Je dédie ce billet à Aafia Siddiqui. Avec admiration et tendresse
« La véritable caricature a consisté à agresser la complexité, l'intelligence et la nuance qui doivent guider toute œuvre de pensée. En cela ces caricatures renvoient à une vulgarité de pensée ; cette misère intellectuelle ne peut en aucun cas se draper de l'habit de la “liberté d'expression”. Le simplisme, maladie infantile du néoconservatisme comme de l'islamisme, tel est le véritable fléau du siècle. »
Rachid Amicou (1)
Pas un millième de seconde, je n’y ai mordu…
Le “coup de la bouteille incendiaire”, après publication de caricatures islamophobes… Jetée par deux “islamistes”, “barbus”. Vus s’enfuyant, par des témoins… Si, si : juré : ils les ont vus !
Vus, comme à la télé ! Pas les témoins : les “barbus”. Tout juste s’ils n’ont pas réussi, au passage, à dénombrer le nombre de poils de leurs barbes…
A d’autres.
Hameçon d’amateur. En carton-pâte.
Les Croisés en godillots
Voilà Charlie Hebdo, phare du journalisme français, transfiguré à nouveau en Jeanne d’Arc. Rempart contre l’obscurantisme. Ses journalistes-caricaturistes érigés en héroïques défenseurs de notre République. Fraternellement laïque, démocratique, pacifique et vertueuse. Encore un effort, et ces valeureux vont se voir récompensés du prix Nobel de la Paix…
Dans leurs récentes pages de caricatures antimusulmanes, publiées sous le titre "Charia Hebdo", ils nous proposent encore un tour de manège : désinformation, fanatisme et inculture. Repris en chœur par l’ensemble des médias, et politiciens de tous bords friands des petites phrases permettant une fugitive apparition télévisuelle.
La France des Lumières, dans son incomparable splendeur rayonnante.
Au moment de la plus importante fête du calendrier musulman : l’Aïd El Kébir, commémorant le sacrifice biblique d’Abraham (Ibrahim en arabe). Qui avait lieu le 6 novembre 2011, en France, cette année. Bien sûr, ce n’était qu’un hasard… Il est vrai que les ignares la caricaturent en « fête du mouton », comme si l’Islam célébrait le mouton… Normal, sous l’effet de la mondialisation, le traditionnel hommage rendu aux défunts chrétiens, lors de la Toussaint, s’est transformé en « fête de la citrouille » : “Halloween” !… Culture et connaissance progressent tous azimuts.
Matraquage médiatique avec, en musique de piano mécanique, la ritournelle des bons sentiments : “incendie criminel” oblige. Etendard de la franchouillardise claquant au vent, l’émotion primant l’analyse, quant à “la défense de la liberté d’expression et de la laïcité”. Le “devoir de solidarité” paralysant la condamnation de la “provocation raciste”, dans l’abêtissement et la lâcheté de la pensée binaire : « si tu n’es pas avec moi, tu es contre moi ». Boulevard de l’obscurantisme.
Car, nous sommes pris en otage dans une stratégie de banalisation de l’abjection, de l’inacceptable qu’on se doit de dénoncer : l’appel à la haine religieuse, dans le mépris et la stigmatisation d’une partie de nos concitoyens et de centaines de millions de personnes embarquées, avec nous, à bord de cette planète.
Saluons un des rares observateurs politiques à avoir réagi immédiatement avec courage et discernement, face à l’évidence du montage d’une énième campagne raciste, sur fond de diabolisation de l’Islam : Pascal Boniface. (2)
Ce qui lui a attiré immédiatement les foudres de la Nouvelle Inquisition. Commentaires en rafales incendiaires tirées par les obsédés de La Souche [Aghhh ! “Ce sang impur qui abreuve nos sillons” !…] (3), jusqu’aux plus fervents soutiens des colonisations guerrières en pays musulmans. En Palestine, tout particulièrement. Tous autant les uns que les autres, convaincus, dans leurs godillots de Croisés de l’Occident, d’être de la Race Supérieure … (4)
Mentalité, réflexe, inconscient collectif, forgés par une dizaine de siècles de conquêtes et rapines coloniales. Chancre inguérissable des crimes imprescriptibles auxquels nous nous sommes livrés contre des millions de personnes dans nos “possessions coloniales”, en Algérie tout particulièrement.
