La troupe d’Antonio Gades est en tournée, en Europe. Antonio Gades : la Passion et la Grâce…
La Grâce ?... Désuet, le terme ?...
Peut-être. Mais, où en trouver réunissant en un bouquet : beauté, élégance, fierté, générosité, défi ?... Défi ? Pas celui du bellâtre, jouant les trompe-la-mort. Non. Le défi d’un esthète de la joie de vivre, face au pathétique de l’inéluctable qui nous emporte tous un jour. Comme le vent, comme un souffle…
C’est l’image qu’il donnait de son départ, du grand saut qui l’attendait : « como un soplido de viento… »,
comme un souffle de vent. Avec ce cancer qui le minait et l’emporta, à 67 ans, l’après-midi du 20 juillet 2004.
Il a révolutionné l’art du Flamenco. Le sortant du folklore à touristes où il s’était embourbé ou, dans le meilleur des cas, du cénacle des puristes où il était confiné. Le hissant au rang des
arts majeurs de la danse. Acteur, danseur, chorégraphe, créateur de troupes de ballet exceptionnelles, découvreur de talents, acclamé sur toutes les plus grandes scènes du monde.
Mais, aussi : homme de cœur, militant infatigable pour la paix et contre l’injustice dans le monde. Il n’a pas ménagé ses déclarations, son combat contre l’invasion de l’Irak, sa
destruction. Au prétexte mensonger qu’il posséderait des armes dont tout le monde savait que c’était faux. Au prétexte cynique qu’il était gouverné par un dictateur…
Lui, le danseur accompli travaillant sans relâche sur la sublimation des corps, ne supportait pas ces centaines de milliers d’innocents, tués, blessés, amputés, aveuglés, fracassés, torturés, traumatisés...
Il considérait Cuba, comme sa deuxième patrie. Révolté par le cynisme des dirigeants des grandes puissances enfermant toute une population pacifique dans le sous-développement, par un embargo
inhumain, au prétexte qu’elle serait gouvernée par un dictateur. Eternelle chanson des donneurs de leçons de « démocratie »… Alors qu’ils protègent des dizaines de dictatures, quand
elles correspondent à leurs intérêts personnels.
Ses cendres, suivant sa volonté, ont été confiées à son pays d’adoption : Cuba. En un ultime hommage, les cubains les ont déposées au « Mausoleo de los Héroes de la
Revolución Cubana ».
Il a tourné avec le metteur en scène espagnol, Carlos Saura, parmi les plus beaux films sur cette danse de la passion, de l’allégresse et du tragique. Deux, au moins, sont à regarder et conserver
dans sa DVDthèque :
· Noces de sang
· Carmen