Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Liberté ...

   
 

 

 

 


 
Le Québécois
chante la lutte des Peuples
contre la Prédation
 
 

Horizon...


Du conseil international en gestion stratégique et en développement d'économies émergentes...
Au regard sur la régression du respect de la dignité humaine, des libertés et du partage.
Une espérance solidaire avec ceux qui ne l'acceptent pas.
A contre-courant...

 

 

 

Modération


Tous commentaires et propos contribuant à enrichir échanges et débats, même contradictoires, sont amicalement reçus. Ne sont pas acceptées les pollutions organisées, en particulier :

a)  Hors sujets et trolls

b)  Attentatoires à la Dignité Humaine :

.  Injures

.  Propos racistes

.  Incitations à la haine religieuse

 

Avertissement

Liberté d’expression et abus de procédure

 

Devant la multiplication actuelle des atteintes à la liberté d’expression, sous forme d’intimidations et de menaces à l’égard de blogs et de sites, de la part d’officines spécialisées dans la désinformation et la propagande relatives aux évènements passés, présents et à venir au Moyen-Orient, tout particulièrement, il est rappelé que la Loi du 21 juin 2004 (LCEN),

modifiée par la Loi n°2009-1311 du 28 octobre – art.12, s’appliquant à des « abus » éventuels,

spécifie

dans son alinéa 4 :

« Le fait, pour toute personne, de présenter aux personnes mentionnées au 2

un contenu ou une activité

comme étant illicite

dans le but d'en obtenir le retrait ou d'en faire cesser la diffusion,

alors qu'elle sait cette information inexacte,

est puni

d'une peine d'un an d'emprisonnement

et

de 15 000 Euros d'amende»

 

 

18 novembre 2018 7 18 /11 /novembre /2018 17:00

 

 

« Parmi les folies des civilisations et des sociétés, même celles qui paraissent les plus "avancées", se trouvent les actes dégradants et l’humiliation. »

Saverio Tomasella  (1)
 

 

 

Mer des Caraïbes…

Cartagena de Indias… En français : Carthagène des Indes.

 

Port de Colombie que les conquérants espagnols avait nommé en souvenir de celui d’Espagne, Cartagena (fondé par les Carthaginois en 227 avant notre ère). Y rajoutant "des Indes", se croyant dans une contrée de cet immense pays qu’ils auraient atteint en traversant l’Atlantique ; sans avoir à contourner l’Afrique et remonter l’Océan Indien. Pour, plus tard, comprendre que c’était un nouveau continent.

 

Une des villes les plus fascinantes de notre planète. Par son Histoire. Un magma de tragédies, d’horreurs, de cruautés ; mais, aussi, de splendeurs, d’actes héroïques et de pages de gloire.

La très catholique et pieuse Espagne de l’époque y avait édifié un des principaux centres d’expédition vers la métropole de toutes les considérables richesses pillées à longueur de décennies : or, argent,  pierres précieuses (émeraudes, notamment). Ensuite, s’y ajouteront café, tabac, cacao, et autres denrées…

 

Dans ce qu’elle considérait  comme possessions de son Empire ; tous les pays de cette "Amérique Latine", qui comprenait aussi, au-delà du Mexique : Californie, Texas et Floride. Les autochtones, "Amérindiens" de diverses ethnies, étant considérés en serfs quand ce n’était pas en esclaves, exploités jusqu’à l’épuisement dans les mines ou les grands domaines.

Radeau en or (80%), argent et cuivre, splendide création artistique remontant à 1200-1500 ans avant notre ère de l'ethnie Muisca ; une des principales cultures du pays avant son éradication par la colonisation espagnole..

Radeau en or (80%), argent et cuivre, splendide création artistique remontant à 1200-1500 ans avant notre ère de l'ethnie Muisca ; une des principales cultures du pays avant son éradication par la colonisation espagnole..

Par l’odeur du pillage alléché…

 

Le colossal pillage auquel se livraient les colonisateurs espagnols, à commencer par les tombes sacrées des chefs locaux, provoqua bien évidemment la ruée d’une cohorte de pirates et corsaires, de toutes nationalités. Britanniques et Français, parmi les premiers. Les îles des Caraïbes servant de bases, repères et bourses d’échanges : navires, recrutement d’équipages, cargaisons, armes et renseignements…

 

Sur plusieurs siècles, les convois des galions espagnols lourdement chargés pour enrichir la mère patrie, arrivant à échapper aux tempêtes et naufrages, devinrent la proie de ces "bandes organisées". Tellement bien structurées, équipées, financées ou commanditées (souvent, par les milliardaires de leurs pays d’origine), qu’elles n’hésitèrent pas à attaquer le port lui-même, tant qu’il n’était pas encore suffisamment fortifié et protégé par de puissantes batteries côtières.

 

Parmi ces attaques les plus marquantes : en 1543, le Français Robert Boal ; en 1559, deux associés Français dans ce lucratif "business" Jean-Martin Cotes et Jean Bontemps ; en 1586, c’est au tour du célèbre Anglais Francis Drake, anobli par la reine Elizabeth 1er

 

Dissimulés à l’abri d’hommes de paille ou "sociétés écrans", se retrouvent toujours oligarchies et dirigeants des pays protecteurs de ces mercenaires. Aujourd’hui, rien n’a changé. Même écran de fumée. Le pillage actuel du pétrole et du gaz dans les pays qui en sont riches, s’inspire de ces méthodes anciennes ; s’effectuant par "califes" et "rebelles démocratisateurs", créés de toutes pièces et grassement financés…

Parfois, les monarques européens encouragés par un contexte de guerre officielle, baissaient le masque. Ainsi Louis XIV, pour remplir les caisses de l’Etat toujours vides, ordonna la prise de la ville par une escadre de notre marine nationale aux ordres de Jean-Bernard de Pointis. En 1697.

 

Le port entièrement pillé livra un fantastique butin d’or, d’argent, de pierres précieuses, de vaisselles et objets en argenterie, estimé entre 10 et 20 millions de livres de l’époque. Au retour de l’expédition, reçu par le roi, Pointis lui offrit une émeraude grosse, dit-on, comme le poing…

Trop d’or. Trop de richesses à portée de main.

 

L’empire britannique, administré par les banquiers de la City, décida de s’emparer définitivement  de ce port et de son arrière-pays…

 

Leurs espions avaient recensé le potentiel de défense des espagnols : quasi nul. La ville n’avait qu’une petite flotte de six navires de guerre, une faible garnison de 3 000 soldats, assistés de quelque centaines de supplétifs indigènes, armés d’arc, de sarbacanes et de frondes.

 

Après deux ans de préparation, en mars 1741, les britanniques lancèrent une expédition aux impressionnants moyens : 186 navires, plus de 2 000 canons et 30 000 soldats et marins. Aux ordres d’un de leurs plus prestigieux amiraux : Edward Vernon. Les spécialistes de l’histoire militaire considèrent qu’il s’agit d’une des plus importantes opérations amphibies (la longue histoire de la Chine et de la Corée en avaient connues de cette envergure) avant celle du débarquement en Normandie en 1944.

 

Le choc entre les deux puissances coloniales ne laissait aucune place au doute.

 

Au point que les financiers de la City éditèrent, à l’avance, une médaille célébrant la victoire et la prise de la ville par les glorieuses troupes de leur nation. !... Montrant l’amiral Vernon regardant de toute sa hauteur le commandant de la place vaincu, à genoux devant lui…

Médaille célébrant la "prise de Cartagena de Indias" par l'amiral Vernon...

Médaille célébrant la "prise de Cartagena de Indias" par l'amiral Vernon...

Sauf que…

 

L’arrogance britannique ne l'avait pas prévu : le responsable de la défense de Cartagena de Indias n’était autre que l’amiral Blas de Lezo.

Fabuleux personnage, comme il s’en trouve peu dans l’Histoire.

 

Extraordinaire de courage, d’intelligence, de sens tactique et de vision stratégique. Un meneur d’homme hors norme, affectueusement surnommé « Mediohombre » ("demi-homme" ou "moitié d’homme") pour avoir, outre de multiples blessures, perdu dans des dizaines de combats navals : un œil, un bras et une jambe. Il avait commencé sa carrière navale dans la marine française, sous Louis XIV, à l’âge de douze ans…

 

Le siège dura 67 jours et se termina par un des plus grands et humiliants désastres militaires de l’empire britannique, sur lequel il est très discret dans ses livres d’histoire, qui y perdit 50 navires et 20 000 hommes. Que les traîneurs de sabre aux uniformes chamarrés de son état-major, chargés de l'opération de conquête tout en trinquant leurs verres de porto en cristal, ne prirent même pas la peine de faire ensevelir...

 

Rien de plus passionnant que lire le récit du siège et les minutieux préparatifs de défense terrestre et maritime de Blas de Lezo, avec le peu de moyens dont il disposait face à l'invasion britannique ; leur conception, articulation, déploiement et séquence. Une encyclopédie de tactiques, aussi inventives et audacieuses les unes que les autres. Juste un exemple : sachant que les espions britanniques avaient mesuré la hauteur des fossés pour préparer les échelles d’assaut des bastions, il avait fait creuser les fossés de 2 mètres supplémentaires ; provoquant la surprise, l’hécatombe et la démoralisation des attaquants… 

La monarchie espagnole avait pris peur. Comprenant que les Blas de Lezo n'émergent qu'une fois par siècle, elle envoya l’année suivante son meilleur ingénieur militaire pour rénover et renforcer les défenses du port et de la ville, Antonio de Arévalo. Pendant 56 ans, de 1742 à 1798, il ne cessa de construire, améliorer, bastions, forts, remparts (12 kilomètres) et digues.

 

Mais, 13 ans plus tard, le 11 novembre 1811, la Colombie se sépara de l’Espagne et proclama son indépendance.

 

Ces formidables constructions militaires sont ainsi devenues des vestiges que viennent visiter, à présent, les touristes du monde entier.

 

Cartagena de Indias…

Le Général dans son Labyrinthe

 

Forteresses et centre historique noyés, aujourd’hui, dans un flot de constructions contemporaines : immeubles informes et tours de verre vertigineuses. Se voulant des "vitrines de la modernité" pour accueillir le tourisme de masse se déversant sur la ville : plus de 2 millions de touristes, avec plus de 200 navires de croisières, véritables ruches flottantes, accostant chaque année.

Cartagena de Indias…

Symboles de prospérité, dira-t-on.

 

Oui. Mais, avant tout pour le « 1% » ; la majorité de la population devant se contenter des miettes du festin réservé à une puissante et implacable oligarchie qui ne doit sa survie politique qu’au soutien des Etats-Unis.

 

Les descendants des amérindiens, ou des autochtones restent des citoyens de seconde zone. Pouvoir et richesse nationale étant réservés aux rejetons des colons espagnols ou européens, chargés d’administrer le pays pour le compte de leur protecteur Washingtonien ; qui en a même dessiné les frontières, après lui avoir arraché le Panama, en 1903, pour y construire le fameux canal … (2)

 

De colonie espagnole, la Colombie est, sans transition, devenue une colonie nord-américaine.  

Deux fois la France en superficie, ce pays de 50 millions d’habitants, du fait d’une cruelle injustice économique et sociale a toujours été, depuis sa pseudo "indépendance", l’enfer de violentes et sauvages guerres civiles entre les oligarques, armés de leurs milices, et le peuple. La paysannerie tout particulièrement, dépossédée de ses terres et de ses mines, ne cessant de revendiquer, avec héroïsme et dans d’immenses souffrances, une répartition équitable des ressources du pays.

 

Les dernières statistiques disponibles de la Fondation pour la solidarité et la défense estiment qu’en 2015 le nombre de "prisonniers politiques" en Colombie atteignait le record mondial de 10 000 personnes. En 30 ans, selon Jaime Caycedo, 7 000 membres du Parti communiste colombien ont été assassinés.
 

Et, les assassinats continuent…

 

L’appareil militaire et répressif du pays est, depuis longtemps, entièrement encadré par les Etats-Unis. Ils ne le dissimulent même pas : n’hésitant pas à expédier un contingent de l’armée colombienne pour participer à la guerre de Corée en 1950 -1953… Ou encore, d’envoyer des "spécialistes-tortionnaires" colombiens formés par leurs services spéciaux pour "traiter" la soixantaine de princes et dignitaires saoudiens arrêtés, en janvier 2018, lors du dernier coup d’Etat… D’autres membres des forces armées colombiennes se trouvent actuellement au Yémen, parmi les mercenaires en soutien des troupes saoudiennes dans cette guerre d’une sauvagerie inimaginable…

 

Au-delà des opérations spéciales en dehors du continent latino-américain, la Colombie est formatée en redoutable plateforme de déstabilisation, aux moyens pharaoniques, de tous ses voisins frontaliers qui auraient des velléités de mettre en place des réformes sociales instaurant une répartition des revenus des pays concernés entre leurs concitoyens : Pérou (aux nombreuses révoltes paysannes) (3), Equateur (4), Brésil. Et, bien évidemment, leur obsession du moment : Venezuela.

 

L’objectif permanent, paranoïaque ou mégalomaniaque devrait-on dire, étant que le seul modèle admissible pour une nation, sur cette planète, est sa totale soumission aux Etats-Unis avec un système économique et social architecturé au seul bénéfice d’une oligarchie soigneusement sélectionnée par eux.

 

Cette lutte permanente contre l’injustice et la sauvage répression des oligarchies successives constitue la trame de l’œuvre immense et poignante de Gabriel Garcia Márquez. C’est à Cartagena de Indias qu’il étudia le Droit et effectua ses premiers travaux de journaliste.

 

Qui n’a pas lu Cent ans de solitude (1967), Chronique d'une mort annoncée (1981) et L'Amour aux temps du choléra (1985), n’aura pas les clés pour comprendre douleurs, tourments et rages vengeresses qu’endurent les peuples d’Amérique Latine.

