgoure n’ont pas compris cette violence.
Très actifs dans toute la Chine, réputés pour leur sens du commerce et des affaires : import-export, immobilier, hôtellerie, industries. Particulièrement puissants dans la restauration, y compris dans les grandes villes comme Shanghai, ils y possèdent parmi les plus prestigieux établissements.
Quant au traitement réservé à l’Islam en Chine… Les musulmans Chinois ont donné des savants, astronomes, explorateurs, navigateurs. Même de brillants généraux luttant contre les Mongols. L’Occident n’est pas encore arrivé à ce niveau dans son Histoire, encore moins la France confite d’islamophobie.
Il faudrait interviewer les représentants de la communauté musulmane en Chine. Pourquoi pas un de ses plus éminents, occupant un des plus importants postes du gouvernement chinois, celui de ministre de l’agriculture avec rang de vice premier-ministre, Hui Liangyu ?... Ou encore, le président de l'Association islamique de Chine Chen Guangyuan ?...
Bien sûr, qu’il y ait des problèmes de redistribution des ressources nationales dans la province, accessoirement d’identité, sur lesquels il convient de travailler, c’est plus que certain. Quel pays n’en éprouve pas ?...
La France, un des pays les plus riches du monde, représentant 0,5 % de la population chinoise sur un territoire équivalent à une de ses sous-préfectures, n’y échappe pas. Traînant une multitude de casseroles d’injustices, économiques et sociales. Sans oublier son racisme institutionnel, à peine dissimulé, à l'encontre de la communauté musulmane, avec ses interdictions de constructions de mosquées et d’écoles, ou ses multiples campagnes de diffamation.
Mais nos Tintin inquisiteurs ne connaissent que les “dissidents chinois”. Imaginons les reporters chinois dès leur débarquement en France n’interviewant, et ne projetant comme images chez eux, que celle de nos propres “dissidents” : nationalistes corses, bretons, basques, faucheurs d’OGM avec notre Bové national, salariés excédés d’être licenciés par des sociétés aux superprofits menaçant de faire sauter leurs usines, ou autres…
De là, à souhaiter le démembrement de la Chine…
Gujarat (Inde) – Familles musulmanes brûlées vives victimes des pogroms des extrémistes hindous
L’Espionne qui venait du Chaud
“Désosser la Chine” : obsession occidentale. Comme au bon vieux temps. Un siècle de pillage occidental, de 1840 à 1940 n’a pas suffi (5). Rêve, fantasme, délire, structurant l’archaïsme intellectuel de nos traîneurs de sabre et responsables politiques.
Souhaitant imposer à la Chine ce que nous avons accompli récemment, à partir de l’expérience de nos découpages au Liban, en Yougoslavie ou en Irak. Système de partition en cours d'exécution en Afghanistan et au Pakistan. Taillant sur mesure une multitude d'Etats croupions, suivant des lignes religieuses ou ethniques, inféodés à l'Occident, via des mafias locales mises au pouvoir par nos soins et maintenues sous notre protection.
La Chine et ses 56 ethnies officielles ?... Ce seront, dans leur logique : 56 Etats. Pulsions haletantes du racisme des bellicistes occidentaux : réduire l’ethnie Han, la plus importante de Chine, à vivre dans l’enceinte des restes du palais impérial à Pékin !
Je caricature à peine…
Lisez un des maîtres de la pensée géopolitique des dirigeants US, Robert D. Kaplan. Eminente personnalité du lobby “militaro-énergétique” occidental, un des théoriciens les plus hallucinés de la volonté d’entrer en conflit ouvert avec la Chine (6). Créer de toutes pièces une nouvelle guerre froide avec ce pays, vécu dans une paranoïa sans bornes comme une menace permanente (7).
Avec comme vecteur principal : affaiblir la Chine en provoquant le maximum de sécessions, multipliant les conflits interethniques ou interreligieux. Au Tibet, ce seront les moines bouddhistes qui seront instrumentalisés comme victimes des Chinois, au Xinjiang ce seront les musulmans. Objectif : Présenter la Chine comme étant un pays où la liberté religieuse n’existe pas. Un pays où les religions sont systématiquement persécutées.
