“L’information, c’est du pouvoir. Mais, comme tout pouvoir, il y a ceux qui veulent le conserver pour eux seuls.”
Aaron Swartz (1)
26 ans…
Vendredi 11 Janvier 2013.
Aaron Swartz a été retrouvé "pendu" dans son appartement de Brooklyn.
Pour certains de ses proches, il aurait été « suicidé ».
Génie de l’innovation
Sa mort provoque beaucoup de remous aux USA. Sauf, évidemment, dans les médias de la propagande de la caste au pouvoir, qui n’appréciait pas l’indépendance d’esprit de cette personnalité hors du commun.
Aaron Swartz, était un prodige de l’informatique et d’Internet. Un "Mozart" des nouvelles technologies. Maitrisant toutes les techniques et les outils les plus sophistiqués. Normal, dira-t-on : il était au cœur de ses principales innovations, de leur conception à leur mise au point.
A 13 ans, il reçoit le prestigieux prix ArsDigita Prize au terme d’un concours des jeunes créateurs de sites internet “non commerciaux”, à but éducatif et utilitaire. Dès l’âge de 14 ans, il devint l’un des concepteurs du système RSS 1.0 (Rich Site Summary). Intégrant des équipes de spécialistes du plus haut niveau, notamment celles du World Wide Web Consortium (W3C), pour travailler sur les formats et spécifications RDF (Resource Description Framework) : RFC (Request For Comments) 3870 dont il est le créateur, et RDF XML.
Il fut sélectionné pour rejoindre la “prestigieuse” université de Stanford. Après un an, il l’a quitta. Il s’y ennuyait. Son niveau de connaissances et de pratiques techniques, professionnelles, son immense culture, dépassant largement ceux de ses enseignants.
Surtout : son envergure humaniste, éthique, ne pouvait se satisfaire d’un enseignement complètement sclérosé, conformiste, formaté, dans une idéologie mercantiliste, élitiste, mondialiste du début du XX° siècle. Chaudron d’une confiture néocoloniale, avec pour ingrédients : arrogance mégalomaniaque et Bonne Conscience aveugle. De ceux qui se croient les maîtres du monde…
Créant une entreprise de logiciels orientés internet, Infogami, qu’il fusionna ultérieurement avec une autre société du même secteur d’activités Reddit. Devenant actionnaire de la nouvelle entité à hauteur de 50 %. Poursuivant les innovations : Jottit, puis Web application framework. Ses conférences sont d’extraordinaires prestations de compétence et de talent.
Il aurait pu devenir un jeune milliardaire, façon “promoteur Facebook”. Mais, il avait une autre dimension. Moins primaire…
Défendre la diffusion de l’information
Aaron Swartz était passionné d’éthique, de liberté, de dignité humaine. Militant pour un monde meilleur. Considérant que la lutte commençait à sa porte. Dans son pays, dans son métier.
Il avait diagnostiqué, constaté, comme beaucoup, que « la liberté d’expression » n’était plus qu’un mythe. Complètement dénaturée par l’idéologie ultralibérale et ses médias d’abrutissement. Rabaissée, enfermée, ou hypocritement exaltée, dans un « droit » : celui d’insulter ou de provoquer. Du moins, insulter ou provoquer uniquement les cibles désignées par l’Occident…
Dans nos sociétés dites “de l’information”, nos oligarchies, ayant neutralisé ainsi "la liberté d’expression", s’attaquent depuis quelques années, implacablement, méthodiquement, à "la diffusion de l’information". Pour édifier, en fait, un type de société fondé sur « la désinformation »…
Pratiquant à outrance le plus facile à mettre en œuvre, dans un premier temps : « la propagande ». Les "narratives" comme disent les anglophones, ou les rhétoriques mensongères dont nous sommes asphyxiés dans tous les domaines en sont un permanent exemple : crises bancaires, économiques ou sociales (“les caisses sont vides”…), expéditions ou occupations coloniales aux multiples manifestations récentes (Palestine, Irak, Afghanistan, Soudan, Somalie, Libye, Syrie, Côte d’Ivoire, Mali, etc.).