Dénoncer l’islamophobie, ce cancer de l’Europe, est un travail de Sisyphe. L’affronter s’est se retrouver, vite fait, assimilé, catalogué, étiqueté : antilaïc, ennemi de la Liberté, des Droits de l’Homme et autres merveilles engendrées par la perfection de notre Civilisation. Nulle tolérance dans ces procès d’intention. Gibets, piloris et bûchers médiatiques constituant menaces et sanctions de nos « démocraties », pour qui ne respecte pas la charte du “politiquement correct”.
Dans leur terrorisme intellectuel, les islamophobes prenant soin de s’abriter derrière la « défense de la liberté d’expression et de la laïcité ». Reproduisant à l’infini, dans le rideau de fumée, cette rhétorique à chaque campagne de diabolisation de l’Islam. L’incitation à la haine contre cette religion n’est, ainsi, ni un délit, encore moins un crime. Paradoxe, dans notre pays, où le moindre éternuement de travers en prononçant le mot Palestine est passible d’une carbonisation pour “antisémitisme” : « l’islamophobie », ont-ils décrété, n’existe tout simplement pas. C’est, au contraire, un acte de bravoure dans la défense des valeurs républicaines…
Tiroir-caisse et audiences
Acte de bravoure, ne l’oublions pas, extrêmement lucratif. Le business de la haine religieuse se vend bien : de 45.000 exemplaires habituellement vendus, les ventes attendues par Charlie Hebdo seraient de 200.000. Moins, toutefois, que lors de la première campagne de caricatures atteignant un chiffre record de 300.000 exemplaires vendus en 2006 sur le même thème. (5)
Simple récidive de l’action lancée en 2006, à partir de leur publication initiale dans un journal danois le 30 septembre 2005. Qui avait fait grand bruit. Personnages aux nez crochus, yeux exorbités, enturbannés de stupidité, barbus de violences et fourberies. Caparaçonnés de pulsions et d’arsenaux de mort. Ingrédients habituels de l’incitation à la détestation et à la peur de « l’Autre ».
Pourquoi ce fléchissement dans les ventes, un tiers de moins, malgré effets ou “buzz” des scandales et scoops habituels, relayés par la puissante machinerie des médias de la désinformation. ?...
En raison, certainement, des quelques réactions saines et humanistes qui s’étaient élevées, dès 2006 surtout, essayant d’endiguer ce tsunami de la régression de l’intelligence. Trop rares peut-être, mais bien ajustées, elles ont eu un incontestable impact de freinage malgré l’étouffement médiatique dont elles ont été l’objet.
Mojo Risin, par exemple, dans un texte intitulé La maladie de vieillesse du progressisme (le laïcardisme), avait interpellé les "intellectuels de gauche" se rendant complices d’une “ratonnade” sur fond d’intolérance religieuse :
« Il est lamentable que beaucoup de prétendus intellectuels de gauche, mettant leur capacité de réflexion de coté, se rabaissent aujourd’hui à être les porteurs de valises de suprématistes de la civilisation occidentale ou d’élites dominantes fantasmant sur des classes dangereuses. Il est à espérer que le bon sens, l’ouverture et la raison reprennent rapidement chez ces « progressistes » le pas sur une fort peu avouable xénophobie latente. » (6)
Sans revenir dans le détail sur ces manipulations, démissions, complicités, aussi hypocrites qu’atterrantes, rappelons deux autres remarquables analyses, parmi d’autres, déconstruisant cette gigantesque arnaque à la crédulité. Publiées lors de la première campagne des caricatures antimusulmanes en France, elles restent d’une pertinente actualité.
