Quito Verde
Quito, capitale de l’Equateur.
Nichée dans l’écrin du massif des Andes. Oswaldo Guayasamin n’a cessé de la peindre tout au long de sa vie. Alternant les palettes de couleurs, les nuances de luminosité, les jeux d’ombres et de reliefs. Symbole de son attachement viscéral à sa terre natale.
Artiste exceptionnel par son talent, la puissance et la sensibilité de son œuvre, sa lutte permanente aux côtés du peuple indien. Fils d’un père amérindien et d’une mère métisse, son art s’est nourri de ses racines profondes. Peintures sur cadre, peintures murales, sculptures, monuments. Ses œuvres ont été exposées dans le monde entier, dans près de 200 manifestations.
Tout aussi important à ses yeux : la recherche archéologique et la sauvegarde des œuvres indiennes (1). Pillées par des contrebandiers, soudoyés par les "antiquaires" et autres "marchands d’art" en Europe et en Amérique du nord. Il ne supportait pas ce pillage, voir ces œuvres dites "d’arts premiers" aux mains d’intermédiaires véreux, au service de capitaines d’industrie du même acabit. Oeuvres d’art arrachées au patrimoine de pays encore incapables de se protéger contre ce trafic.
Pillage artistique, symbole du pillage économique de l’Amérique du sud et de son pays. Petit pays, incrusté sur la côte du Pacifique avec une partie du bassin amazonien. Connu pour ses iguanes géants, des îles Galápagos. La moitié de la France en superficie, avec 15 millions d’habitants.
Riche de son pétrole, il devrait avoir le niveau de vie de la Norvège. Mais, sa population est une des plus pauvres de l’Amérique du sud. Notamment dans les régions minières et pétrolifères : spoliée, pourchassée, terrorisée, ses "représentants élus" assassinés… Dictatures, milices publiques et privées, protégées, encouragées, par les intérêts des multinationales.
Schéma habituel…
La souffrance et la misère des indiens ont été la trame de son œuvre. Trame de son action, aussi, sur la dénonciation permanente de la violence de l’Occident à l’égard des peuples subissant sa puissance militaire et financière. Sa série de tableaux sur "les mains" est poignante de vérité (2).
Son œuvre n’est pas que colère. Il chante l’amour de la mère, de la femme, sources de réconfort dans les épreuves et de courage dans la résistance à l’humiliation. Présences aussi permanentes dans sa peinture et ses sculptures, que l’hommage à l’histoire de son pays et à sa splendeur.
Oswaldo Guayasamin, est décédé le 10 mars 1999, à 79 ans. Huit ans, déjà… A sa mort, c’est tout un peuple qui pleura. Ce jour-là, tous les indiens se mirent en grève : ils perdaient leur voix et leur protecteur…
Mais, l’impulsion est donnée. Le nouveau président, Rafael Correa, élu le 26 novembre 2006, veut renégocier les accords, passés par les gouvernements antérieurs corrompus, avec les groupes miniers et pétroliers internationaux.
Redistribuer, enfin, cette richesse pour l’ensemble du peuple équatorien, est une priorité. En un geste fort, il a annoncé la diminution par deux de son salaire ainsi que la diminution des salaires des hauts fonctionnaires équatoriens.
Il fait partie de cette nouvelle génération de dirigeants qui luttent contre la spoliation de leur pays : Chavez au Venezuela, Moralès en Bolivie, Lula au Brésil. L’étranglement de Cuba, les massacres du Nicaragua, du Guatemala et de tant d'autres nations, n’ont pas réussi à décourager les autres pays du continent dans la voie de l’indépendance.
La Renaissance de l’Amérique Latine, malgré l’hostilité de l’Occident et ses manœuvres permanentes de déstabilisation, n’existerait pas sans le combat des artistes de la trempe des Oswaldo Guayasamin (3)…
(1) Sa Fondation - Musée, à Quito, regroupe 3.000 pièces, dont 1.500 exposées en permanence.
(2) « La Edad de Ira » (L’âge de la colère), est un ensemble de 150 tableaux exécutés sur une trentaine d’années, entre 1960 et 1990. La série sur les mains en comporte douze. Celui présenté, en illustration, est intitulé "Les mains de larmes".
(3) Crédit photos : Fundación Guayasamin, Quito.