 

D’autres écrivains colombiens moins connus mais aussi talentueux, avec courage, ont témoigné dans leurs livres, articles et conférences de ce combat contre l’injustice. Donnant l’exemple de l’espoir : il n’y a pas de fatalité face au mal et à la folie meurtrière.

 

Je pense, tout spécialement, à une femme que j’aime beaucoup et à qui j’avais dédié un billet : Laura Restrepo (5). Comme Garcia Márquez, elle a un temps été contrainte à l’exil pour se protéger des menaces de mort. Lisez-la, son œuvre est publiée en espagnol, mais il existe quelques ouvrages en français.

De tous les écrits de Garcia Márquez, celui qui m’a pris le plus aux tripes : Le Général dans son Labyrinthe.

 

Périple des six derniers mois de la vie de Simon Bolivar, Le Libérateur, héros des guerres d’indépendance contre le colonisateur espagnol, partant pour Cartagena de Indias, souhaitant s’embarquer pour l’Europe et s’y ressourcer.

 

Epuisé par toutes ses campagnes militaires. Son rêve de voir se former les Etats-Unis d’Amérique du Sud fracassé par les oligarchies locales, se disputant les dépouilles de l’empire espagnol dans la voracité. Jusqu’à assassiner ses compagnons les plus fidèles, valeureux et honnêtes, tel le général Antonio Jose de Sucre.

 

Car, il avait une vision géopolitique qui lui faisait entrevoir la mainmise de la puissance nord-américaine sur la partie sud du continent. Sans exception, une hégémonie impitoyable, une nouvelle colonisation avec une poigne de fer.

 

« J’ai labouré la mer », disait-il…

 

Abandonné de tous. Rongé par la tuberculose. Voyant, depuis le chemin de son départ, les notables chez qui il avait séjourné ou simplement pris un repas, jeter dans un brasier literie, meubles, linge et même couverts en argent, qu’il avait touchés ; dans la terreur d’être contaminés.

 

Il mourra à 47 ans, sans pouvoir partir.

 

Mais, son exemple, son combat, son rêve, sont toujours présents. De même que la colonisation espagnole a été balayée par l’Histoire. Celle infligée par l’Amérique du nord, le sera tout autant.

Simon Bolivar est le levain qui fait lever la pâte. Il suffit de laisser le Temps au Temps…

La Baie de Cartagena de Indias aujourd'hui...

La Baie de Cartagena de Indias aujourd'hui...

Restons lucides : la Colombie illustre l’évolution imposée à tous les pays européens avec le démantèlement accéléré de leurs systèmes de répartition de la richesse nationale : services publics (santé, éducation, transports, retraites, etc.), fiscalité confiscatoire (exonération des multinationales et de la mafia du CAC 40, avec pour contrepartie l'accroissement des taxes sur les faibles revenus - salariés - artisans - commerçants - "auto-entrepreneurs" - sous forme d'augmentation de TVA et autres taxes)...

 

Les galions chargés à ras bord des revenus et ressources détournés de nos pays se dirigent, chaque année, en toute quiétude, vers caisses et coffres de nos oligarques enfouis, cynique clin d'œil de l'Histoire…

 

Dans les paradis fiscaux des Caraïbes.

 

 

 

 

 

 

1.  Saverio Tomasella, La Folie Cachée, Albin Michel, 2015, p. 37
2.  Georges Stanechy, Crimée : Obama Souviens-toi de Panama !, 17 mars 2014,
http://stanechy.over-blog.com/2014/03/crimee-obama-souviens-toi-de-panama.html
3.  Georges Stanechy, Pérou : Esclavage Impérial, 3 juillet 2009,
http://stanechy.over-blog.com/article-33407858.html
4.  Georges Stanechy, Oswaldo Guayasamin : l’Art et la Colère, 28 février 2007,
http://stanechy.over-blog.com/article-5823599.html

5.  Georges Stanechy, Laura Restrepo : Colombie : Mon Amour, 3 février 2007, http://stanechy.over-blog.com/article-5510693.html

 

Partager cet article
Repost0
17 mars 2014 1 17 /03 /mars /2014 19:08

 

 

« Nous sommes humains dans la mesure où ce qui se passe aux antipodes nous concerne. »
Augustin Berque  (1)

 

 

 

 

 

Impressionnant !

 

Ce sont 82,3 % des inscrits qui ont voté, dont 99,4 % se sont prononcés pour le rattachement à la mère-patrie !...

 

Non, il ne s’agit pas du référendum en Crimée sur son rattachement à la Russie.

 

Mais, de celui organisé par la France le 8 février 1976 pour officialiser la sécession de Mayotte, arrachée à l'Union des Comores qui en réclame toujours l’appartenance. A plus de 7000 km des frontières de la France, dans la partie nord du canal du Mozambique, bras de mer entre la grande île de Madagascar et l’Etat du Mozambique sur le continent Africain. Aux enjeux énergétiques et stratégiques majeurs… (2)

 

 

Nos ancêtres les Gaulois…

Crimée : Obama Souviens-toi de Panama !...

Pour enfoncer le clou la France a organisé un autre référendum, le 29 mars 2009. Transformant cette lointaine possession coloniale, acquise le 25 avril 1841, en "département d’outre-mer et région d’outre-mer" avec un vote favorable de 95,6 %. Statut officialisé, dans nos institutions, le 31 mars 2011.

.

Ce méticuleux travail cosmétique aboutissant au statut européen de "région ultrapériphérique", permettant ainsi l’intégration de Mayotte dans l’Union Européenne, le :

.
1er janvier 2014 !...

Tout chaud ! Sortant à peine du four de nos "cuistots-néocoloniaux"...

 

Notre longue histoire coloniale a forgé, par cooptations successives, une nomenklatura habituée à tailler, organiser, délimiter, territoires et terrains de chasse à sa convenance. Pour son rapide enrichissement personnel et familial, évidemment. Et, accessoirement, celui de ses seconds couteaux et domesticité.

 

Se répartissant ou se disputant, depuis des siècles, avec d’autres complices-prédateurs ces prises de piratage, parmi les plus actifs : Espagne, Portugal, Royaume-Uni, Pays-Bas. Ultérieurement, Etats-Unis et Japon (3)…

 

Dans l’histoire contemporaine occidentale, "l'opération de sécession" représentant un des outils les plus employés. La plupart du temps, bien sûr, sans consulter les populations concernées… Une des plus importantes opérations de sécession "architecturée" par la France a été, par exemple, celle du Liban arraché à la Syrie. (4) Pensant s’y installer à demeure. Mais, les évènements en décidèrent autrement.

 

Sans vouloir dresser une typologie des différentes approches de main mise sur « La Richesse des Nations », notons l’originalité de la méthode britannique. Très « Business Minded », anticipant les enjeux énergétiques entre puissances, les anglais démembraient des Nations en fonction de la superficie des nappes de pétrole et de gaz. D’où cette poussière d’émirats au Moyen-Orient, jusqu’en Indonésie où ils ont créé le sultanat de Brunei pour lui enlever les champs pétrolifères ainsi qu’à la Malaisie…

 

Pratiques de spoliation coordonnées, régulées, de nos jours, mais tout aussi implacablement, par l’Union Européenne pour ce qui relève de l’ancien domaine colonial des Etats membres. Sous emballage se voulant, à présent, indiscutablement scientifique et valorisant : « Accords de libre échange ». (5)

 

Qui ne sont, en fait, que la modernisation du pillage par des Etats "forts" à l’encontre d’Etats "faibles". Forcés d’abandonner leur souveraineté économique et financière. Comme au temps des "politiques de la canonnière", démantelant leurs droits de douane, tuant leurs industries, bradant leurs ressources naturelles et agricoles. En conséquence, renonçant à leur développement.

 

S’emparer des marchés et biens publics, après privatisations ou coups d’Etat suivant le niveau de bonne volonté des pouvoirs locaux. Telles sont les nouvelles approches coloniales…

 

Il est donc particulièrement amusant d’observer la réaction des occidentaux, s’insurgeant la main sur le cœur, l’indignation à la boutonnière, devant le résultat du référendum en Crimée : « contraire au droit international ». D’après eux, et leur exercice du droit international "à géométrie variable".

 

Avec une rage, surprenante chez les uns et les autres. Tout particulièrement, celle de notre suzerain : les Etats-Unis…

Crimée : Obama Souviens-toi de Panama !...

Du Panama au Kosovo, du Soudan à la Libye…

 

« Washington "rejette" le référendum », nous est-il martelé dans nos médias de la propagande ! (6) Les plus bellicistes s’énervent même ! Souhaitant, fous furieux, en découdre avec la Russie.

 

Notamment,  les Laurel et Hardy de la politique étrangère américaine : Robert Menendez, sénateur "démocrate" du New Jersey et président de la commission des affaires étrangères du Sénat, flanqué de son compère Bob Corker, sénateur "républicain" du Tennessee, membre de cette commission. (7)

 

Pourquoi pas ?... Libre à eux d’exprimer leur déplaisir… La Terre n’en continue pas moins de tourner…

 

Aboiements et vociférations, d’autant plus surprenants que les Etats-Unis sont des adeptes fidèles des sécessions. Sauf chez eux !

 

Infatigables et déterminés, concepteurs, promoteurs, planificateurs, artisans, des plus retentissants démembrements de ces dernières années. Dans le mépris du droit international. Généralement, si le pays visé n’a pas été pulvérisé préalablement sous les bombes et dans le chaos, sans référendum : Yougoslavie, Soudan, Irak, Libye, Syrie…

 

La liste est interminable. Dans leurs projets les plus obsessionnels, nous le savons tous, figurent ceux de l’Iran et de la Russie. Et, inévitablement : de la Chine…

Crimée : Obama Souviens-toi de Panama !...

Pour ma part, une des opérations de sécession, véritable cas d’école, parfaitement organisée et mise en œuvre par les Etats-Unis est celle du Panama. A plus de 3500 km de leurs frontières. Au début du XX° siècle. Obama aurait-il oublié ses livres d’histoire ?...

.

Bref rappel.
.
Sous l’impulsion de Simon Bolivar, suite à des batailles acharnées et des répressions féroces, les colonies espagnoles d’Amérique du sud obtiennent leur indépendance de la métropole en 1821. Le Panama, avec une partie du Nicaragua, constituait une province de l’Etat dénommé alors "Grande Colombie". Comprenant aussi l’Equateur et le Venezuela, avant leur séparation ultérieure.

Etat instable qui connut plusieurs guerres civiles, dont celle des "Mille Jours" (1899-1902) évoquée dans le chef-d’œuvre de l’écrivain Colombien Gabriel Garcia Márquez, "Cent ans de solitude". Profitant de son épuisement économique et de son endettement, les Etats-Unis imposent, en 1903, au gouvernement Colombien le traité Hay-Herran.

 

L’objectif principal des américains étant d’obtenir la concession des travaux du percement du Canal de liaison Atlantique-Pacifique à travers l’isthme de Panama. Et, son exploitation ultérieure. Travaux qui avaient été commencés, puis abandonnés, par les Français, suite à un énorme scandale financier, mettant à jour la profonde corruption du monde politique et des médias. Rien de nouveau…

Crimée : Obama Souviens-toi de Panama !...

Coup d’éclat ! Considérant ce traité comme une violation de sa souveraineté et une spoliation économique, le Congrès Colombien en rejette les clauses le 12 août 1903. Les Etats-Unis enclenchent immédiatement l’opération de sécession, en soutenant un mouvement « autonomiste ». Secrètement financé de longue date. Lancement de l’opération prévu pour le mois de novembre 1903.

Impeccable planification.

 

Arrestation de tous les représentants des autorités officielles sur place, hostiles à ce coup d’Etat. Les chemins de fer du Panama sont bloqués. Le câble sous-marin de télécommunications est saboté. Un puissant bâtiment de la marine américaine, le Nashville, assure le blocus de tous les accès maritimes, sous prétexte d’assurer la « neutralité des chemins de fer »… Bloquant, ainsi, toute information et réaction du gouvernement central.

 

Cascade d’enchaînements parfaitement huilés. Un véritable "sprint"…

 

La République du Panama est proclamée le 4 novembre 1903. Le gouvernement central, à Bogota, ne l’apprendra que le 6 novembre. Les Etats-Unis reconnaissent la nouvelle république, le 13 novembre 1903. La France, la reconnaît le lendemain… Puis, le reste du clan…

 

Evidemment, Time is Money, le 18 novembre suivant les Etats-Unis représentés par le secrétaire d'État John Hay, signent avec la jeune République plus que complaisante, représentée par Philippe Bunau-Varilla, le traité de "concession-spoliation" du projet de canal transocéanique...

 

Vite fait, bien fait.

 

Il faudra attendre 1977 pour que le Panama puisse récupérer sa souveraineté, au moins, sur la zone entourant le canal. A défaut du canal lui-même. Grâce à la ténacité du chef de l’Etat de l’époque, Omar Torrijos.

 

Grand ami de Gabriel Garcia Márquez, magnifique personnalité, hors du commun,  préfigurant Chavez par sa sollicitude à l’égard du "petit peuple", au sens affectueux du terme, des paysans. Dont il était issu. Lançant de multiples projets sociaux. Ecoles, dispensaires, en priorité. Politique doublée d’une constante chasse à la corruption. Il travaillait, avec les Japonais, sur un projet du doublement du canal.

 

Pour cela, diabolisé dans les plus invraisemblables mensonges.

 

"Intègre" ! Le "social", la "souveraineté" sur le canal, le "doublement" du canal… Puis, quoi encore ?..

 

Il les a tellement excédés qu’ils lui ont fait exploser son avion.

 

Le 31 juillet 1981.