Propagande renforcée, en permanence, par une deuxième action : « la rétention de l’information », dont le périmètre s’étend de jour en jour, sous différents prétextes. Dans une savante architecture, destinée à rendre la diffusion de l’information ou de la connaissance difficile, voire impossible, articulée sur trois approches complémentaires :
=> Le coût : rendre payant des informations publiques, par exemple.
=> L’inaccessibilité physique : amusez-vous à tester votre mairie, via Internet, pour lui
demander l’accès aux devis et décisions des marchés publics (principales sources de la corruption dans tous les pays…) octroyés à des entreprises. Payés sur les impôts citoyens. La mairie ne vous
répondra même pas.
=> L’interdiction légale, sous toutes ses formes. Au-delà du sempiternel « secret
défense », dont on ne sait pas dans nos “républiques” qui en détermine limites et critères, permettant le plus souvent d’étouffer les principales affaires de corruption qui les rongent. Avec
la complicité de tous les partis politiques...
Lutter contre les atteintes et restrictions répétées à ces droits fondamentaux, Aaron Swartz avait décidé d’en faire le cœur de son action militante : défendre La Liberté. Dans son accès au savoir, à la connaissance. Dans la valorisation de la responsabilité citoyenne, en brisant “le culte du secret”, imposé par une nomenklatura monopolisant argent public et pouvoir à son unique profit.
Il devint membre, en 2010–2011, du centre de recherche sur l’Ethique à l’université Harvard (Harvard University's Edmond J. Safra Center for Ethics). Contribuant à structurer les remarquables initiatives, même si qualitativement beaucoup reste à faire, de diffusion des connaissances, informations et débats d’idées, que sont Creative Commons ou Wikipedia.
Approfondissant son engagement, il fonda une ONG intitulée Demand Progress avec pour objectif : la défense des libertés publiques. Mais aussi : la réforme du gouvernement du pays. Réduit, aux USA comme dans tous les pays occidentaux, à n’être qu’un rouage administratif appliquant, dans une alternance simulée, les mêmes politiques de confiscation du pouvoir au seul profit d’une minorité de privilégiés. Quels que soient partis politiques ou simulacres électoraux.
Avec, pour moyens, l’organisation de campagnes d’information et de mobilisation des citoyens pour faire pression sur les « élus ».
Qui agissent moins au service de leurs électeurs qu’à celui de l’oligarchie, des groupes industriels et financiers, ou autres "sponsors" de leurs cooptations aux candidatures électorales et de
leurs promotions médiatiques...
Le plus grand succès de cette action a été le blocage, en 2011, à l’Assemblée Nationale (House of Representatives) des USA du projet de loi SOPA (Stop Online Piracy Act).
Sous un vernis juridique, par simple décision de justice, cette loi liberticide accordait au “gouvernement” le droit exclusif de restreindre l’accès à des sites internet sous le prétexte, arbitraire, sans débat contradictoire, de porter atteinte à la propriété intellectuelle. Du fait de l’introduction d’un pouvoir discrétionnaire, elle aurait accordé toute latitude aux autorités gouvernementales pour censurer et interdire des échanges sur le réseau Internet, aussi bien légitimes que légaux.