La première, un implacable dynamitage de cette opération de propagande par Domenico Joze, sous forme d’une série de billets sur son site (une intro + 5 textes) datés du mois de mars 2006, très bien documentés :
« Quand des médias caricaturaux pérorent sur des caricatures » (7)
Les titres de ses différents textes sont déjà une déconstruction point par point :
=> Une (ir)responsabilité de la presse
=> Des caricatures racistes
=> Défendre la liberté de la presse
=> Choc des civilisations et ethnocentrisme
=> Un militantisme bête, stérile et dangereux
La seconde, un article de Mona Chollet, paru aussi en mars 2006, arrachant, en parlant de “barbus”, la fausse barbe de Charlie Hebdo :
« L’obscurantisme beauf – A propos du tête-à-queue idéologique de Charlie Hebdo » (8)
Devenu, au fil du temps, un des puissants relais des campagnes de désinformation sur l’Islam et un des plus fervents soutiens à la politique de l’Empire. Au Moyen-Orient, notamment. Seule modification par rapport au précédent contexte, son patron, Philippe Val, très bien en cour auprès de notre président-monarque a, depuis, été appelé à de hautes fonctions dans l’audiovisuel…
A noter, parmi sa fine équipe, la présence de Caroline Fourest. Pasionaria dont j’apprécie beaucoup les confitures islamophobes. Mon plaisir étant de la voir s’y coincer les doigts, entre couvercles et bocaux de ses clichés et amalgames. (9) Pas plus tard que le dimanche 6 novembre 2011, au JT de 13H de la chaîne étatique France 2, elle n’hésitait pas à attribuer le succès du vote du “parti islamiste” en Tunisie aux “dons” sous forme d’argent ou de mouton distribués aux électeurs. Que de mépris pour le peuple tunisien, sortant d’une longue dictature corrompue et asservie aux seuls intérêts de l’Occident ! Que d’ignorance sur la mutation sociologique actuelle de la Tunisie !
A nouveau, ces caricatures ont été le déclenchement d’une opération de propagande de grande ampleur : presse, radio, TV, internet. Justifiée, cette fois-ci, par « La Peur » de ce qui se passerait en Tunisie et en Lybie, à la suite de l’arrivée de nouveaux pouvoirs et partis élus : l’imposition d’une Charia, fantasmée comme toutes les peurs, dont on ne connaît même pas les contours.
Modalités et formes étant multiples, l’éventualité et la réalité quasiment illusoires. Le “parti islamiste” en Tunisie, semblable quant à son programme à celui qui gouverne en Turquie membre de l’OTAN, arrivé en tête des élections n’a pas obtenu la majorité et sera amené, en conséquence, à former un gouvernement de coalition. Pas de quoi terroriser les chaumières occidentales …
Mais, campagne de propagande faisant loi, ce fut la multiplication de ces plateaux TV ou radio, articles de presse, animés par la noria habituelle de présentateurs, journalistes, aussi ahuris de bêtise les uns que les autres. Véritables têtes à claques d’hypocrisie.
Le plus pitoyable étant de les voir apostropher un interlocuteur de service, présumé(e) musulman(e), chargé de conforter le conditionnement anxiogène. Comme cette actrice iranienne venue vendre son film, financé par l’Union Européenne, qui ne comprenait même pas les questions qu’on lui posait (JT de 13h de F2 du 6 novembre 2011 : un modèle du genre…). Avec la phrase incantatoire qui tue, par son intensité de propagande racoleuse et imbécile :
" Est-ce que vous comprenez que nous puissions avoir « Peur » ? "
Peur de son ombre
Ces “professionnels de l’info”, par leur totale mauvaise foi, leur foncière absence d’éthique, démontrent qu’ils ne sont que les vecteurs d’une désinformation forcenée. Rouages d’une propagande dont les effets marteau-pilon, démultipliés par l’absence de “diversité” dans l’information, ont été parfaitement diagnostiqués par Hannah Arendt dans son célèbre ouvrage : Le Système Totalitaire – Les origines du Totalitarisme. Rappelant, dans une note :
« Adolf Hitler, Mein Kampf, livre II, chap. XI, déclare que la propagande entreprend d’imposer une doctrine à l’ensemble du peuple, tandis que l’organisation n’incorpore qu’une proportion relativement réduite de ses membres les plus militants. » (10)
Nous y sommes…
Aucun d’eux ne s’est interrogé sur le fondement de « La Peur » en Libye, qui vient d’être méthodiquement détruite sous bombardements “High Tech”. Même pas l’intelligence de formuler la simple question : comment le pouvoir actuel, le CNT (regroupant anciens ministres et membres de la nomenklatura de Kadhafi), qui n’est pas un organisme élu mais une pure création des occidentaux et de l’OTAN, qui ne peut prononcer la moindre syllabe sans obtenir leur feu vert préalable, avait-il pu annoncer l’instauration d’une quelconque Charia ?... Complices, ainsi, d’une grossière opération d’intox visant à faire admettre, par l’opinion publique occidentale, l’occupation et la colonisation de la Libye, dans un but de protéger "démocratie" et "civilisation".