Crimée : Obama Souviens-toi de Panama !...

Omar Torrijos - Assassiné le 31 juillet 1981

 

 

 

Vous dites : « contraire au droit international » ?...

 

 

 

 

 

 

 

 

(1)  Augustin Berque, Ecoumène - Introduction à l’étude des milieux humains, éditions Belin, 2009, p. 14.

(2)  Raphaël de Benito, Le Canal du Mozambique – Un enjeu stratégique pour la France, 13 juin 2012,
http://survie.org/billets-d-afrique/2012/214-juin-2012/article/le-canal-du-mozambique-un-enjeu
(3)  Georges Stanechy, Tibet : Excuses d’un Français au Peuple Chinois, 11 avril 2008,
http://stanechy.over-blog.com/article-18658527.html

(4)  Georges Stanechy, Syrie : La France Asservie, 22 juillet 2011,
http://stanechy.over-blog.com/article-syrie-la-france-asservie-80003070.html

(5)  Marie Bazin, Afrique Caraïbes Pacifique – L’Union Européenne poursuit son offensive, 1er août 2012,
http://survie.org/billets-d-afrique/2012/214-juin-2012/article/afrique-caraibes-pacifique-l-union

(6)  Crimée : Washington "rejette" le référendum, Le Point, 16 mars 2014,

http://www.lepoint.fr/monde/crimee-washington-rejette-le-referendum-16-03-2014-1801721_24.php

(7)  We need to stand up to Russia, Press TV, 16 mars 2014,
http://www.presstv.ir/detail/2014/03/16/354940/us-must-stand-up-to-russia-senators/

 

Caricature de Sani : http://sanidessinateur.blogspot.fr/

 

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
18 mars 2010 4 18 /03 /mars /2010 12:00

 

 

 « Quand on s’accommode trop facilement de l’inévitable défaite de l’espérance humaine, l’homme n’étant plus qu’une créature destinée à glisser sur une peau de banane, je sens que le fascisme n’est pas loin. »

Arthur Miller

 

 

 

 

Bêlant d’admiration…

 

Les médias, en troupeau, s’extasiaient de servilité moutonnière…

 

Le Mexicain Carlos Slim est devenu l'homme le plus riche du monde, claironnaient-ils !... Avec une fortune estimée à 53,5 milliards de dollars, non compris ce qui est entassé discrètement dans les paradis fiscaux !... Equivalente à 10 % du PIB du pays. Hourrah !...

 

Rendez-vous compte, comme dans ces compétitions soi-disant sportives dont on nous choucroute à longueur de journée :

 “… le septuagénaire Carlos Slim, magnat mexicain des télécommunications qui fait partie du peloton de tête depuis quelques années, bat de 500 millions Bill Gates, le cofondateur de Microsoft, qui doit se contenter du second rang”. (1)

 

 

Du Culte de la Prédation…

 

Aucun réflexe, esprit critique, aucune décence, ne parlons pas d’éthique : se poser des questions sur la disproportion entre une fortune privée, équivalente et supérieure à bien des budgets d’Etats sur notre planète, et la pauvreté de la majorité de la population mexicaine.

 

Ne serait-ce qu’une demi-seconde, une ligne, quelques mots entre virgules…

 

Sur 111 millions de mexicains disent les statistiques officielles, dont on sait combien elles sont enjolivées dans tous les pays, au minimum la moitié vit dans la misère, l’extrême pauvreté.

 

D’après le classement Coefficient de Gini mesurant les inégalités de revenus entre riches et pauvres, le Mexique immensément riche de ses ressources minières et énergétiques (2), ce paradis du Libéralisme Economique depuis sa conquête par les occidentaux au XV° siècle, treizième puissance économique mondiale, se classe derrière l’Ouganda, juste devant le Rwanda, avec 0,461.

 

Il est vrai que, dans ce même classement, la France, cinquième pays le plus riche du monde, arrive après le Tadjikistan, devançant de justesse :

la Mongolie…

 

Kirghizstan, Bulgarie, Roumanie, Albanie, Belarus, Ethiopie, sont même classés avant notre pays. Mais les médias, si friands de classements et compétitions, n’évoqueront jamais le rang minable, inacceptable, honteux, de la France, quant à l’inégalité des revenus. (3)

 

Incapables de formuler la moindre remarque sur l’origine d’une telle fortune personnelle. Fondée sur une découverte majeure relevant des nouvelles technologies ? De la chimie ? De la recherche sur la santé, comme la découverte de la pénicilline ?…

 

Non. Aucune valeur ajoutée pour la collectivité. Aucune innovation à la source. Même pas du niveau “fil à couper le beurre”. Issue, tout bonnement, de la : “spéculation”.

 

Immobilière, tout d’abord, dans une des plus grandes métropoles du monde, Mexico avec ses 25 millions d’habitants. Démultipliée, ensuite, dans des privatisations “bidons”, fondées sur un système où le dogme de la Libre Concurrence n’est, en fait, jamais appliqué.

 

Assurant, à présent, une rente de situation aux revenus exponentiels. Ce milliardaire détient, entre autres, le monopole des télécommunications, nouvelles vaches à lait de nos sociétés : 90% pour le Fixe et 80% pour le Mobile

 

Fortune colossale qui ne peut se construire sans la complicité de l’appareil politique, détenteur du pouvoir de “surveillance et de répression” : armée, police, services secrets, propagande médiatique et politiciens aux ordres.

 

Fortune-paravent, aux multiples ramifications, servant “d’hommes de paille” à une Nomenklatura, récompensée, engraissée, par des “enveloppes” dans les paradis fiscaux et des arrangements d’actionnariat. Cascades de holdings et rideaux de filiales, assurant une part du gâteau aux apparatchiks.

 

Comme évoqué, lors de la récente élection du président Chilien (4), suivant des pratiques en usage dans toutes les castes dirigeantes du monde. Ou, presque…

 

Soyons compréhensifs à l’égard de nos médias. Pour la plupart, leurs patrons sont des milliardaires aux fortunes engendrées par les mêmes mécanismes “économico-politiques”… Dans ce “milieu”, il faudrait être “maso”, ou suicidaire, pour jouer les rabat-joies...

 

En ces temps de crises, on se doit donc d’encenser, dans l’allégresse, réussites et succès d’où qu’ils viennent. Surtout s’il s’agit de fêter les bienfaits du Libéralisme Economique : bonus, dividendes, en milliards. Au profit exclusif d’une oligarchie.

 

Et, puis c’est tellement reposant : le “vertueux” Mexique n’est pas le Venezuela de Chavez, le Cuba de Castro, la Bolivie de Morales, ou l’Equateur de Correa, que les médias ont pour instruction de diaboliser, jusqu’à la nausée, dans d’épaisses tartines de contrevérités…


Mexique, archétype des sociétés latino-américaines. Des siècles de violence imposée par une caste de colons, s’enrichissant dans l'obséquiosité à l’égard des multinationales. Facilitant le pillage de leur propre pays, sous couvert de mondialisation. Préservant férocement un modèle de société féodale, mafieuse, dans le mépris des amérindiens.


Amérindiens, qu’on regroupe dans une nébuleuse Maya par commodité : Tzeltales, Coles, Tojolabales, Mames, Mochos, Chujes, et Jacaltecos. Même les Zoques, qui n’appartiennent pas au même groupe linguistique que les Mayas. Broyés dans des “déplacements” de population, destinés à les anéantir, dans la perte de leurs langues et leurs cultures.

 

Ce que, pudiquement, on appelait les “Réductions”. Véritables nettoyages ethniques, sur fond d’esclavage dans les champs et les mines. Ces politiques génocidaires :

« … firent chuter la population du Mexique de 25 millions d’habitants en 1519 à 1 million en 1605. Certaines populations refusèrent de se soumettre à la domination espagnole et parfois des groupes entiers choisirent le suicide collectif, au Chiapas, par exemple. » (5)

 

Amérindiens luttant, pour ne pas être totalement exterminés, dans de multiples révoltes, à mains nues, contre ce destin de sous-humanité. Soulèvements réprimés dans la violence, le sadisme, l’horreur, par l’oligarchie des grands propriétaires, banquiers et généraux, qui invoquaient, vieille habitude, la lutte de la civilisation contre la barbarie

 

Jusqu’à la fin du XX° siècle. Le Massacre d’Acétal du 22 décembre 1997, a marqué les consciences : tout un village massacré, notamment des femmes et des enfants réfugiés dans une église, par un commando paramilitaire.

 

Actuellement, 6000 familles d’éleveurs descendants de colons monopolisent 3 millions d'hectares des meilleures terres du Chiapas. Soit la moitié de l’Etat du Chiapas, le plus pauvre du Mexique.

 

Les plus féroces dans le racisme étant les sinistres coletos, se vantant d’être “d’authentiques” descendants des colons espagnols… Arrogance d’une caste coloniale du pillage et du crime.

 

elena-poniatowska-2.jpg

 

… Au Combat de l’Espoir

 

A l’opposé de ce gangstérisme prédateur, il existe un autre Mexique. Dont on parle moins ou qu’on célèbre moins. Représenté, parmi beaucoup d’exemples, par une Mexicaine que j’admire :

Elena Poniatowska.

 

Elle fêtera, cette année, ses 78 ans. Fascinant destin d’une femme exceptionnelle par sa générosité de cœur, sa ténacité dans le combat pour un monde meilleur.

 

Son nom ne le laisse pas paraître, mais elle est “mexicaine”. Un père polonais, des anciennes familles régnantes de Pologne. Une mère mexicaine, de descendance française. Arrivée au Mexique, pendant la dernière guerre mondiale, à l’âge de dix ans, elle ne parlait pas un mot d’espagnol.

 

Une “immigrée”. Un patchwork de filiations et de cultures détonnant. De quoi faire avaler le Code de la Nationalité à nos inquisiteurs de l’identité nationale.

 

Une des gloires littéraires du Mexique. A l’abondante production de romans, d’articles, de conférences, couverte d’une multitude de Prix et Distinctions.

 

Pratiquement méconnue en France. Très peu d’ouvrages traduits (6), alors que chacun d’eux est un régal. De finesse, d’humour, de sensibilité, de gravité. Quatre traductions seulement.

 

Curieusement, elle est plus traduite dans le monde anglo-saxon, USA et RFA notamment, que dans le francophone. Même pas mentionnée, dans le Dictionnaire amoureux du Mexique (7).  

 

Elena Poniatowska, un modèle d’engagement, de jeunesse, de courage, de modernité. D’avant-garde. Citoyenne du monde. Appartenant à cette lignée d’intellectuels qui n’existent plus chez nous. Mobilisant talent, combativité et notoriété dans la défense de la paix, de la dignité humaine, de la justice, de la solidarité.

 

Un “écrivain dans la société” (8), et non pas dans sa bulle.

 

“Témoigner” exige du courage physique, en Amérique latine, sachant qu’ont peut finir sous les balles d’un tueur, à tout âge. Comme Dorothy Stang, au Brésil, assassinée à 74 ans.


Mexique, pays des Mordidas, métaphore humoristique pour les pots-de-vin, du Charrismo, ce gangstérisme politique avec ses tueurs à gage. Structurés, à présent, en escadrons de la mort. Gérant les fraudes électorales dans la violence. Que les observateurs internationaux, bien sûr, ne constateront jamais.


Elections ?... Pantomime d’un “parti unique” à casquettes interchangeables, d’une nomenklatura, se disputant le pouvoir entre clans corrompus, dans le mépris du peuple. Peuple qui n’a aucune voix déterminante, c’est l’exclusivité des grands propriétaires et des affairistes. Au service des intérêts de la “mondialisation” (9).


Insupportable, pour Elena Poniatowska, de voir que rien ne change dans son pays.

 

Rien, depuis le témoignage de John Reed, écrit en 1914, témoin des révolutions menées par Zapata et Pancho Villa, pour défendre les paysans sans terres, les pauvres, les peones, les “journaliers”.

 

Au contact de la nomenklatura des généraux, des grands propriétaires et des barons de l’industrie, utilisant l’armée nationale comme une milice privée pour préserver leurs rentes de situation et privilèges, il en a été marqué :

« Dans toutes les conversations que je pus avoir avec eux, je m’efforçai en vain de découvrir ne fut-ce qu’un éclair de sympathie ou de compréhension avec les “peones”. (10)

 

Le sous-commandant Marcos, chef de la révolte du Chiapas, le rappelle :

« Nous manquons d’écoles, d’enseignants, d’hôpitaux, de médecins, de bons prix pour nos produits, nous manquons de terres, de technologie pour la travailler, de justes salaires, de nourriture de qualité et en quantité suffisante, de maisons dignes de ce nom. » (11)

 

Surprenant. Deux des œuvres majeures d’Elena Poniatowska ne sont pas traduites en français.

 

La noche de Tlatelolco (12) commémorant le massacre des étudiants le 2 octobre 1968, sur une des principales places de Mexico. Emouvante chronique, poignante description, tragiques témoignages, d’une manifestation d’étudiants pacifiques, noyée dans le sang par l’armée et la police.

 

Encerclés méthodiquement, massacrés sciemment. Des tués par centaines, des blessés par milliers. A ce jour, le décompte exact des victimes et des “disparus” n’est pas connu.

 

Philip Agee, à l’époque, un des principaux responsables de la CIA pour le Mexique et l’Amérique latine, devant l’ampleur et le cynisme du massacre, en a été choqué. Un dur à cuire, pourtant.

