Du conseil international en gestion stratégique et en développement d'économies émergentes... Au regard sur la régression du respect de la dignité humaine, des libertés et du partage. Une espérance solidaire avec ceux qui ne l'acceptent pas. A contre-courant...
Probo Koala.
Un nom de parfum se voulant exotique ?
Ces liquides de perlimpinpin, aux marges bénéficiaires colossales, dont les publicitaires aux narines poudrées veulent nous faire croire que les acheter c’est s’offrir l’extase, la renaissance, le nirvana…
Non. Celui d’un bateau.
Un symbole.
Celui de l’Afrique pillée depuis des siècles par des pays fondant leur prospérité sur le vol. Lui infligeant, à présent, la pollution en sus de la prédation.
Pour délocaliser leur usines polluantes ? Créant des emplois sur ce continent ?
Même pas…
Evacuant, vidant, déversant, expédiant, entreposant, enfouissant, immergeant, leurs déchets industriels les plus toxiques. Avec des complicités locales. Evidemment.
Pour ne pas avoir à les traiter, les neutraliser, les éliminer. Trop cher. Rentabilité oblige. Profits mirobolants exigent.
Dans le silence des nomenklaturas de la « mondialisation » au pouvoir.
Ténors, barytons, histrions, cinéastes, vidéastes et médias spécialisés dans le fructueux BCE, Business du Catastrophisme Ecologiste, ne se mobilisent pas.
Normal. Pas de pingouins mazoutés, de tortues prenant des sacs plastiques pour des méduses, de chimpanzés en mal de bananes, de gentils dauphins coupés en rondelles par les méchants japonais…
La planète n’est pas en danger. Il ne s’agit que d’Africains. Cause « invendable ». En Afrique : crever de faim, de massacre ou de pollution, où est la différence ?…
Enfants de Côte d’Ivoire intoxiqués
par les déchets industriels expédiés depuis l’Europe.
Les industriels, dont les processus de fabrication induisent des déchets toxiques, s’en débarrassent comme ils peuvent. Suivant le principe du "sauve-qui-peut", malgré grandes déclarations et publicités mensongères sur leur constante préoccupation du bien de la collectivité.
Les Ponce Pilate industriels s’en lavent les mains. Passant le relais à des entreprises de retraitement qu’elles payent pour cela. Sans contrôle des autorités sanitaires des pays producteurs de ces déchets toxiques. Qui, bien souvent, les « cèdent » à leur tour à d’autres entreprises ou organisations.
En fait, quasiment personne ne retraite ces déchets. C’est ainsi que les côtes somaliennes sont infestées, depuis des décennies, par des largages de fûts et autres conteneurs de déchets hyper toxiques en provenance d’Europe ou d’Amérique du nord. Certains étant simplement enfouis sur les plages, à moins d’un mètre de profondeur.
Peu de pays africains échappent à ce fléau. L’Afrique devenant une poubelle des pays industrialisés. La fosse commune d’authentiques crimes écologiques.
L’un d’eux a soulevé beaucoup d’émotion en Grande-Bretagne, ce mois-ci. Mettant en lumière les effets pervers d’une mondialisation non maîtrisée, ou plutôt parfaitement maîtrisée par des industriels voyous. Les Al Capone, non plus de la Prohibition mais de la Mondialisation. Avec leurs manœuvres, manipulations, intimidations, judiciaires, politiciennes, mafieuses, allant jusqu’à étouffer la liberté d’expression.
Le bateau Probo Koala avait été affrété, en 2006, par une multinationale d’origine britannique Trafigura, du secteur de l’énergie, des mines, et des matières premières. Pour déverser 500 tonnes de déchets extrêmement toxiques en Côte d’Ivoire, censés être enfouis dans 18 endroits des environs de la capitale, Abidjan.
Peu de temps après l’exécution de cette opération sont apparus, à grande échelle dans la population, des signes d’intoxication graves entraînant de nombreuses hospitalisations et la mort rapide d’une quinzaine de personnes.