Aucun d’eux n’exprimant la moindre crainte, ni une gêne élémentaire, face à la dictature militaire du maréchal Tantawi en Egypte, succédant à celle de Moubarak avec la bénédiction de l’Occident. Peu soucieux ou pressé d’organiser une assemblée constituante, pour rédiger une nouvelle constitution, et organiser des élections libres. Au contraire : symbole de la révolution égyptienne, le blogueur ‘Alaa Abdel Fattah, qui avait déjà été emprisonné par la police de Moubarak, est renvoyé en prison. Pour délit d’opinion, par la soldatesque au pouvoir :
« Pionnier de la contestation numérique à travers le blog qu’il tient avec sa femme Manal, l’Egyptien ‘Alaa Abdel Fattah (علاء عبد الفتاح) est en effet détenu depuis le 30 octobre dernier. » (11)
Pas un n’agitant l’épouvantail de « La Peur » face aux agissements despotiques du régime militaire actuellement au pouvoir en Tunisie (aucun gouvernement “élu” n’étant encore détenteur de la puissance publique, même pas le “parti islamiste” arrivé en tête aux dernières élections) se livrant à des répressions et actions similaires à celles de la dictature de Ben Ali.
Un exemple : Entre le 3 et le 6 novembre 2011, s’est tenue une conférence des “blogueurs arabes” à Tunis, avec une centaine de participants en provenance de 16 pays différents. (12) Cette opération, aux énormes moyens, a bénéficié d’un financement plus qu’opaque. Surprise ou évidence, les blogueurs Palestiniens ont été les seuls du Moyen-Orient à ne pas y être admis par les services diplomatiques de la Tunisie :
« Sans plus d’explications, une délégation de douze blogueurs palestiniens s’est ainsi vu refuser son visa d’entrée par les ambassades de Tunisie en Egypte et à Ramallah. » (13)
Aucun d’eux ne tremblant de « Peur » face aux régimes de l’Arabie saoudite ou des pétromonarchies. Dictatures aussi corrompues qu’archaïques de féodalisme, avec des dirigeants considérant leurs pays comme une propriété privée. Des pays qui ne connaissent aucune élection libre. Ce ne sont pas quelques élections municipales bidons, sans partis, ni opposition, qui feront croire le contraire. Broyant, dans l’hystérie sanguinaire (notamment en Arabie saoudite) et le silence des médias, leurs révoltes intérieures avec autant de férocité que celles survenant chez leurs voisins immédiats : Bahreïn, Yémen, Jordanie,
Nos « journalistes-décrypteurs-de-l’info », nullement inquiets des colossaux cadeaux fiscaux accordés par notre oligarchie aux ploutocraties les plus immondes de la planète. “Les caisses sont vides”, “il faut réduire les dépenses” ne cessent de répéter les politiciens au bon peuple de France. Dans son dos, par d’astucieuses conventions fiscales, ce ne sont pas des « niches fiscales», mais des « hangars fiscaux» dont ils gratifient ces tyrannies.