 

C’est ce massacre qui lui a fait quitter la CIA dont il dénoncera dans un livre, traduit dans une trentaine de langues (sauf en France), toutes les pratiques de déstabilisation et de lutte contre les libertés : Secret Agent – Inside the Company : CIA Diary. (13)

 

Révolté, rongé de culpabilité, il y dénonce, au risque de sa vie, 250 agents locaux, rien qu’en Amérique latine. Et, cite des présidents de pays latino-américains comme étant des agents de la CIA, notamment ceux de Colombie (Alfonso López Michelsen), du Costa Rica (José Figueres Ferrer), et du Mexique (Luis Echeverria Álvarez). (14)

 

Autre œuvre non traduite d’Elena Poniatowska : son “roman monumental”  (15) Tinisima, sur une des plus grandes artistes de la photographie, Tina Modotti. (16)

 

Qui, comme beaucoup d’artistes mexicains, a mis son art au service de la justice sociale, indignée par le sort réservé aux amérindiens asservis, maintenus, dans la pauvreté par l’oligarchie mexicaine. Donnant une série de photos-témoignages, extraordinaires moments d’émotion et de vérité.

 

Cette grande figure de la lutte politique et de l’art au Mexique, n'est pas mentionnée, non plus, dans le Dictionnaire amoureux du Mexique… (17)

 

De toute façon… Nul besoin d’un “dictionnaire” pour être amoureux. Qui ne le serait-pas de Tina Modotti ?... Foudroyé, carbonisé, devant la sublime féminité de cette combattante de l’Espoir, magnifiée sur sa terrasse de Mexico, en 1924, par le photographe américain Weston

 

Comme Tina Modotti (18), Elena Poniatowska a connu le déchaînement médiatique, des fleuves de diffamations, calomnies, insultes. La nomenklatura mexicaine, totalement alignée sur les néoconservateurs US, la déteste et, via ses outils de propagande, presse, radios et TV, n’a cessé de la harceler.

 

Tout particulièrement en 2006, année terrible pour elle…

 

Lors des élections présidentielles, elle s’est mobilisée pour la candidature d’Andrés Manuel López Obrador, du Parti de la Révolution Démocratique. Lui aussi, trainé dans la boue, jusque dans Wikipedia, par l’extrême-droite affairiste.

 

Il proposait d’infléchir la politique ultralibérale en cours. C’est lui, qui aurait dû remporter les élections. Mais, avec un faible différentiel de voix, c’est son adversaire, à la suite de magouilles et de violences électorales inimaginables, qui fut finalement “désigné”…

 

La même année, elle s’est mobilisée avec plusieurs intellectuels pour condamner les bombardements sauvages d’Israël au Liban. Ce qui la fit accuser par l’Ambassadeur d'Israël de vouloir encourager le terrorisme…

 

Devant l’hystérie de l’extrême-droite, et sa mise en danger dans un pays de tueurs à gage, 24 intellectuels de plusieurs pays hispanophones et lusophones, dont le Prix Nobel José Saramago, se sont mobilisés dans un collectif pour signer une pétition de soutien en sa faveur.

 

Autant dire que dans le milieu médiatique français, Elena Poniatowska est précédée de vapeurs de souffre… Ecrirait-elle des torchons anti-Chavez ou anti-Castro, qu’elle serait immédiatement traduite et publiée, reçue sur tous les plateaux de TV.

 

Mais, en France dans les “circuits” politico-mondains de l’édition, de l’audiovisuel, du cinéma, artistes et écrivains, préoccupés de justice, de dignité humaine, ne sont pas reconnus, appréciés, et en conséquence, diffusés. Sauf, à diaboliser ce qui n’est pas reconnu comme appartenant au "monde occidental".

 

Combat contre les massacres de civils ?... Contre l’injustice ?... Contre la pauvreté ?...

 

La Doxa du Libéralisme Economique est allergique à ces sujets, et à leurs auteurs. Phénomènes non reconnus, anecdotiques, là où il règne en maître. Si on est pauvre, c’est qu’on le mérite. Si on est massacré, c’est pour être “civilisé”.

 

Dans tous les cas, c’est qu’on le vaut bien

 

Car, comme chacun sait, “les mécanismes du marché” assurent le bonheur de tous…

 

 

 

 

 

 


 

(1)  Les super-riches sont de retour, Le Monde, 11 mars 2010, http://www.lemonde.fr/international/article/2010/03/11/les-super-riches-sont-de-retour_1317440_3210.html

(2)  Exprimé en rang mondial : premier producteur d’argent (célèbres mines de Zacateras depuis le XV° siècle), 3° de zinc, 4° de plomb et de soufre. Un des premiers producteurs de manganèse, d’or, de cuivre et de fer. Et, bien, sûr de pétrole, dont il occupe le 1er rang mondial pour les réserves offshore, dans le Golfe du Mexique.

(3)  http://www.statistiques-mondiales.com/gini_croissant.htm

(4)  Chili : L’Affairisme au Pouvoir, http://stanechy.over-blog.com/article-chili-l-affairisme-au-pouvoir--44130753.html

(5)  Mexique, Bibliothèque du Voyageur, Gallimard, 2006, p. 49.

(6)  Quatre œuvres, à ma connaissance : Lilus Kikus, Vie de Jésusa, Cher Diego, Quiela t’embrasse, La fille du philosophe (Nouvelles, dont je recommande la lecture comme ballade à la découverte du talent d’Elena Poniatowska).

(7)  Jean-Claude Carrière, Dictionnaire amoureux du Mexique, Plon 2009. Mais, il y a un article sur l’écrivain français : Le Clézio

(8)  Titre du chapitre où elle figure dans l’ouvrage de Philippe Ollé-Laprune, Cent ans de Littérature Mexicaine, Editions   Différence, 2007, p. 479.

(9)  Dans un pays qui est le plus gros producteur de Coca-Cola du monde par tête d’habitant, Vicente Fox en fut le dirigeant, pour le Mexique et l’Amérique latine, avant de devenir le président du Mexique (2000 – 2006).

(10) John Reed, Le Mexique Insurgé, Seuil, 1996, p. 312.

(11) Manuel Vázquez Montalbán, Marcos – Le maître des miroirs, Mille et une nuits – Fayard, 2003, p. 219. Livre fondamental pour franchir les clichés médiatiques ou académiques, afin de “connaître” le Mexique et l’Amérique latine.

(12) Elena Poniatowska, La noche de Tlatelolco. Testimonios de historia oral. México, 1971, nouvelle édition Ed. Era, México, 1993. Traduction en anglais : Massacre in Mexico, Univ. of Missouri Press, 1975.

(13)  Agee, Philip, Secret agent - Inside the Company : CIA Diary, Penguin, 640 pages, 11 janvier 1975.

(14)  Philip Agee : L’Honneur d’un Agent Secret, http://stanechy.over-blog.com/article-15651563.html

(15)  Philippe Ollé-Laprune, Op. Cit.

(16)  Elena Poniatowska, Tinísima, Era, México 1993. Traduction en anglais : Penguin Books, 1998.

(17)  Jean-Claude Carrière, Op. Cit. Mais, rassurons-nous : ce distingué “humaniste” est l’auteur du scénario du film en cours de tournage, d’après le roman d’Atiq Rahimi, sur l’Afghanistan…

(18)   Araceli Alvarez, The Media as an Image Maker/Breaker : The Case of Tina Modotti and its Literary Representation, Thesis, Faculty of the Virginia Polytechnic Institute and State University, July 31 2000.

 

 

 

Partager cet article
Repost0
2 février 2010 2 02 /02 /février /2010 15:43

 


« … Nous découvrons dans leurs multiples aspects les rois gangsters de Shakespeare et les gangsters royaux des films noirs. »

Edgar Morin (1)

 

 

 

Le “Berlusconi chilien” est arrivé….

 

Il entrera officiellement en fonction le 11 mars prochain : président du Chili. C’est ainsi qu’est surnommé Sebastián Piñera, vainqueur des élections du 17 janvier dernier sur son rival Eduardo Frei. (2)

 

Premier président du Chili “de droite” élu depuis 50 ans, nous dit-on… Raccourci ambigu. Comme si depuis un demi-siècle, le Chili avait vécu dans un enfer communiste ou un purgatoire socialiste. Oubliant coups d’Etat et dictatures militaires, qui ont jalonné l’histoire de ce pays comme celle de ses voisins d’Amérique latine.


foto-s-pinera-triumph.jpg

 

Elu, sur fond de fraudes électorales…                      

 

Nos “journalistes d’investigation” ne l’ont pas remarqué, encore moins analysé, contrairement à de nombreux observateurs ; il y eut moins de votes exprimés qu’il y a vingt ans : 7, 145 millions contre 7, 251 millions. (3) 

 

Il est vrai qu’il n’y avait que 8 millions d’inscrits, au lieu de 12 millions potentiellement aptes à voter. Sur une population évaluée, d’après les recensements officiels, à plus de 17 millions d’habitants. Ce sont donc de 3,8 à 4 millions de chiliens non inscrits sur les listes électorales. Soit, environ, 31 % des citoyens exclus du droit de vote.

 

Qu’importe…

 

Sebastián Piñera n’avait en face de lui qu’une coalition hétéroclite de “centre gauche”, usée par le pouvoir. Pouvoir gangréné par son cortège inévitable de pathologies se développant, avec le temps, dans un panier de crabes de rivalités personnelles : corruption, népotisme, gabegie, incompétence…

 

Malgré une cote de popularité de 80% dont bénéficiait personnellement la précédente présidente, Michelle Bachelet. Mais, elle terminait ses deux mandats de quatre ans et, constitutionnellement, ne pouvait se représenter.

 

Manipulation des listes électorales, pressions des grands propriétaires terriens, dans les zones rurales, montagneuses, d’un pays  de 4.200 km de longueur, dominé par la Cordillère des Andes. Non compris l’Ile de Pâques, presque au milieu du Pacifique…

 

Qu’importe…

 

Fraudes ou pas, estampillé « démocratie occidentale », le Chili n’aura pas droit au même traitement que le Venezuela, la Bolivie, ou l’Equateur… Les présidents démocratiquement élus de ces pays, avec de confortables majorités, sont l’objet de la détestation des oligarchies occidentales, diabolisés en permanence par la propagande de leurs  médias : Hugo Chavez, Evo Morales, Rafael Correa.

 

N’a-t-on pas idée !... Vouloir que les immenses richesses de leurs pays,  mines et hydrocarbures tout particulièrement, soient exploitées et partagées au profit de leurs habitants et non pas uniquement pour les actionnaires étrangers des multinationales mondialisées !...

 

Inadmissible d’après dogmes, paradigmes, rhétoriques, idéologies, de l’Empire occidental. D’où leur excommunication, sans égard pour leur légitimité électorale et leur popularité nationales, de la “Communauté Internationale des Démocraties et des Droits de l’Homme”…

 

De plus, notre habitus colonial, notre racisme viscéral, conscient ou inconscient, sont confortés dans leur plénitude : la famille de Sebastián Piñera est membre de la caste européenne, la plus prestigieuse en Amérique latine, descendante des colons espagnols. Rien à voir avec ces mestizos, ces métis, à moitié ou en totalité, amérindiens, indigènes, tels que les Chavez, Morales ou Correa…

 

On est entre gens “civilisés”, partageant les mêmes valeurs… (4)

 

Sebastián Piñera et sa famille auront beau avoir démultiplié leur fortune sous une des plus sanguinaires, implacables, dictatures militaires de la fin du XX° siècle, ce ne seront  que félicitations et encouragements des chefs d’Etat occidentaux pour son intronisation. Le nôtre, saluant en lui "un homme de rassemblement et d'ouverture"

 

Normal : cette dictature se posait en championne du Libéralisme Economique !...  « Nous torturons, mais c’est pour mieux privatiser »…            

 

map_of_chile2.jpg

 

Diplômé en économie de Harvard, qu’il enseigna par la suite au Chili, il a édifié, avec sa famille déjà richissime, une des plus grandes fortunes d’Amérique latine et du monde (701° d’après Forbes…) sous la dictature militaire d’Augusto Pinochet. Qui, rappelons-le, à la suite d’un violent coup d’Etat organisé avec les néoconservateurs américains, avait renversé le gouvernement régulièrement élu de Salvador Allende. Au cours duquel, ce dernier fut assassiné.

 

Oui. Mouillé jusqu’au cou dans cette dictature aux milliers de gens torturés, enlevés, emprisonnés, disparus, assassinés. Lui et sa famille en ont été parmi les exécuteurs, les rouages, essentiels sur le plan économique. (5)

 

Son frère, Pablo, a été un des responsables de la Banque Centrale du pays. José, un autre de ses frères, a occupé plusieurs postes ministériels : ministre du Travail puis, hautement stratégique sur le plan financier, ministre des Mines, dont on sait combien elles sont considérables, au Chili, en termes de richesses.

 

Profitant, pour fructifier le Business familial, d’une quasi exclusivité dans l’octroi d’autorisations administratives, l’accès à des informations économiques, la priorité dans les “privatisations” du patrimoine national qui ont fait la fortune des oligarchies locales et de leurs commanditaires “les multinationales”. Schéma éprouvé, rodé, imposé, dans le monde entier.

 

Il fut au cœur des manœuvres boursières les plus effrénées pendant la libéralisation à outrance de l’économie chilienne, avec des marges spéculatives fabuleuses. Au cours de ces années fastueuses qui ont vu des fortunes grandir non pas en fonction de la valeur ajoutée créée, mais en vertu de la croissance exponentielle des profits spéculatifs.

 

Evidemment, évoluer impunément, avec autant de facilité, à ce niveau d’enrichissement rapide et colossal, ne peut se faire que si vous êtes en parallèle l’homme de paille des détenteurs du pouvoir. Dictature ou autocratie, “pouvoir” sous la forme de sa “violence légale” (ce qui ne veut pas dire : “légitime”…) : armée, police, services spéciaux. Une règle d’or, dans la prédation : pas d’accaparement, sans renvoi d’ascenseur. De préférence, dans un paradis fiscal…

 

Sebastián Piñera possède ainsi, intégralement ou en tant qu’actionnaire majoritaire, une multitude d’affaires : médias, télévision (100 % de Chilevision), compagnie aérienne, réseau pharmaceutique, sociétés agricoles, immobilières, minières, club de football, etc.