Malgré cette victoire, loin de tout triomphalisme, Aaron Swartz savait que l’attaque allait reprendre, avec une nouvelle dénomination, un camouflage différent, une argumentation métamorphosée. Et, le disait :
« … Ne nous faisons pas d’illusion, les ennemis de la liberté de connexion n’ont pas disparu… Ceux qui veulent étouffer Internet sont nombreux, nombreux et puissants… »
C’était se créer beaucoup d’adversaires acharnés au sein du tentaculaire appareil répressif…
Aggravant son cas, à leurs yeux… Sans peur, avec détermination, il élargissait son combat pour La Dignité Humaine à des domaines considérés comme "tabous" aux USA…
Il devint l’un des plus actifs critiques de la politique d’Obama dénommée cyniquement par politiciens et médias, au point de la banaliser dans l’opinion publique : “Kill List”. Une liste établie à intervalles réguliers par les services de sécurité des USA, devenus un véritable Etat dans l’Etat, de personnes destinées à être assassinées après approbation par le président lui-même. Non seulement des étrangers, mais aussi des citoyens américains. Sans jugement, sur simple présomption de “terrorisme”, ou “d’intention de terrorisme”. (2)
Ce qui arriva d’ailleurs à des citoyens américains installés au Yémen, retirés et intégrés dans des villages, convertis à l’Islam, y menant une vie de méditation et de prière, mais aussi d’actions sociales, dans le style des maîtres Soufis. Comme le font des occidentaux devenus bouddhistes, en Inde ou au Népal. A la différence qu’en pays musulmans ils sont étiquetés automatiquement "terroristes" et, en conséquence, abattus avec les civils autour d’eux par des drones armés de missiles… (3)
Aaron Swartz, en compagnie de nombreux citoyens américains, s'insurgeait contre cette négation des principes d’une "démocratie". Comment prétendre respecter les "droits de l’homme" et justifier l’organisation d’assassinats, avec pour fondement des "procès d’intention" ? De plus, si ces meurtres sont effectués pour le moment dans des pays étrangers, dans la passivité de l’opinion publique, comment s’assurer qu’ils ne vont pas se généraliser, sous peu, sur le territoire même des USA ?...
Plus grave…
Juif, à l’exemple de beaucoup d’autres, Gilad Atzmon, Harold Pinter, Keren Yedaya, Arthur Miller, parmi les plus connus, Aaron Swartz détestait les sanguinaires, corrompus et belliqueux dirigeants de l’enclave sioniste en Palestine. Ne cessant de dénoncer leur aventurisme militaire et hystérique. Non seulement à l’encontre du Peuple Palestinien, mais aussi de l’Iran…
Il ne supportait pas, tout particulièrement, qu’Internet devienne le vecteur de virus conçus et diffusés par des Etats pour mettre, illégalement, en contravention avec le droit international, en danger d’autres Etats. Agressions occultes aux conséquences pouvant se révéler extrêmement graves pour des populations civiles. Exemple : vouloir saboter une centrale nucléaire produisant de l’énergie, comme ils reconnaissent l’avoir réalisé à l’encontre de l’Iran (centrale atomique civile de Busher), comporte un risque que n’imaginent pas, tout en le souhaitant probablement, ces apprentis sorciers...
Les USA, avec les satellites occidentaux, se livrent ainsi à des manipulations particulièrement destructrices, mortifères même, sur le
réseau Internet. A deux niveaux, fusionnant dans un cynisme absolu :
=>
étouffer, à part leur propagande, la liberté de diffusion d’une information diversifiée ou indépendante de leurs médias asservis, et l’accès au savoir
=> s’ingénier à répandre virus et autres dégâts
potentiels, dans l’inconscience la plus totale.
Cette remise en cause, par Aaron Swartz, se révélait impardonnable, redoutable, pour les puissants et fanatiques lobbies sionistes qui détiennent tous les leviers de commande de l’Etat nord-américain.
C’était trop…
La mise à mort
Le rouleau compresseur de la répression se mit en marche. Objectif : neutraliser, réduire au silence. Par tous les moyens. Comme pour Bradley Manning ou Julian Assange.
Prenant soin, dans une première phase, de donner l’impression de respecter la loi et de « défendre la société ». Utilisant l’action combinée, parfaitement rodée, des trois instruments de nos autocraties camouflées en “démocraties” : action psychologique, désinformation ou distorsion des faits, et arsenal juridique. Lois et procédures judiciaires ayant pour finalité de diaboliser Aaron Swartz, tout en le terrorisant, et provoquer sa ruine.