Comme celle du 19 février 2009, un bijou en la matière, accordée à l’émir du Qatar :
« Parmi les dispositions, une en particulier déroge au modèle établi par l'Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE) et aux conventions signées par la France dans cette région. Elle exonère d'impôt les plus-values immobilières et les gains en capital réalisés par le Qatar ou ses "entités publiques" - y compris, donc, la famille de l'émir - sur des biens détenus en France. Seul le Koweït bénéficie d'une clause similaire. Un autre article de la convention étend la période d'exclusion de l'impôt sur la fortune des biens situés hors de France pour les citoyens du Qatar résidant en France. » (14)
« Peur ». « La France a Peur ». Telle est la vision journalistique véhiculée en permanence à partir de la diabolisation des communautés et pays musulmans. Du moins, à partir de certains. Mais, pas d’autres. Dans une hallucination, sélective, à géométrie variable. Selon les plans marketing, décidés par l’appareil de désinformation, pour conditionner les opinions publiques. Sont intouchables et soigneusement préservés de toute remise en question les régimes, même les plus barbares, inféodés à l’Occident.
A longueur d’année, pas une journée ne se passe, pourtant, sans qu’un pays musulman ne soit bombardé, "droné", mitraillé, par les pays occidentaux. Tous subissant la présence permanente de centaines de bases, organisées, gérées, par les armées de l'Empire et de l'OTAN : aériennes, navales, terrestres. Avec leurs inévitables annexes : des dizaines de centres de torture et d’internement arbitraire. Des pays entièrement rasés, pillés, rançonnés. Des millions de morts, de blessés, de traumatisés, d’handicapés, de mutilés. Des milliers de personnes, enlevées, torturées, assassinés. Palestine-Gaza, Irak, Afghanistan, Liban, Libye, Pakistan, Somalie, Soudan… Interminable liste des damnés de « La Communauté Internationale » …
Auraient-ils un mot de compassion, ces « décrypteurs-de-l’info », « caricaturistes-défenseurs-des-valeurs-républicaines » ?... Un seul ?... Se disant, au regard de ce que nous leur faisons subir au quotidien, les musulmans méritent au moins notre respect… Non, ils n’ont à la bouche, au bout du crayon, au clavier, qu’insulte, provocation, diabolisation. Car, la doctrine imposée par la propagande le martèle : c’est nous, les occidentaux, qui devons avoir « Peur » des musulmans !
Justifier l’injustifiable
Cette voyoucratie de « La Peur » trouve toujours de bonnes raisons, bien évidemment, pour justifier, son hypocrisie, ses mensonges, son racisme, son fanatisme.
Oui. Il faut « cogner », « diaboliser », pour justifier l’injustifiable. Car, ses maîtres ont « Peur ». Non pas de l’Islam, des atteintes à la démocratie. Loin de là, ils le prouvent chaque jour en soutenant les pires dictatures sur tous les continents. L’Afrique, l’Amérique latine peuvent en témoigner. En fait : « Peur » que les pays musulmans se révoltent et revendiquent leur complète indépendance, se solidarisant, se fédérant, entre eux, pour enfin bénéficier de leurs ressources naturelles et gérer leur propre développement sans spoliation occidentale.
Alors, ces vertueux défenseurs des “valeurs républicaines” puisant dans leur caisse à outils les inusables clichés de l’impartialité journalistique ou caricaturiste, agrémentés d’arguments idéologiques à la mode laïque et républicaine…
Dans ce bric-à-brac de la diabolisation, quatre grands classiques de l’argumentaire islamophobe :
=> “On a le droit de critiquer l’Islam”.
Encore faudrait-il en connaître les fondements, avant d’entamer un débat théologique, philosophique, ou philologique. Ces spécialistes du “prêt-à-penser”, dans leur prétention et leur ignorance, oubliant les millions de pages d’exégèse accumulées au cours des siècles. Par les plus grands penseurs des religions et de la spiritualité, y compris français (15). Qui, eux, ne confondent pas une religion et une croyance (l’athéisme étant une croyance comme une autre) avec leur instrumentalisation par des castes au pouvoir. Confusion qui relève, en ce cas, d’une analyse issue des sciences politiques ou sociologiques, et non pas théologiques.