 

Sans oublier le secteur financier, puisqu’il fut actionnaire majoritaire, entre autres, de Bancard, puis de Fincard, introduisant les cartes bancaires au Chili, allant jusqu’à détenir près de 90 % de ce marché… Pour en revendre le contrôle, avec de confortables plus-values, à des groupes étrangers soucieux de trouver des parts de marchés déjà rentables.

 

Pas étonnant que le Chili, avec un tel vandalisme de caste, figure parmi les pays les plus inégalitaires du monde en matière de revenus (coefficient Gini).

 

Malgré son réseau et ses protections, Sebastián Piñera n’a jamais cessé d’être impliqué ou inquiété sur le plan judiciaire, dans plusieurs affaires douteuses.

 

La plus connue est la faillite frauduleuse d’une Banque (Banco de Talca), dont il était le dirigeant. Les liquidateurs judiciaires découvrirent un montant supérieur à 200 millions de dollars (après actualisation, ce serait au minimum le triple aujourd’hui) de créances non recouvrables.

 

Sommes accordées à des sociétés fantômes, sans aucune existence légale et, bien sûr, sans aucune garantie. Opérations saupoudrées sur 150 entreprises fictives, destinées, par un simple jeu d’écritures, à racheter les actions de la banque par ses propres dirigeants.

 

Un mandat d’arrêt, à son encontre, avait été lancé le 28 août 1982. La Cour Suprême souhaitant protéger un des membres éminents de la nomenklatura a, non seulement, annulé le mandat, mais encore, l’a “blanchi”.

 

Dans une déclaration récente, la ministre de la Justice de l'époque, Mónica Madariaga, a reconnu être intervenue pour faire pression sur la Cour Suprême, à la demande du propre frère de l’accusé, José Piñera. Qui était alors son collègue, ministre du Travail (6), dans le gouvernement dictatorial de Pinochet.

 

C’était en juillet 2009… Pourquoi parler près de 30 ans après les faits ?... Culpabilité, remord ?... Frustration, rancune, pour n’avoir pas été récompensée à la juste mesure du geste et du risque ?... Les abysses des combinaisons politico-juridiques, de leur règlement, de leur dénouement, sont insondables…

 

Même après la dictature de Pinochet, la cascade d’affaires poursuit son débit. Notamment, en juillet 2007, dans un “délit d’initié” de grande envergure. Pour avoir eu accès à des informations privilégiées lui permettant de prendre le contrôle de la compagnie aérienne du pays, LAN, à la suite d’une opération boursière à des conditions avantageuses.


Plus récemment, en mars 2009, on le retrouve impliqué dans un scandale “d'entente illicite” entre chaînes de pharmacie chiliennes, en tant qu’actionnaire de Farmacias Ahumada (FASA), la plus grande chaine de pharmacies du pays.

 

En résumé, Sebastián Piñera aura utilisé toute la palette des astuces, spéculations et magouilles financières possibles et imaginables. Les tartufes appellent cela : "ingénierie financière"…

 

N’accablons pas l’homme…

 

Il n’est que la personnification d’un système.

 

Michael Moore le rappelle dans son dernier film : “Capitalism is evil … you have to eliminate it”. Il sortira le 26 février prochain, avec un titre posant parfaitement l’ambigüité ou l’ambivalence de cette quadrature du cercle : Capitalism : A Love Story. (7)

 

Libéralisme ?... Capitalisme ?... Capitalisme “sauvage” ?...

 

Ou, tout simplement, cette forme modernisée du plus vieux régime politique de l’humanité qu’est La Ploutocratie, avec pour fondement : La Loi du Plus Fort ?…

 

Ploutocratie qui s’affirme et s’assume, dans ses médias, en « droite décomplexée »…

 

L’affairisme au pouvoir…

 

Finalement…

 

N’aurait-il pas raison Tchouang Tseu, ou Zhouang Zhi suivant les transcriptions du chinois en français, ce grand Maître du Tao ?... Quatre siècles avant notre ère… (8) :

« L’on ne sait ce que l’on doit le plus admirer : la ruse des dirigeants ou l’idiotie des gouvernés !

Les peuples vénèrent les canailles qui les plument.

Ils y voient, peut-être pas tout à fait à tort, une garantie d’efficacité dans un monde qui ne jure plus que par le profit. »

 

 


 


 

 

(1)  Edgar Morin, Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur, Seuil, 2000, p. 108.

(2)  Suffrages “exprimés” : 51,61% contre 48,38%.

(3)  Ernesto Carmona, Que s’est-il passé au Chili ?, 18 janvier 2010, http://www.elcorreo.eu.org/article.php3?id_article=4624

(4)  Sebastian Piñera, homme d'affaires d'une droite décomplexée, Le Point, 18 janvier 2010, http://www.lepoint.fr/actualites-monde/2010-01-18/portrait-pinera-homme-d-affaires-d-une-droite-decomplexee/924/0/414544

(5)  Ana Verónica Peňa, La historia no contada de los orígenes de la fortuna de Sebastián Piñera - Inversionista en fuga (L’histoire non racontée des origines de la fortune de Sebastián Piñera – Investisseur en fuite), La Nación Domingo, 19 avril 2009, 

http://www.lnd.cl/prontus_noticias_v2/site/artic/20090418/pags/20090418205903.html

(6) Ministra de Pinochet logró libertad de Piñera en los ’80, La Nación, 24 juillet 2009, http://www.lanacion.cl/prontus_noticias_v2/site/artic/20090724/pags/20090724011437.html

(7)  Cf. article de Chris McGreal, sur le film de Michael Moore Capitalism : A Love Story, dans le Guardian du 30 janvier 2010 : 'Capitalism is evil … you have to eliminate it', http://www.guardian.co.uk/theguardian/2010/jan/30/michael-moore-capitalism-a-love-story

(8)  Cité par Jean Lévi, Tchouang Tseu – Maître du Tao, Pygmalion, 2006, p. 106.

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
3 juillet 2009 5 03 /07 /juillet /2009 17:18

 

 

« Le jour n’est pas loin où trois bannières étoilées marqueront notre territoire depuis trois points équidistants : l’un au pôle Nord, l’autre au canal de Panama et le troisième au pôle Sud.

Tout l’hémisphère nous appartiendra alors de fait, comme il nous appartient moralement aujourd’hui, du fait de la supériorité de notre race… ».

William Howard Taft

27° Président des USA - (1909-1913)

 

 

Ils n’ont rien vu, rien entendu, rien dit…

 

Les trois petits singes ?...

 

Non. La “Communauté Internationale”, ce travestissement de l’Empire et de ses vassaux, avec ses trompettes : les “grands médias”.

 

Il est vrai qu’en juin 2009, les fanfares médiatiques se sont époumonées, à s’en faire éclater les tympans, lors de la tentative de putsch organisée pour renverser le président réélu en Iran. Atteignant leur paroxysme avec la montée au ciel de l’angélique Michael “Bambi” Jackson…

 

Pas de place pour ce “détail” : des massacres de civils au Pérou. “L’actualité” dicte, chez ces “grands professionnels” et ces Belles Ames, ses priorités, parait-il…

 

Pourtant, en ce 21° siècle, le Pérou, encore une fois, vient d’endurer massacres et tueries (1). Des protestataires contre la spoliation, la misère, le mépris, les accablant, tués par les forces de sécurité de la dictature d’Alan Garcia (2).

 

Chiffre occulté des victimes de ces dernières semaines : une quarantaine au minimum, bilan officiel. Plus certainement, une centaine. Des observateurs évoquent plusieurs centaines (3). Les forces de police ayant pour habitude de faire disparaître les corps, en les jetant dans les nombreux rapides et rivières dans cette région amazonienne du pays.

 

 

 

Révolte des esclaves

 

Régime encadré par une oligarchie, aussi richissime que corrompue, au service de l’Empire. Camouflé en “Démocratie”, aux élections systématiquement truquées. Au “Libéralisme Economique” servant de paravent à un des pillages les plus effrénés des pays occidentaux. Pour toutes ces raisons, soutenu par la Communauté Internationale

 

Car, le Pérou est un des pays les plus riches du monde, dans le foisonnement de ses ressources minières et énergétiques, avec des populations parmi les plus pauvres. “Clochards assis sur un banc en or”, comme les Péruviens se décrivent eux-mêmes, dans l’autodérision du désespoir…

 

Il y a deux ans dans ce même blog, pratiquement jour pour jour, j’attirais l’attention sur l’effroyable répression écrasant les Péruviens, dans un billet (4) intitulé, Pérou : Jungle et Sable

 

Tout le mois de juillet 2007, ce n’était que blocage des routes, grèves, manifestations, dans toutes les provinces du pays, exaspérées par l’injustice économique et sociale. Sur fond d’assassinats, d’enlèvements, de disparitions de “leaders” syndicaux ou, tout simplement, de “citoyens”. Par des “escadrons de la mort”, formés depuis des décennies, à ce genre de pratiques dans les écoles des services spéciaux occidentaux.

 

Révolte contre un régime, une caste, détestés.

 

Une minorité blanche qui jouit de tous les privilèges, rentes de situation et richesses du pays. Descendante des colons espagnols, mais aussi d’autres pays européens. Perpétuant un système colonial inchangé depuis l’arrivée des conquistadors, au 15° siècle, sur le continent américain.

 

Caste méprisant les métis. Et, encore plus, les amérindiens des Andes ou d’Amazonie constituant la majorité de la population. Schéma de comportement raciste similaire à celui de beaucoup de pays d’Amérique latine. Remarquez-le dans les médias : on ne les appelle pas Péruviens, Boliviens, Equatoriens, ou autres, mais “indiens”. Comme s’il s’agissait d’une sous-catégorie d’hommes ne méritant, à l’exemple de leurs homologues d’Amérique du nord, que l’oubli et le confinement dans des “réserves”…

 

Caste exécutant servilement les décisions d’une métropole européenne, espagnole dans un premier temps. A présent, depuis l’indépendance de principe obtenue au 19° siècle, au profit des multinationales et autres variations de la prédation du “capitalisme sauvage” occidental, sous les différents habillages du “Libéralisme Economique”. Le dernier ayant  pour cache-misère l’appellation de “mondialisation”. Ou, de “globalisation” en anglais, avec un “z” en anglais des USA (5).

 

Le pays s’était soulevé en 1980, sombrant dans une guerre civile d’une vingtaine d’années. Mais la caste au pouvoir, forte de l’appui sans limite des USA, refusant une remise en cause des privilège et pillages, s’est uniquement préoccupée de diaboliser le principal mouvement de révolte : Le Sentier Lumineux. Présenté, par les spécialistes de la “guerre psychologique” et de la désinformation, à longueur de communiqués, documentaires et mises en scène, en organisation “sanguinaire”. Et, comble de l’horreur : maoïste !...

 

Justifiant une répression “industrielle”. Des dizaines de milliers de victimes, dans des conditions atroces. Tous les cadres, notamment les instituteurs dans les campagnes, susceptibles de pouvoir encadrer la révolte, méthodiquement assassinés. La terreur sauvage instaurée dans les villages et communautés.

 

Répression dont les historiens auront un jour, d’ici une génération ou deux probablement, la liberté d’écrire une version différente de celle imposée par l’idéologie impériale actuelle. Se posera inévitablement l’accès à des archives introuvables, car détruites au préalable par les services spéciaux occidentaux, suivant la pratique connue. (6)

 

Révoltes d’esclaves, abandonnés à la misère, la malnutrition, sans système d’éducation, de santé. Ne parlons pas de “services publics”… Esclaves qui malgré massacres, atrocités et terreurs continuent à se révolter.

 

Les violents affrontements du mois de juin 2009, entre les Péruviens d’Amazonie et les milices, ou commandos de tueurs, du dictateur Alan Garcia, sont l’aboutissement d’un conflit qui dure depuis le mois de janvier dernier. Leur refus des lois votées par les “parlementaires” soucieux de ratifier le Traité de Libre Echange (bilateral agreement) dicté par les USA au Pérou, le 8 décembre 2005.

 

L’Amazonie péruvienne, dans le cadre de ce traité colonial, a été divisée, répartie, en concessions de prospection et d’exploitation, énergétique et minière, sans consulter la population propriétaire de ces terres collectives. Pratique d’expulsion des terres en usage au 19° siècle à l’encontre des Sioux, Apaches et autres peuples d’Amérique du nord. Ou en Kanaky et ailleurs, par la France. Pour nous limiter à quelques exemples. Quand on détient la force, pourquoi se gêner ?…

 

Schéma classique qu’ont eu à subir, et subissent encore, les amérindiens en Bolivie, Equateur, Colombie, et dans d’autres pays latino-américains. Inti, un des responsables des communautés péruviennes Aguarunas concernées, rappelle que depuis 25 ans elles réclament les titres officiels de leur propriété. A ce jour, seuls 2 km (oui : deux !) ont été enregistrés…

 

La conséquence immédiate de ce vote était la confiscation des terres amazoniennes appartenant à ces populations au profit des compagnies pétrolières et gazières internationales, malgré étiquettes et appellations “latinisées”, via des cascades de filiales. D’où l’explosion de colère, née du désespoir face à l’injustice du vol de leurs terres ancestrales, à 1000 km au nord-est de Lima, à Bagua.

 

Preuve, une fois de plus, que le droit de propriété est “sacré” dans le Libéralisme Economique. Mais, pas pour ceux considérés comme des sous-hommes. Eux, n’ont droit qu’à la spoliation.