Un rapport d’experts internationaux, le Minton Report (1), publié en septembre dernier, a estimé que l’intoxication avait atteint un minimum de 108.000 personnes. Confirmant qu’il s’agissait bien d’intoxication en provenance du déversement de ces déchets « … capables d’entraîner de graves conséquences sur la santé humaine, y compris la mort ».
Les analyses d’un laboratoire hollandais ont identifié de très dangereux poisons dans le cocktail répandu par ce groupe international : notamment 2 tonnes de sulfure d’hydrogène, un gaz mortel qui présente la particularité d’une odeur d’œuf pourri.
Au-delà de cet acte criminel, il est saisissant d’assister au réflexe d’impunité de ces groupes internationaux depuis la publication du Rapport Minton, début septembre 2009.
Loin de faire amende honorable et tout ce qui était en son pouvoir pour immédiatement soulager, indemniser les victimes, s’engager à exercer ses responsabilités, revoir ses procédures de fabrication et d’élimination des déchet de sa production, la direction du groupe Trafigura a lutté avec acharnement pour étouffer l’information, fort de l’appui de la justice et la complicité des politiciens.
Loin d’aller en prison, les dirigeants et les actionnaires du groupe, dans l’arrogance de leur puissance financière, menacent journaux et citoyens souhaitant défendre la liberté d’information, d’expression. Et, le respect des « droits de l’homme » qui commence par celui de sa santé…
Sans Internet et Twitter, l’affaire aurait été étouffée.
Dès le 11 septembre (date sinistre…) 2009.
Avec son bataillon d’avocats, Trafigura obtenait des tribunaux britanniques une « injonction », un jugement en référé dirait-on en France, interdisant aux médias de faire état, par des citations, du rapport Minton. Jusqu’à interdire la simple mention du nom : « Minton » !
Sous prétexte d’éviter toute diffamation à l’encontre de ce groupe. Tous les journaux britanniques ont dû se plier à cette mesure, notamment The Guardian, qui avait été courageusement en pointe sur ce dossier.
Totale irresponsabilité. Censure absolue.
Plus grave…
Lorsque des parlementaires ont évoqué cette affaire (interpellation du Ministre de la Justice) devant le parlement britannique. Trafigura obtenait, à nouveau, de la justice britannique une injonction interdisant aux médias britanniques de mentionner ce débat parlementaire, par des citations, ainsi que toute mention du rapport et commentaires échangés par les élus du peuple dans l’enceinte du parlement…
Il fallut attendre un mois (2), pour obtenir que le groupe Trafigura ne s’oppose plus, devant la colère de l’opinion publique, à la libre circulation des informations et débats sur ce scandale qui dépassait le cadre du désastre écologique et humanitaire pour s’installer dans celui, tout aussi préoccupant, de la liberté d’expression d'une « démocratie ».
Consultez le site et la luxueuse présentation du groupe Trafigura (3), vous pourrez y lire la larme à l’œil combien ce groupe est soucieux du bien collectif. Affirmant la main sur le cœur pratiquer ce que ses dirigeants appellent le :
« … long-term support of the communities in which we operate ».
Hypocrisie ?… Déni de la liberté d’expression ?…
Totalitarisme de la voyoucratie industrielle, tenant politiciens et juges par les bourses (caisses électorales, comptes dans les paradis fiscaux, entre autres…) ?…
Probo Koala.
Avant tout,
… le nom d’un crime.
(1) http://wikileaks.org/wiki/Minton, rapport téléchargeable à partir de ce site.
(2) Mary Bowers, Trafigura report on dumped waste in Ivory Coast revealed, The Times, 17 octobre 2009, http://www.timesonline.co.uk/tol/news/uk/article6878956.ece
(3) http://www.trafigura.com/, présentation du groupe téléchargeable à partir du site.
Photo : The Guardian