Des manœuvres souterraines avec pour finalité de créer des conflits interethniques ont été repérées en Mandchourie, par les autorités chinoises, articulées sur certains membres de communautés coréennes réfugiées depuis la guerre de Corée.
Il existe même des projets de sécession entre provinces, fondées sur des disparités économiques. Dans les cartons de ces stratèges, par exemple, sécession des riches provinces maritimes Shanghai, Canton (Guangzhou), à réunir dans un condominium, administré par Big Business, avec Hong-Kong et Taïwan…
Ne nous étonnons pas. Par définition, un traîneur de sabre fourmille de projet aussi délirants les uns que les autres. Auxquels, il croit dur comme fer…
Provoquer la sécession du Tibet et du Xinjiang figure, donc, dans les priorités de nos bellicistes actuels. Le Xinjiang est un morceau de choix. Au cours de son Histoire, à chacune de ses faiblesses dynastiques ou économiques, des tentatives de sécession ont été organisées autour de chefs de guerre, pour l’arracher à la Chine.
Deux sont à retenir.
A la suite de la défaite des troupes chinoises contre les armées musulmanes venues d’Iran à Talas (751), un émirat (Khaganate) Ouïgour, s’est constitué pendant 90 ans. Il a été dévasté par les Kirghiz en 840, rasant leur capitale Ordu Baliq. Provoquant leur exode.
Au 20° siècle, au moment le plus dramatique de son Histoire, la Chine envahie par toutes les puissances occidentales et le Japon, ravagée par la guerre civile entretenue par les occidentaux, le Xinjiang se trouva érigé en “république” de 1933 à 1949. Au coeur d’une féroce lutte d’influences entre européens, britanniques en particulier, et soviétiques. En 1933, la ville de Kachgar était bourrée de “consulats” (même une “légation” suédoise…), d’espions, d’agents secrets.
Peter Fleming (lui-même, probablement, agent des services britanniques), dans son célèbre ouvrage Courrier de Tartarie, voyageant dans les années 30 au Xinjiang décrit avec détail ces luttes d’influences entre soviétiques, japonais et britanniques (8). A le lire, réagissant en bon britannique, le Xinjiang ne pouvait être qu’une “république” aux ordres de la Grande–Bretagne et de son commerce, une “succursale” des Indes britanniques…
Il fallut attendre la fin de la guerre civile chinoise, en 1949, pour que le Xinjiang réintègre pacifiquement la Chine.
Même Tintin l’avait prévu… A l’approche de l’été, se multiplièrent rééditions, éditions de livres de propagande, diffusion de documentaires TV. Tous, évidemment, diabolisant la Chine.
Tout le monde savait qu’en 2009, un “coup” dans le Xinjiang était en préparation. A commencer par les autorités chinoises. D’autant plus que cette année est célébré le 60e anniversaire de la fondation de la République Populaire de Chine. A la même période, l’année dernière ce fut l’hystérie antichinoise à propos du Tibet. Au moment du déroulement des JO.
En général, c’est The National Endowment for Democracy (NED), une des nombreuses feuilles de vigne de la CIA, qui lance l’opération sur le plan international par une intense campagne de désinformation préalable. Avant d’activer ses réseaux sur place, avec ses valises de dollars.
Bénéficiant de fonds considérables, coordonnant les activités d’une nébuleuse d’ONG porteuses d’emblèmes “démocratiques”, spécialisée dans la déstabilisation des gouvernements considérés comme autant de menaces pour les intérêts US et occidentaux. Dans son planning après l’opération "élections présidentielles en Iran", ce devait être le tour de la Chine.
Pour déstabiliser le Xinjiang, l’opération était montée sous le couvert d’une officine installée à Washington et pompeusement dénommée le “World Uyghur Congress”, le “Congrès Ouïgour Mondial”. Dont les USA, ne dissimulent pas le soutien financier et logistique (9). C’est fou ce que les “ziocons” aiment l’expression “Congrès Mondial”. Tonalité, à la fois démocratique et universaliste…
Organisation “mondiale” ou pas, il convient de lui donner un “visage”. Autant que possible une femme, pour renforcer l’impact de la désinformation. La figure médiatique était toute trouvée : c’est Rebiya Kadeer qui est la présidente de cette organisation.