 

Voyant que la répression et la diabolisation du mouvement de protestation, loin de terroriser, provoquaient un durcissement des revendications, le pouvoir a pris peur. Le Congrès a annulé deux des lois d’application du traité de libre-échange, par 82 voix contre 12, après un débat de 5 heures. Cinq heures de débat pour statuer sur une spoliation…

 

Décision fêtée comme une victoire par les protestataires (7). Les plus lucides, toutefois, savent que c’est “reculer pour mieux sauter”. Les groupes multinationaux, notamment du pétrole et du gaz, des exploitations minières, des bois exotiques, vont revenir à la charge. Pour ces prédateurs, il ne s’agit que d’un repli tactique avant d’imposer leurs intérêts sur les fabuleuses terres amazoniennes. Par tous les moyens. Ils en ont vu d’autres et en ont dompté d’autres…

 

 

Aliénation des notables

 

A la souffrance de la spoliation et de l’humiliation permanentes, vécue dans la violence, le peuple péruvien en endure deux autres, communes à bien des nations : la confiscation de sa parole et la négation de son identité, par la caste au pouvoir. Ne diffusant à l’extérieur du pays que la représentation voulue par ses maîtres occidentaux, dont elle n’est que le “fondé de pouvoir”, dans ce qu’ils considèrent comme une colonie.

 

Ainsi écrivains, artistes et intellectuels, membres de cette caste, n’auront accès à la promotion du monde médiatique occidental qu’après avoir prouvé leur allégeance à l’idéologie, la rhétorique, avec ses silences, imposées par l’Empire.

 

L’écrivain Mario Vargas Llosa, à la double nationalité péruvienne et espagnole, est le parfait représentant de cette caste de privilégiés s’identifiant à l’Occident. N’hésitant pas à exprimer son sentiment de supériorité raciste à l’égard de “l’Autre”, jusqu’à y inclure sa propre nation et son peuple, considérés comme “arriérés”.

 

Il s’est même rêvé un destin de président. Se portant candidat à une élection, dans une campagne électorale où il se révéla incapable de parler et de comprendre les principales langues de son pays. Encore moins, ses problèmes, ses urgences, ses priorités. S’y ridiculisant.

 

En 2005, une des plus fanatiques organisations de l’extrême-droite US, l'American Enterprise Institute, connue pour son acharnement obsessionnel dans la propagation de l’idéologie du “choc des civilisations”, lui a décerné l’Irving Kristol Award. Le discours qu’il prononça lors de la remise de son prix est un modèle du genre : Confessions of a liberal. L’exaltation arrogante de La Loi du Plus Fort

 

Il fut de toutes les campagnes de propagande justifiant la destruction de l’Irak, de l’Afghanistan, du Pakistan, les bombardements aveugles au Liban ou sur Gaza. Multipliant dans des chroniques, entretiens journalistiques, radiophoniques, télévisuels, les déclarations méprisantes ou diffamatoires sur Cuba, le Venezuela, la Bolivie.

 

Systématiquement, contre toutes les tentatives de rénovation des systèmes politiques à la recherche, en Amérique latine et sur d’autres continents, d’une meilleure répartition des richesses nationales ou d’une diminution de l’injustice sociale. N’hésitant pas à en rajouter, à chaque occasion, dans le délire “néoconservateur”. A 73 ans, on le découvre chantant les louanges de Berlusconi… (8)

 

Forcément, l’Empire et ses vassaux adorent ces écrivains, artistes et intellectuels. Ils nourrissent, à peu de frais, sa propagande. Aux antipodes de ceux engagés dans la défense de la dignité humaine, de la justice, tels Oswaldo Guayasamin, Ngugi wa Thiong’o, Mahmoud Darwich ou Harold Pinter.

 

Leurs prosternations permanentes devant “les vertus” de l’Occident, dans la condescendance, si ce n’est le mépris, à l’égard des peuples, religions, croyances ou cultures, de leur nation d’origine, provoquent l’extase de nos cercles littéraires, “culturels” et académiques, animés par les Précieuses Ridicules de service.

 

La trahison, l’abjection des clercs. Voie royale, impériale, pour se voir encensé et couvert d’honneurs. (9)

 

Jusqu’au pathétique.

 

Vargas Llosa, entre autres colifichets et breloques honorifiques, est titulaire de 40 doctorats Honoris Causa, décernés par des universités complaisantes ou complices…

 

La nouvelle génération de cette caste ?... Plus habile, dans le marketing de ses privilèges et le positionnement de son image.

 

Un exemple : la nièce de Vargas Llosa, Claudia Llosa, vient d’obtenir à 33 ans l’Ours d’Or du meilleur film au festival de Berlin pour son second long métrage : “Fausta – La teta asustada”. Hissé, dans le dithyrambe des critiques cinématographiques, cornaqués par les spécialistes en “communication” véhiculant le “dossier de presse”, au rang de chef-d’œuvre du cinéma péruvien et latino-américain !…

 

Film, exploitant le fond de commerce du malheur des autres peuples en vogue en Occident, pour montrer une nation, et sa langue quechua, vivant dans la misère matérielle et psychologique. Mettant en scène une jeune fille traumatisée par le décès de sa mère, violée, comme beaucoup “d’indiennes” lors de la guerre civile. Vivant dans un quartier pauvre, femme de ménage chez de riches bourgeois, raffinés, concertistes.

 

“… Autant dire qu’on navigue ici, à la fois médusés et éblouis, en pleine monstruosité latino-américaine”, nous dit le dossier de presse en rabatteur de cabaret.

 

Evidemment, dans ce genre de film, n’est jamais expliqué, évoqué, le pourquoi de cette “monstruosité”. Occultant, avec soin, les causes de la souffrance des peuples latino-américains, depuis des siècles. Six siècles.

 

Astucieusement, cyniquement, on l’exhibera au contraire, comme dans les attractions foraines de nos ancêtres, femmes à barbe ou à deux têtes. Bâtissant fortune et renommée, sur l’exploitation du filon inépuisable du misérabilisme. Laissant entendre que c’est la faute aux pauvres s’ils sont misérables. Ils sont arriérés, incapables d’évoluer, car pétris de croyances et de superstitions. Comprenez-vous ?... Immergés dans le culte de la violence, de la mort. Réfractaires aux Lumières de l’Occident.

 

Ne délivrant sur le “marché” de l’Occident qu’une vision formatée, rassurante, sur les bienfaits de sa civilisation et la nécessité de les imposer. Au besoin par la force, la sauvagerie. Dans le carnage, la torture et l’humiliation. Vision réductrice, de peuples et de leurs cultures, par une caste justifiant ses préjugés, consolidant ainsi sa prédation, sa violence et celles de ses suzerains.

 

On ne parlera donc pas du Pérou, dans les médias. Pas “d’envoyé spécial”. La Communauté Internationale ne se mobilisera pas pour condamner truquages électoraux, corruption, atrocités de ses dirigeants. Pas de campagnes hystériques sur les droits de l’homme, la dignité de l’être humain, l’égalité de l’homme et de la femme, la fiabilité des élections, la liberté d’expression.

 

Non. Jamais.

 

Tout au plus, sera-t-il permis un apitoiement mondain et fataliste sur le malheur de son peuple. A l’occasion d’un film, un roman ou les propos des représentants de la caste au pouvoir. Qui, évidemment, n’en sont pas responsables, ni coupables.

 

Le Pérou n’est pas l’Iran.

 

Sa caste au pouvoir, n’est pas seulement “occidentalisée”. Mieux encore, l’idéal, le must : elle est considérée comme “blanche et occidentale”, à l’identique d’une Ingrid Betancourt. Donc, par définition : irréprochable.

 

Aux ordres de l’Occident, engraissée par sa collaboration, de génération en génération, sans aucune velléité de contester le pillage, la soumission, la négation de son pays, de son peuple et de sa culture…

 

Qui, en fait, lui sont totalement étrangers.

 

Reproduisant le modèle de ces notables romains, possédant d’immenses domaines dans les colonies de l’Empire édifié par Auguste. Leur vie était à Rome, même si leurs faramineux revenus et privilèges provenaient de ces contrées et terres mises en valeur par le travail des esclaves.

 

L’ordre règne au Pérou, sous l’implacable esclavage “Libéral”, dans le silence complice de la Communauté Internationale.

 

Silence Solidaire, tant apprécié de l’Empire…

 

 

 

 

 

 

 

 

(1)  Bain de sang au Pérou : “Survival” demande le retrait des compagnies pétrolières, communiqué de presse de “Survival International”, 8 juin 2009.

(2)  Carlsen, Laura, Victory in the Amazon – Defeating the US-Peru Trade Pact, Counterpunch, 22 juin 2009, http://www.counterpunch.org/carlsen06222009.html

(3)  “… des centaines de personnes ont disparu et, d’après les informations commençant à circuler, la police aurait jeté les corps des manifestants tués dans les rivières afin de dissimuler le nombre des victimes…”,
“… hundreds remain missing and reports that the police threw the bodies of the protestors in the river to hide the real death toll have begun to circulate…”,
Carlsen, Laura, Op. Cit.

(4)  Pérou : Jungle et Sable…, 3 août 2007.

(5)  Lire, et relire, l’ouvrage fondamental de Joseph Stiglitz (Prix Nobel d’Economie 2001 et ancien directeur des études économiques à la Banque Mondiale) : Globalization and its discontents, Penguin Books 2002.

(6)  J’ai évoqué, à titre d’exemple, le difficile travail des historiens, du fait de la destruction des archives, sur les atrocités britanniques au Kenya lors de la répression de la révolte Mau-Mau, dans un texte sur Ngugi wa Thiong’o

(7)  Peru Indians hail ‘historic’ day - Indigenous groups in Peru have called off protests after two land laws which led to deadly fighting were revoked, 19 juin 2009, http://news.bbc.co.uk/2/hi/8109021.stm

(8)  Victor de Sepausy, AFP, 21 mars 2009, http://www.actualitte.com/actualite/9015-Mario-Vargas-Llosa-Berlusconi-eloge.htm

(9)  Cf. les textes :

=>  Prix Littéraire et Littérature Coloniale…

=>  Tahar Ben Jelloun et les Talibans : Tartarin et les Lions…

 

 

 

 

Photo : Péruviens de la région de Yurimaguas (nord-est du Pérou) bloquant une route lors d’une manifestation le 9 juin 2009, AP/Karel Navarro.

 

 

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
5 juillet 2008 6 05 /07 /juillet /2008 00:31


Rassuré !...


Sincèrement, je l'étais.


A la voir toute fraîche, pimpante, bondissante d'une passerelle d'avion militaire à un jet ministériel, d'un 4 x 4 officiel à une limousine gouvernementale. Répondre aux interviews, en treillis, en tee-shirt, en tailleur, cheveux tirés, cheveux lâchés, boucles d'oreilles. J'oubliais : le chouchou fleuri blanc, contraste parfait sur de splendides cheveux noirs !...


Ma photo préférée : toute mignonne, avec sa natte, sous son joli chapeau de brousse. Il lui allait à ravir. Elle qu'on disait, il y a peu, mourante et perdant ses cheveux...


Ingrid Betancourt : libérée ! Alléluia !


Otage pendant six ans c'était, en effet, inadmissible.


Ce n'est pas parce qu'elle était membre de l'aristocratie colombienne et de la grande bourgeoisie internationale, avec sa double nationalité, qu'elle méritait pareil traitement. Encore moins en raison de son statut d'élue au parlement de son pays, la Colombie, candidate à l'élection présidentielle, lors de son enlèvement, sous des couleurs "écolos".  



Moment de satisfaction passé, soudain, ce fut l'orage tropical, le déferlement, l'inondation. Impossible de l'endiguer, de s'abriter, de se réfugier. D'un média à l'autre, radio, TV, presse : de véritables torrents. Programme interrompus, émissions fleuves, cahiers spéciaux : l'hystérie médiatique dans ses débordements. Même habitué aux crises récurrentes de prurit de cette confrérie, on est à chaque fois surpris : jusqu'où vont-ils aller se demande-t-on ?...


Même ma grand-mère, entourée de ses images pieuses et de ses romans à l'eau de rose, n'en pouvait plus. Elle qui n'avait pas touché une raquette de tennis depuis plus d'un demi siècle, elle en était réduite à regarder Vénus Williams terrassant ses rivales à Wimbledon !... Il lui était devenu impossible d'ingurgiter cette « choucroute ». C'est ainsi qu'elle appelle cette « info » déversée à la louche. A la louche ? Non. Par camions-bennes ! En veux-tu, en voilà ...


Tel un vol de sauterelles, en France, tous les politiques, même les plus fossilisés, mammouths, dinosaures, brontosaures, se bousculant au premier micro pour chanter la béatification de l'héroïne du jour. Même le pape a pondu son homélie. La canonisation d'une femme en sainte icône, de son vivant, est en marche. On n'arrête pas le progrès.


Bon, la classe politique française tient à montrer, sans doute, que la France, sous sa conduite éclairée, est une merveilleuse terre d'accueil pour les immigrés... A partir du moment où ils ont leurs papiers en règle... Ingrid Betancourt est française, par naturalisation, du fait de son premier mariage avec un français. Donc, rien à dire : elle a droit au tapis rouge...


J'attendais quelques bribes d'analyse sur ce qui se passait en Colombie. On sait qu'une guerre civile s'éternise depuis plusieurs décennies. Tous ces clichés sur ces affreux marxistes, trafiquants de drogue, enleveurs d'honnêtes citoyens, paraissent un peu légers. Nous resservir à nouveau le plat de la "civilisation" contre la "barbarie", légèrement indigeste à la longue.


Malgré le silence des médias, on connaît un peu la musique...