=> “On doit défendre la laïcité”
Certainement, à condition de ne pas oublier que la laïcité est le respect de toutes les croyances. Y compris l’athéisme. Et non pas la diabolisation de l’une par rapport à d’autres. L’essentiel étant qu’aucune d’entre elles ne s’arroge un quelconque pouvoir politique imposant de force ses critères moraux, normes sociales, et discriminations économiques. Les régimes laïcs ont provoqué tout autant de victimes, si ce n’est plus, que les régimes religieux : hitlérisme et stalinisme, étant parmi les plus implacables de l’histoire récente. Quant aux millions de morts, aux apocalyptiques destructions et malheurs infligés par “l’Occident laïc” en Terre d’Islam…
=> “Il n’y a pas de blasphème en république”
Evidence, renforcée par le cliché : « Nous caricaturons bien le pape, alors pourquoi pas Mahomet ? ». Tour de passe-passe, pour tromper sciemment un public non averti.
D’abord, le pape n’est pas le prophète fondateur d’une religion, mais un hiérarque religieux coopté par ses pairs pour assurer, dans un système gérontocratique, la direction de la communauté catholique. N’excusant en rien les caricatures, aussi stupides que vulgaires, dont le niveau de provocation évite de traiter le problème de fond. Qui est, avant tout, l’urgente nécessité de réformer l’organisation de l’Eglise catholique.
Ensuite, dans une Europe au substrat chrétien, par son environnement historique et culturel, le second degré d’une caricature, d’une blague, est facilement identifiable. Mais, dans une opinion publique analphabète de l’Islam par conditionnement (exemple : medias monopolisés par les partisans du colonialisme de l’Algérie française, à présent par ceux de l’extrémisme sioniste en Palestine), les caricatures antimusulmanes représentent des instruments de propagande. Aucune “contre-lecture” n’étant possible, du fait d’absence d’information.
=> “Il faut défendre la femme musulmane”
Argument dissimulant, sous un féminisme militant, une hypocrisie sans pareille. “Défendre la femme musulmane” c’est, en premier lieu, commencer par ne pas la bombarder : ses marchés, ses villages, ses maisons, ses mariages, ses champs, ses troupeaux, ses écoles, ses dispensaires, ses hôpitaux, ses routes, ses ponts, ses stations d’épuration d’eau, ses puits, ses systèmes d’irrigation, ses universités, ses musées… Massacrer ses enfants, l’empêcher de les soigner. Autrement dit, tout ce qui est interdit pas les Conventions de Genève, car étant des objectifs civils. Et, que les armes occidentales écrasent sous les bombes, étouffent dans les embargos. Tous les jours. Pillant, spoliant et appauvrissant son pays.
Pourquoi ces incessantes campagnes islamophobes ? Quand ce n’est pas le voile, c’est la viande Hallal… A présent c’est le vote en Tunisie, et l’avant-vote en Libye… Piqûre de rappel pour s’assurer de l’efficacité du conditionnement de l’opinion ou de l’inconscient collectif ? Détourner le mécontentement de l’opinion confrontée aux actes répétés d’injustice sociale, par la caste régnante, sous l’appellation de “mesures d’austérité” ? Intensifier les pulsions racistes, et les mécanismes de « Peur » pour élargir son “bassin de voix” en cette période électorale ?
Probablement. Ce ne sont là, toutefois, que des effets collatéraux. Les objectifs immédiats, dans la diabolisation de l’Islam, sont de trois ordres :
i) Justifier l’occupation et le pillage du Moyen-Orient par l’Occident, en édifiant à son seul profit un monopole mondial des ressources énergétiques (gaz-pétrole-uranium) dont cette région est richement dotée.
ii) Justifier le blocage de toute reconnaissance de la Palestine en tant qu’Etat souverain, notamment par les différentes nations du Moyen-Orient qui pourraient exiger, par la suite, l’application de la quarantaine de résolutions de l'ONU non exécutées à ce jour. Certaines, depuis 1967.
iii) Justifier l’écrasement de l’Iran, le réduire en cendres, à défaut d’en réussir sa conquête, qui représente l’Etat musulman le plus défiant, tenace et résilient, face aux prétentions hégémoniques, mégalomaniaques, de l’Occident au Moyen-Orient et en Asie musulmane.