A 60 ans, cette femme d’origine ouïgoure est une ancienne milliardaire du Xinjiang. Connue, et détestée, dans cette région pour son arrivisme et sa mégalomanie. Dans leur humour, les Ouïgours disent qu’elle a pour ambition, pour elle et sa famille, de devenir “impératrice du Xinjiang”. D’autres, la considèrent comme un “Karimov en jupons”…
Arrêtée en 1999, condamnée en 2000 à 8 ans de prison, pour espionnage au profit des occidentaux. Elle avait été remise en liberté en 2005, suite à sa bonne conduite et ses promesses d’amendement. Elle s’exila aux USA, pour motifs de “santé”.
N’oublions pas qu’au Xinjiang, les Chinois ont des installations militaires et de recherches, atomiques, balistiques, “sensibles”, auxquelles s’intéressent les occidentaux et qu’ils achètent à prix d’or. Le 16 octobre 1964, à Lop Nur, ils ont procédé à leur premier essai nucléaire…
Rebiya Kadeer, espionne ?... Une réputation est plus facile à concocter ou à avaler qu’un yaourt. Pas de problème. On la transformera en icône médiatique. Indispensable pour crédibiliser la campagne de propagande. A la Ingrid Betancourt ou Benazir Bhutto, on la transformera en “sainte”, “martyre” de l’indépendance, de la liberté, de la laïcité, de la libération de la femme, en voie de canonisation. Suivant les déclinaisons marketing adaptées à chaque segment de clientèle…
Derrière ce travail d’images, s’activent les services “actions”. Tout était millimétré.
L’année dernière, le moment choisi pour la campagne de déstabilisation de la Chine avait été les JO. Cette fois-ci, les services spéciaux avait sélectionné un excellent “créneau” : l’arrivée à Rome, pour une visite officielle, du président de la Chine Hu Jin Tao. Qui devait être suivie du sommet du G8, auquel il devait se joindre.
Pratiquement à l’instant de son atterrissage à Rome, à l’heure de Pékin 19h10 (13h10, heure de Rome), les émeutes démarraient à Urumqi. La police est intervenue, dès 22h00, devant les violences, durant toute la nuit… Face au même schéma qu’au Tibet : des Hans massacrés par des bandes armées, parfaitement encadrées, avec des objectifs précis et coordonnés. Pour accréditer la thèse de conflits ethnico-religieux.
La diplomatie chinoise est toute en finesse. Rien à voir avec notre diplomatie “Kouchnérisée”, à l’image d’Hillary Clinton, toute en rodomontades et effets d’annonce qui dans sa ringardise rappelle les pires “diplomaties de la canonnière” du 19° siècle.
Le président Hu Jin Tao, dès la fin de sa visite officielle en Italie, est reparti en Chine. Il ne s’est pas joint au sommet du G8, laissant une simple délégation technique. Montrant ainsi qu’il n’était pas dupe de la duplicité de chefs d’Etat voyous, tendant une main prétendue amicale, pour mieux vous planter un couteau dans le dos…
Cette nouvelle campagne de déstabilisation, et d’agression déclarée, des pays occidentaux a permis aux responsables Chinois de tirer deux enseignements :
i) Conforter le fait que les occidentaux, sous couvert d’un discours lénifiant sur la collaboration, malgré sommets et grandes effusions amicales de façade, ne souhaitent que l’éclatement de la Chine. Objectif qu’ils poursuivront méthodiquement.
ii) Gérer avec prudence et fermeté le difficile exercice d’équilibriste entre développer son commerce avec les USA, qui accumulent un écart sans cesse grandissant en faveur de la Chine, et sauvegarder son indépendance monétaire. Du fait d'être contrainte à détenir, malgré sa volonté, d’importantes réserves financières aux USA.