Schéma classique en Amérique latine, la Colombie (1) est le pays de la corruption extrême où la caste descendante des colons dite "blanche" (20% de la population) maintient, pour conserver ses immenses privilèges, le reste du pays dans la misère, l'analphabétisme et le racisme. Cette situation provoque la révolte (2), avec tous ses excès, des exploités dont les 60% de métis qui composent la majorité de la population. Les paysans sans terre représentent ainsi l'armature des opposants.


Dans ses grandes envolées lyriques sur l'amour de l'humanité, aucun mot, aucun regard, aucune pensée, aucune allusion, d'Ingrid Betancourt, pour ces damnés de la terre...


Bizarre.


Comme le faisait remarquer un latino-américain, philosophe, le « cirque » Ingrid Betancourt n'est que la célébration des retrouvailles d'une des leurs au sein de la nomenklatura. Cette caste "blanche", mondialisée, imbue de sa croyance dans la race supérieure, modèle de civilisation, autant que de ses privilèges, aveugle à l'injustice du monde qu'elle impose et à sa remise en cause qu'elle provoque... Hors de sa race, point de salut.


Il n'y a qu'à comparer l'attitude très récente des médias occidentaux...


Les mêmes ont passé sous silence, au mois de mai, la sortie du centre de torture de  Guantanamo de Sami Al Hajj, le cameraman d'Al Jazeera, après six ans et demi. Enlevé par les services secrets américains au Pakistan. Sans avoir été jugé, ni inculpé. Rien n'a pu lui être reproché. Simplement, il se trouvait au Pakistan pour faire son travail. De torture en torture, de retour dans son pays le Soudan, il éprouvait les plus grandes peines à marcher et à parler. Sa libération n'a pas été fêtée en Occident.


Au mois d'avril, c'était Bilal Hussein qui sortait de deux ans de détention. Après avoir été enlevé par l'armée américaine en Irak et gardé dans une prison privée, sans jugement, ni inculpation. Il faisait son travail de photographe pour l'agence internationale AP. Là encore grand silence des médias occidentaux.


Tout comme le peuple de Palestine détenu en otage, avec une quarantaine de résolutions de l'ONU non appliquées à ce jour.


Dans le camp de concentration de Gaza, plus d'un million et demi de Palestiniens survivent dans des conditions innommables. Là, les gardiens ne se limitent pas à vous empêcher de prendre une douche, ils dynamitent les puits, rasent au bulldozer toute culture, tout élevage. Et, n'hésitent pas à tuer. Même les enfants. Plus de 200 enfants ont été tué à Gaza, depuis le début de l'année.


Les Palestiniens sont otages d'une situation qui dure depuis 60 ans.


Entre 6 ans et 60 ans... Peut être est-ce l'application, par les médias, d'une date de péremption dans les horreurs, à l'exemple des fromages ou des steaks hachés ?... Au-delà d'une certaine durée, cela n'intéresse pas les médias.


Et puis, il faut de la tragédie "people", pas de la tragédie sanguinolente.


"Indécence", certains disent.


Mot trop aimable, trop charitable, pour qualifier cet histrionisme, ce délire collectif.


Oui ...


Le « cirque » Ingrid Betancourt : ras le bol !




 

 


(1) Deux fois la France en superficie, avec 45 millions d'habitants.

(2) Lemoine, Maurice, Un Chef des FARC Parle, Le Monde Diplomatique, août 2007, http://www.monde-diplomatique.fr/2007/08/LEMOINE/14999

 

 

Partager cet article
Repost0
25 juin 2008 3 25 /06 /juin /2008 23:03


« Je m’appelle Rayfran das Neves Sales. Je suis connu dans la région d’Anapu, dans l’Etat de Pará (1), pour être quelqu’un de sérieux. Mon travail est toujours bien fait. Mes parents m’ont appris au moins ça : la volonté de bien faire. C’est vrai : mes parents n’avaient pas de moyens mais ils m’ont bien élevé, ils m’ont appris à tenir mes engagements. Je n’ai pas poursuivi de longues études, mais je suis respecté.

 

Des études… Pour faire quoi ?… Les meilleurs élèves de ma classe, soit ils crèvent de faim, soit ils se prostituent : garçons ou filles. Et, ils meurent jeunes. Dans cette région, il n’y a pas de travail. C’est loin de Belém. Quand il y en a, c’est du travail de forçat, payé trois fois rien. Mon rêve : je voulais travailler dans une usine d’automobiles. J’aime les voitures et la vitesse. Dedans, on oublie tout. La radio à fond…

 

Mes parents sont morts jeunes. Dans la misère. Je ne voulais pas finir comme eux. Ici, il y a les paysans sans terres, descendants des indiens, plus ou moins métissés. Et, puis il y a les éleveurs, les grands propriétaires et les forestiers, qui font du “business” avec de grandes compagnies étrangères. Pour “l’exportation”, comme on dit. Ce sont les rois de la région.

 

Alors, je travaille pour eux. Dans cette vie, il faut être avec les plus forts. Mais, je ne voulais pas travailler toute la journée à cheval pour garder des troupeaux, dans la poussière, sous le soleil ou sous la pluie, ou dans les forêts pour couper des arbres. Sans savoir si demain mon travail serait payé ou continuerait. Et puis, je voulais un travail où je reste propre toute la journée. J’aime les vêtements propres. Comme ma mère qui lavait ma chemise tous les jours, pour qu’elle soit propre le lendemain.

 

Sûr, qu’elle ne serait pas contente de mon travail. Elle était tous les soirs à l’église pour prier, pour que le Ciel nous aide et nous garde sur le bon chemin. Moi, mes frères et sœurs. Mais, il faut choisir dans la vie : être fort ou être rien.

 

J’ai choisi d’être fort. J’aime les armes. Je me sens encore plus fort quand je les ai sur moi. Je tire vite et bien. Comme dans les westerns qu’on voit à la TV. Les yeux fermés !


Alors, je suis devenu tueur à gages. Ici on dit : pistoleiro. Je suis craint. Le meilleur. J’ai de gros clients. Ils sont éleveurs ou forestiers. Des propriétaires pleins aux as. Puisqu’il n’y a qu’eux qui peuvent payer.  Les seuls à avoir de l’argent, beaucoup d’argent. Ils payent bien.

 

 


 

Je n’ai peur de rien. Je suis comme un chirurgien. Si je dois enlever un bras, une jambe, ou un oeil : je les enlève. Les cibles qu’on me désigne, ce sont des paysans sans terre, des indiens, des singes, et ceux qui les défendent. Mes patrons m’ont expliqué qu’ils sont la maladie du Brésil. Il faudrait tous les tuer. Ils bloquent le développement et la richesse du pays. Il faudrait faire comme les  gringos ont fait, en Amérique du nord, avec les peaux rouges : les tuer ou les enfermer dans des réserves, qu’on ne les voit plus, qu’on ne les entende plus.

 

Des singes qui savent parler, c’est tout. Et, qui ne comprennent rien. “Mondialisation”, “globalisation”, “libre concurrence”, ce sont des mots inconnus pour eux. Bon, je le reconnais, moi aussi, je ne sais pas trop ce que ça veut dire… Mais, si les plus forts disent que c’est bon pour le pays, et les pauvres qui manifestent, mauvais… Je suis avec les plus forts.

 

Alors, on part en expédition pour brûler des villages ou tuer ceux qui s’opposent à mes clients ou patrons. On brûle, on viole, on chasse les fuyards. On s’amuse, en travaillant. Je n’ai pas d’état d’âme quand je les tue, je les regarde dans les yeux. Toujours en face. Ce ne sont pas des hommes ou des femmes que je tue, même pas des singes. Je tue la misère. Je tue ce que je me refuse de devenir : faible, méprisé et pauvre.

 

Je suis un peu artiste. Je signe mes contrats. Comme un peintre, son tableau. Jamais la tête, pour que les proches du mort le reconnaisse. Toujours 6 balles. Jamais moins. Jamais plus. C’est mon chiffre fétiche : 6. J’adore jouer aux dés. Entre mes différents contrats, missions, je joue aux dés. Ça me détend. Probablement, que ça me vient de là.

 

La seule erreur que j’ai commise, c’est d’avoir accepté un contrat qui ne me plaisait pas. Je ne voulais pas : tuer une blanche de 74 ans. Une religieuse. Je n’avais jamais fait ça. Ma mère m’aurait giflé. Je n’arrêtais pas d’y penser à ma mère. Mais, je ne pouvais pas refuser à un de mes principaux clients.

 

 


 

Alors pour une fois, j’allais tuer dans le dos. Pour ne pas voir son visage. C’est plus simple. Mais, je sentais que ce n’était pas bon, tout ça. Le patron et ses associés insistaient, des éleveurs, cette nonne blanche vivait avec les pauvres depuis près de trente ans, toujours à les défendre, à manifester pour leurs droits, à empêcher les grosses compagnies d’exploiter la forêt et de pratiquer l’élevage (2). A dire que la terre leur appartenait. La terre appartenir aux pauvres !... Elle n’avait pas compris que la terre appartient aux plus forts. Pas à ceux qui ont un bout de papier dans la main…

 

Comme un virus, une maladie cette nonne (3). Dorothy Stang, qu’elle s’appelait. Elle avait la double nationalité : américaine et brésilienne. On l’avait prévenue, menacée. Rien n’y faisait. Il fallait l’éliminer. Sinon, la région allait devenir incontrôlable. “L’anarchie”, disaient mes patrons… Ils m’ont expliqué que c’était le règne de la pagaille. Pas bon, pour le pays.

 

Mais, je ne le sentais pas, ce coup. Alors, ils ont payé gros : 50.000 réals, près de 25.000 dollars. C’est une grosse somme dans la région.

 

Ma réputation était en jeu. Alors, je l’ai tuée. Mais, je m’y suis pris à deux fois. La veille, je devais la tuer dans son sommeil. Elle dormait chez un fermier qu’on avait acheté et menacé. Il devait nous ouvrir la porte. Mais, la nuit, je n’ai pas arrêté de penser à ma mère. La seule fois de ma vie où j’ai hésité. Je n’ai pas pu. De jour, ce serait plus facile. Le fantôme de ma mère dormirait.

 

Elle était seule, sur le petit chemin. Près d’Anapu. Elle allait animer une réunion avec des villageois. On avait tous les renseignements. Clodoaldo Carlos Batista, m’accompagnait en couverture. Toujours protéger ses arrières. Au cas où… On est un “professionnel” ou pas.

 

Elle ne m’a pas vu, contrairement à ce que racontent certains. Caché derrière un arbre, elle est passée devant moi, et j’ai tiré dans le dos. J’ai visé sous l’épaule gauche, le cœur, 6 balles comme d’habitude. Elle n’a pas souffert. Je ne voulais pas qu’elle souffre. C’était le 12 février 2005.

 

Mais mon client n’avait pas prévu tout le bruit que ça a fait, avec plein de télévisions étrangères : même CNN ! Les cravatés de Brasilia et Lula ont été embêtés (4). On m’a arrêté, avec Clodoaldo. J’ai reconnu que c’était moi qui avais tiré. Ils avaient envoyé des flics de Brasilia. Des fédéraux. Avec deux mille hommes des troupes spéciales. Le grand cirque. Ceux du coin, on les connaît tous. On les fournit en filles et en alcool. Ceux-là, ils cognaient fort. C’était pas du semblant. Alors, j’ai parlé pour les calmer. Pourquoi s’énerver ?...

 

Tout ça parce qu’il y avait les TV étrangères. Sinon personne n’aurait bougé le petit doigt. Comme d’habitude. Mais, ils n’avaient pas prévu tout ce carnaval. De toute façon, avec ces TV, je suis une star et ma cote a augmenté. Mes clients m'ont juré de me sortir de là.

 

On a été inculpé le 10 décembre 2005 et j’ai été condamné par le tribunal de Belém, le 27 octobre 2007 : 27 ans de prison. Clodoaldo Carlos Batista lui a été acquitté, il n’avait pas tiré. Je lui ai sauvé la mise. Il était avec moi, malgré lui… Dans ces conditions, les juges ont estimé qu’il était innocent. Pas compliqués, les juges. Vitalmiro Batos de Moura, celui qui m’avait payé avait été condamné, en mai 2007, à 30 ans de prison. Mais, on a fait appel.

 

Le 7 mai 2008, on m’a rejugé et j’ai été condamné à 28 ans de prison, sans pouvoir faire appel à nouveau. Vitalmiro Bastos de Moura, lui, a été acquitté. J’ai tout pris sur moi, disant que mes premiers aveux étaient faux. Que j’avais tué la nonne pour des “motifs personnels”. Les juges n’ont pas cherché à savoir quels étaient mes “motifs personnels” pour tirer dans le dos d’une nonne. C’est ce qu’on m’avait dit de dire, pour lui éviter la prison. Il doit continuer son “business”.

 

Deux ou trois ans. Le temps que ça se tasse et je serai dehors. Entre-temps, je vais avoir une belle cellule avec la TV pour moi tout seul et même un téléphone. De bons repas. Tout ce que je veux. Des vidéos. Porno et western, ceux que j’aime. De temps en temps, on m’enverra une fille. Comme des vacances, on m’a dit. Tout s’achète. Sauf le temps. C’est plus difficile…

 

De toute façon, l'élimination des leaders des paysans sans terre continue comme avant. J’ai appris en prison qu’il y en a eu 40 de plus l’année suivante. Plus de mille meurtres sont inexpliqués, dans la région. Aucun des auteurs n’est en prison. Je suis le seul. La police, la justice ?... Des mots. Tout se vend, tout s’achète. 

 

Bon, je me suis fait coincer, on m’a dit que c’était un exemple pour calmer “l’opinion publique internationale”. Je ne sais pas ce que ça veut dire : “opinion publique internationale”. Pour moi, ça doit être des âmes sensibles. D’habitude, elles s’occupent des animaux ou des papillons, si elles se mettent à s’occuper des indiens et des pauvres…

 

Tout va se calmer.