“Caricatures” pour la “défense de la liberté d’expression et de la laïcité”…
Gober une telle imposture ? Non.
Les caricatures antimusulmanes de Charlie Hebdo, alias Charia Hebdo, ne sont qu’un produit islamophobe parfaitement calibré, conditionné, emballé, pour “l’hypermarché” de la propagande impériale, de l’abjection raciste, dans l’incitation à la haine religieuse.
Sous néons, spots, projecteurs, de l’imbécillité, l’impunité, et la Bonne Conscience…
(1) Rachid Amicou, Le simplisme comme prophétie, Le Monde, 8 février 2006.
(2) Entretien de Pascal Boniface, Rire de tous, vraiment tous…, 2 novembre 2011, http://www.atlantico.fr/decryptage/charlie-hebdo-guignols-info-polemique-mahomet-islam-islamistes-musulmans-pascal-boniface-215330.html
(3) Pour nos amis lecteurs non francophones : phrase célèbre de notre hymne national.
(4) Cf. les commentaires sur le site : http://www.fdesouche.com/254430-pour-pascal-boniface-charlie-hebdo-stigmatise-avant-tout-une-minorite#comments
Ou encore :
(5) Informations communiquées par le rédacteur en chef lui-même, sur le plateau de l’émission TV de Ruquier : "On n'est pas couché"…
(6) Mojo Risin, La maladie de vieillesse du progressisme (le laïcardisme), Ecologie & capitalisme journal indépendant du militant, 10 novembre 2009, http://www.lejim.info/spip/spip.php?article39
(7) Domenico Joze, Quand des médias caricaturaux pérorent sur des caricatures, mars 2006, http://c-re-action.over-blog.com/article-2021694.html
(8) Mona Chollet, L’obscurantisme beauf – A propos du tête-à-queue idéologique de Charlie Hebdo, mars 2006, http://lmsi.net/L-obscurantisme-beauf
(9) Georges Stanechy, Caroline Fourest : Tariq mon Amour, 20 novembre 2009, http://stanechy.over-blog.com/article-caroline-fourest-tariq-mon-amour--39730368.html
(10) Hannah Arendt, Le Système Totalitaire – Les origines du Totalitarisme, Editions du Seuil, Essais, 2002 (première publication 1948), p. 138, note 79.
(11) Yves Gonzalez-Quijano, Cliquez pour ‘Alaa Abdel Fattah - blogueur de la Révolution arabe, 6 novembre 2011, http://cpa.hypotheses.org/3055
(12) The Third Arab Bloggers Meeting (AB11) 3 – 6 October 2011 Tunis,http://arabloggers.com/blog/the-third-arab-bloggers-meeting-ab11-3-%e2%80%93-6-october-2011-tunis-%e2%80%93/
(13) Yves Gonzalez-Quijano, Op. Cit.
(14) Patrick Roger, La France accorde une exonération d'impôts aux avoirs du Qatar, 22 février 2009, http://www.bladi.net/forum/183275-france-accorde-exoneration-dimpots-avoirs-qatar/
Ou encore : Convention fiscale France-Qatar, http://www.impots.gouv.fr/portal/deploiement/p1/fichedescriptive_2100/fichedescriptive_2100.pdf
(15) Rappelons quelques noms, parmi les meilleurs chercheurs contemporains, d’expression française, sur l’Islam, sa dimension spirituelle et humaniste, tant sunnite que chiite : Serge de Beaurecueil, Jacques Berque, Henri Corbin, Charles-Henri de Fouchécour, Louis Massignon, Denise Masson, Eva de Vitray Meyerovitch, Vincent Monteil, Patrick Ringgenberg, Stéphane Ruspoli, Frithjof Schuon, etc.