Ceux-ci bloquant le rééquilibrage de la balance commerciale, en interdisant l’achat de tout produit ou service soupçonné de correspondre à un transfert de technologie. Les dirigeants Chinois sachant qu’au-delà de l’éclatement du pays, la volonté de ne pas rembourser ses dettes à l'égard de la Chine est aussi un objectif non déclaré...
Méditant, entre autres exemples, le précédent de la France qui avait, lors des guerres napoléoniennes accumulé d'importantes dettes sous forme d’achat de céréales et de viandes en Algérie. Qui était alors une riche province agricole, autonome de l’Empire Ottoman.
Refusant de rembourser ses dettes, la France de 1830 aux caisses vides, envahit l’Algérie en réponse à ses demandes
insistantes de remboursement. Non seulement pour effacer ses dettes, mais encore pour en faire une colonie. Coup double !
Au passage, ses importantes réserves d’or furent confisquées, même pas au bénéfice du Trésor français. Mais, au seul avantage personnel des financiers et organisateurs de l’expédition militaire. Les marchands de canons et traîneurs de sabre se sucrent toujours en premier…
Autre contexte, toutes proportions gardées, mais schéma historique similaire…
Curieux.
En pleine hystérie antichinoise, au même moment en France tout spécialement, c’était dans les médias un raz-de-marée de louanges à l’égard de l’Inde, avec la présence d’éléments de ses forces armées au défilé du 14 juillet.
Alors que…
Suite deuxième partie :
Xinjiang et Gujarat : Tintin Reporter (2)…
=> Démocratie de la Misère – Misère de la Démocratie
=> Pogroms et Contrats
=> Encenser l’Inde
(1) Gilles Deleuze, Félix Guattari, L’Anti-Œdipe - Capitalisme et Schizophrénie, Les Editions de Minuit, 1980, p. 320.
(2) Exemple : la “sinologue” française, la plus acharnée dans la propagande antichinoise, Marie Holzman. Rhétorique et raisonnement relevant de l’arrogance ethnocentrique de l’Orientalisme le plus sclérosé, sur le plan académique. Ou tout simplement du fanatisme. A l’opposé de l’éthique d’un humanisme soucieux de “connaissance”, fondée sur la compréhension. Et, non pas sur la promotion d’une idéologie…
Auteur d’un ouvrage récent (cosigné par Noël Mamère…), archétype de désinformation “ziocons”: Chine : On ne bâillonne pas la lumière, Editions Jean-Claude Gawsewitch, juin 2009.
Sa légion d’honneur (JO du 1er janvier 2009) lui a été remise en juin dernier par Pierre Bergé (ex-patron du groupe Yves Saint-Laurent), “collectionneur d’art” connu pour mettre en vente, dans le contentement de soi, des œuvres provenant du pillage sanguinaire du patrimoine chinois par les troupes anglo-françaises en 1860…
(3) Hilarante vidéo à visionner : Dailymotion - Bernard Kouchner confond Ouïgours et yoghourts - une vidéo Actu et Politique.flv, 9 juillet 2009.
(4) Mondialement connu pour son célèbre roman, publié en 1963, plus de 20 millions d’exemplaires : L’Espion qui venait du Froid…
(5) Pour avoir un aperçu des différentes “guerres de l’opium” imposées par l’Occident à la Chine, avec leurs énormes pillages, lire : “Le Sac du Palais d’été”, Bernard Brizay, Editions du Rocher, 2003.
(6) Robert D. Kaplan, How We Would Fight China (Comment nous devrions combattre la Chine), The Atlantic Monthly, juin 2005.
(7) Larry Chin, China in America’s cross-hairs : Robert D. Kaplan and neocon hawks for New Cold War, The Wilderness Publications, 2005, www.fromthewilderness.com.
(8) Peter Fleming, Courrier de Tartarie, News from Tartary, Editions Payot, 1992 (première publication 1936 – Londres).
(9) Donald Kirk, Washington funds its Uyguhr “friends”, (Washington finance ses “amis” Ouïgours), Asia Times, 18 juillet 2009.