L’angle d’attaque choisi était de présenter Aaron Swartz en “hacker”, en pirate d’Internet. C’est le procureur du Massachussetts qui lança la chasse aux sorcières. L’accusant d’avoir téléchargé des millions de documents et articles académiques du service en ligne JSTOR, à partir du réseau informatique du Massachusetts Institute of Technology (MIT), en 2010. Pour les rendre accessibles au public.
Pour Aaron Swartz, il s’agissait en effet de rendre des documents publics, s’agissant de travaux universitaires, librement, gratuitement, accessibles à la consultation. Au lieu d’en faire payer l’accès aux lecteurs, pour rémunérer les services en lignes au lieu des auteurs…
Le service en ligne, JSTOR, reconnut le bien fondé de l’argument et se désista de toute plainte et action en justice. Estimant qu’il n’y avait eu aucun comportement, ni délit, de “hacker” ou piratage. Alex Stamos, le meilleur expert aux USA dans le domaine des infractions ou contentieux informatiques et Internet, a émis publiquement son avis, confirmant qu’il n’y avait eu "en aucun cas" le moindre « crime », ou forfait malhonnête d’Aaron Swartz. (4)
Néanmoins, le procureur Mme Carmen Ortiz et son adjoint Steve Heymann, poursuivirent l’action avec le soutien du MIT, considérant au contraire qu’il s’agissait d’un vol, d’un piratage, etc. Employant le terme infamant de « Felony » s’appliquant aux crimes, infractions majeures et trahisons. Réclamant 30 ans de prison (le maximum étant de 50 ans…), et US $ 1 million de pénalités (le maximum étant d’US $ 4 millions).
La tactique judiciaire du procureur étant, sous l’effet de la pression ou de la peur, de forcer Aaron Swartz à “plaider coupable”. En ce cas, elle n’aurait demandé que 6 mois de prison ferme. En cas de refus de sa part, elle se serait efforcée d’obtenir
un minimum de 7 à 8 ans de prison. (5)
A l’annonce de sa mort, l’action a été immédiatement bloquée. Et, à présent, pétitions, interventions, manifestations, déclarations, se multiplient, dans la colère des proches et professionnels
du secteur, pour réviser la législation entourant les conflits d’interprétation d’atteintes aux droits et libertés informatiques.
Quant à l’équipe de procureurs, elle est tenue pour responsable d’abus de pouvoir en détournant les textes de lois, dans des réquisitoires démesurés par leur niveau de harcèlement et les peines exigées au regard des délits supposés… Leur démission, unanimement réclamée...
Suicide ou pas, le père d’Aaron Swartz l’a exprimé lors des funérailles mardi dernier, et
tout le monde en partage la conclusion (6):
“Aaron did not commit suicide but was killed by the government”
(Aaron ne s’est pas suicidé, il a été tué par le gouvernement).
Sa mort est un révélateur…
Une “civilisation”, société, collectivité, assassinant leurs Mozart pour entraver La Liberté et La Justice au détriment de la majorité de leurs concitoyens, témoignent de leur décadence…
Prémisse de leur fin inéluctable.
1. “Information is power. But like all power, there are those who want to keep it for themselves”, Aaron Swartz.
2. Obama’s ‘kill list’ critic found dead in New York City, Press TV, dimanche 13 janvier 2013, http://www.presstv.ir/detail/2013/01/13/283254/us-kill-list-critic-found-dead-in-ny/
3. Obama administration hiding info on targeted killings of Americans – senator,
RT, 15 janvier 2013, http://rt.com/usa/news/obama-killing-americans-senate-999/
4. Alex Stamos, The Truth about Aaron Swartz's "Crimes", 15 janvier 2013, http://unhandled.com/2013/01/12/the-truth-about-aaron-swartzs-crime/
5. Prosecutors defend charges against Aaron Swartz, RT, 17 janvier 2013, http://rt.com/usa/news/prosecutors-defend-swartz-ortiz-212/
6. “Aaron was killed by the government” – Robert Swartz on his son’s death, RT, 16 janvier 2013, http://rt.com/usa/news/aaron-swartz-funeral-chicago-059/
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