 

Et, je sais que je vais m’en sortir. Les forts resteront toujours forts…

 

Et, je suis avec les forts… »

 

 

 

 

Monologue fictif, où tous les faits sont réels…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(1) Etat de Pará : un des 26 Etats du Brésil dont la capitale est Belém. Au nord du Brésil, donnant sur le bassin amazonien. Représente deux fois et demi la France en superficie.

(2) Lire le rapport téléchargeable : Sister Dorothy Stang – Struggling for Sustainable Development in the Brazilian Amazon, ouvrage collectif sous la direction de Miguel Carter, School of International Service American University, Washington, DC, 2005, 150 p.

(3) Sisters of Notre Dame de Namur – Ohio Province : http://www.sndohio.org/dotstang.htm

(4)  Dorothy Stang était très estimée et son action courageuse reconnue, au Brésil :

=> En juin 2004, elle avait été nommée “Femme de l’Année” par les autorités de l’Etat de Pará pour son travail dans la région amazonienne

=> En décembre 2004, elle avait reçu de l’association Brésilienne des avocats le prix “Humanitaire de l’Année”, en reconnaissance pour son travail en faveur des ouvriers agricoles

=> En 2005, peu de temps avant son assassinat, elle avait reçu la distinction de “Citoyenne d’Honneur de l’Etat de Pará”.

 

 

 

Photos :

+ Beretta 357 à six coups

+ Dorothy Stang

 

 

Partager cet article
Repost0
8 avril 2008 2 08 /04 /avril /2008 18:47

 

 

Haïti. La première terre du continent américain découverte par Christophe Colomb, en 1492. En hommage à l'Espagne, qui avait sponsorisé son expédition, il l'avait baptisée Hispaniola. Les français sont arrivés plus tard. Pour ne pas se marcher sur les pieds, ils se sont répartis l'île. Concluant un deal (1) : deux tiers à l'Espagne, le tiers restant à la France, la partie ouest, sous le nom actuel d'Haïti.

 

Début avril 2008, plusieurs haïtiens ont été tués et blessés, par la police, dans une manifestation (2). Ils protestaient contre la pauvreté. Survivant dans un des pays les plus pauvres du monde. Où la quasi-famine, est omniprésente. Les plus pauvres se nourrissant de galettes de boue. Aucune liberté, aucun droit de l'homme respectés. Dictatures (3), succédant aux régimes corrompus, se suivant et se ressemblant, dans des simulacres d'élections....

 

 

On n'en entend pas parler. Haïti, ne figure pas dans le plan média du Marketing des "Bonnes Causes". Permettant aux "belles âmes", aux politiciens de se donner en spectacle sur les plateaux de TV, ou devant les micros. Entretenant leur fonds de commerce par de splendides envolées sur la liberté et la dignité humaine, que l'on se doit de protéger chez les autres. Enfin, chez certains autres...

 

Près de 9 millions d'habitants, vivant sur 27.000 Km2. Territoire vingt fois plus petit que la France. Environ, 200 milliardaires qui se partagent l'essentiel de la richesse du pays, avec leurs sous-fifres et la complicité de leurs protecteurs étrangers.

 

Concentré de tous les fléaux : pauvreté extrême, espérance de vie de 53 ans, taux d'analphabétisme supérieur à 60 %, chômage des jeunes dépassant les 80 %. Pays le plus pauvre de l'Hémisphère nord, encore plus pauvre que bien des états africains ou asiatiques.

 

Il a connu toutes les horreurs historiques.  Génocide des habitants de l'île qui, en 25 ans, ont été éradiqués, comme des moustiques : Taïnos, Arawaks, Caraïbes... Esclavage : dès le début du XVI° siècle, importation continue d'Afrique, pendant plusieurs siècles.

 

Esclaves, toutefois, qui se sont révoltés au moment de la Révolution française, souhaitant leur indépendance et la fin de leur statut de sous-hommes. Menés par des chefs exceptionnels, avec leurs qualités et leurs défauts, dont Toussaint Louverture (4). On a fêté le 7 avril dernier l'anniversaire de sa mort. Pratiquement, au même moment que les sanglantes manifestations.

 

Les grands propriétaires et trafiquants ne l'ont pas admis. Grâce à l'importation massive d'esclaves et à une déforestation colossale, par la culture du riz, du tabac et de l'indigo, Haïti était devenu un véritable pactole pour quelques richissimes colons.

 

Ils ont réussi à obtenir de Napoléon une expédition impressionnante de 30.000 hommes, sous le commandement de son beau-frère le général Leclerc (5). Avec pour mission, le rétablissement de l'esclavage, qui avait été aboli en 1793. Et, objectif tout aussi primordial, s'emparer des dirigeants indépendantistes.

 

Dans un premier temps ce fut un succès, à la hauteur des moyens engagés. Tous les moyens. Déclaration du 7 octobre 1802, du représentant du pays des Droits de l'Homme, le général Leclerc :

 "Nous devons détruire tous les Nègres des montagnes, hommes et femmes, en n'épargnant que les enfants de moins de douze ans. Nous devons détruire la moitié des Nègres des plaines, et ne pas laisser dans la colonie un seul homme ayant jamais porté l'épaulette. Sans ces mesures la colonie ne sera jamais en paix..." (6)

 

Mais les français, commandés par le général Rochambeau, ont dû se retirer après avoir été battus par le successeur de Toussaint Louverture, Jean-Jacques Dessalines à la bataille de Vertières, le 18 novembre 1803. De plus, Napoléon avait besoin de troupes pour faire face aux coalitions européennes.

 

Comment se peut-il que ce pays soit dans une situation aussi dramatique ?... Après cinq siècles de colonisation  européenne, occidentale devrait-on dire puisque les USA l'ont occupé militairement à deux reprises. Pays qui n'a connu que le libéralisme économique et le christianisme. Autrement dit, d'après les théoriciens du Choc des Civilisations : tout pour réussir...

 

A présent, administré par l'ONU (US $ 400 millions de budget annuel, pour 3000 militaires et policiers de la mission MINUSTAH...), le FMI, la Banque Mondiale. Haïti devrait être une vitrine face à Cuba !...

 

 

 

 

 

 

Car, nous ne sommes qu'à 80 km de Cuba.

 

Et, pourtant, les Haïtiens en arrivent même à envier le sort des Cubains, de leur système d'enseignement, de leur système de santé, malgré l'embargo international imposé par les USA, et la diabolisation de Cuba, depuis des décennies...

 

Et, pourtant, il y a des ressources minières : or, cuivre, bauxite (aluminium), marbre, carbonate de calcium... C'est toujours ma première vérification, quand j'aborde un pays en développement qui, m'assure-t-on, a des "problèmes de développement"... Inévitablement, on trouve le même phénomène que pour des pays africains, latino-américains ou asiatiques : ces richesses ne figurent pas dans les statistiques du commerce extérieur. Pas d'exportation de ces ressources !... Même dans la documentation de la CIA. A l'exportation, ne figurent dans les mentions, que : produits manufacturés, huiles, café et cacao... Mais, où passent donc ces richesses ?...

 

A cette "évaporation informationnelle", correspondent, évidemment, de gros trafics. Accentués par la présence des paradis fiscaux qui pullulent dans les Caraïbes. Comme souvent, ces richesses minières sont exportées au profits de groupes internationaux sans être payées à l'Etat (donc pas d'entrées en devises), mais tout simplement à une oligarchie sur des comptes offshore.

 

On l'occulte, la corruption, lorsqu'on parle d'un pays "pauvre", ou en "développement", a pour support l'oligarchie au pouvoir, c'est un fait. Mais, tout autant les "protecteurs" qui imposent ces régimes. Ou encore, les "donateurs" qui se satisfont de cet énorme trafic que représentent les aides. Systématiquement détournées et dont la plus grande partie va dans les poches des prescripteurs de ces donations, après avoir arrosé la dite oligarchie.

 

Nos "droits de l'hommistes laïcards" ne s'intéressent, en ce moment, qu'à défendre les intérêts de la théocratie tibétaine, de son clergé et de ses moines en toge safran. Amusant, pour les avoir vus, tous, postillonner pendant des semaines lors de la précédente campagne d'hystérie collective en France, soutenue par les médias de la propagande, contre le "port du voile"...

 

Alors, Haïti, est leur dernière préoccupation. Il restera donc scotché dans la misère, en proie à tous les trafics, à toutes les répressions, pour le bonheur d'une poignée de crapules, locales et internationales.

 

Seule consolation, mais signe d'espoir, en attendant que surgissent ses prochains Toussaint Louverture ou Jean-Jacques Dessalines, Haïti possède des artistes magnifiques. Les plus grands peintres contemporains sont là bas...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(1)  Traité de Ryswick de 1697. Initialement, la partie française, fut nommée Saint-Domingue, la partie espagnole conservant le nom d'Hispaniola. Ce fut à partir de l'indépendance politique, le 1er janvier 1804, que fut adopté le nom Haïti.
(2)  Haïti : au moins quatre morts dans des manifestations contre la pauvreté, Le Monde, AFP, Reuters, 5 avril 2008.
(3) Notamment, la terrible dictature des Duvalier, père et fils, de 1957 à 1986, protégés par les occidentaux. Grands milliardaires internationaux, dont le faste entretenait une cour et une presse servile dans les principales capitales européennes.
(4) Toussaint Louverture a été fait prisonnier par les français après être tombé dans un guet-apens. Il venait discuter, après avoir signé un accord de paix, sous la protection de la "parole" du général Leclerc. Déporté, au fort de Joux, dans le Jura, il y endura une incarcération implacable faite d'humiliations permanentes et de mauvais traitements, dans laquelle s'exprimait tout le racisme de l'époque que l'on peut imaginer. Il serait mort d'une pneumonie, le 7 avril 1803.
(5)  Charles Victor Emmanuel Leclerc (1772 - 1802), premier mari de Pauline Bonaparte. Il ne survivra pas à sa mission, et mourra de fièvre jaune à l'âge de 30 ans. A Haïti même, qui s'appelait encore Saint-Domingue.
(6)  Smart Bell, Madison, La Pierre du Bâtisseur, Actes Sud, 2004, p. 1024.

 

Crédit photo : Martin Baran

Tableau  :  artiste Haïtien Joseph Frantz

 

 

 

Partager cet article
Repost0
14 janvier 2008 1 14 /01 /janvier /2008 23:10


Agent secret…
 
C’est un travail. Parfois utile.

Souvent stupide.

De plus en plus horrible.

Dans cette sphère, le pire côtoie le meilleur. Entre ces deux pôles : la médiocrité. Comme beaucoup d’organisations officiant dans l’ombre, sans contrôle d’institutions “véritablement” démocratiques.

Médiocrité, accentuée par la couverture du “Secret Défense”. Alors, les pires atrocités rivalisent souvent avec les délires paranoïaques les plus idiots. C’est la “loi” du milieu, dit-on, fataliste.
 
Un exemple, pour comprendre ce contexte. En niveau de stupidité, les propos d’Alexandre de Marenches (qui aimait se faire appeler "Comte"...), ancien patron des services secrets français (1), dans un livre d’entretiens intitulé “Ockrent Marenches – Dans le Secret des Princes (2), atteignent des sommets.

Représentatifs de cette vision binaire et paranoïaque entre Le Bien et le Mal. Du temps de la Guerre froide. Cette tare est indécrottable de la vision géopolitique des castes au pouvoir (et de leurs “experts”…) en Occident. Elle perdure depuis le Moyen Age !...
 
Et, dire qu’aucun de ses successeurs ne lui arrivait à la cheville (3) … A désespérer de l’intelligence.
 
Philip-Agee.jpgM’écartant du pire, je voudrais rendre hommage au meilleur.

A un homme. Plus particulièrement, à l’un de ceux qui ont su ne pas franchir les limites de la Dignité Humaine, préservant
leur conscience et les valeurs en lesquelles ils croyaient : Philip Agee. Américain né en Floride, diplômé de la prestigieuse Université de Notre Dame (4).
 
La presse officielle n’en a pas parlé, évidemment. Heureusement, la presse “alternative”  l’a osé. Philip Agee, vient de mourir à l’âge de 72 ans, dans la nuit du 7 janvier à Cuba.

Il avait travaillé à la CIA du temps où Georges Bush senior, le père de l’actuel président des USA, en était le patron. Douze ans à la CIA, en tant qu’un des meilleurs “spécialistes” de l’Amérique latine, qu’il a quittée en 1969.
Il était chargé d’infiltrer, de repérer, les “progressistes”, “communistes” et autres “activistes”.  D’organiser leur “neutralisation”, des sabotages, des campagnes d’intimidation, de harcèlement.

C’était la lutte entre le Bien et le Mal, la Guerre Froide. Il y croyait, “à la vie, à la mort”. La défense de la Civilisation et de la Liberté, contre la Tyrannie et la Barbarie.
Jusqu’au jour, où il a pris conscience que le "barbare" : c’était lui.

Découvrant, que les militants dont il communiquait les coordonnées aux polices locales étaient enlevés, torturés, et exécutés. Tous ceux qui refusaient l’injustice économique, sociale, la misère des uns au profit des privilèges des autres, étaient impitoyablement éliminés.

“Argentine, Brésil, Chili Paraguay, Guatemala, El Salvador, toutes ces dictatures avaient des escadrons de la mort” avec le support de la CIA et du gouvernement US”,
n’hésitait-il pas à écrire
(5).
Comprenant que ce n’était pas une guerre entre des pays, mais "une guerre de classes" qui se déroulait. Il s’est retrouvé, manipulé comme un marionnette, devenant un vulgaire milicien au service des ploutocraties locales qui, pour préserver leurs privilèges, contribuaient au pillage de leurs propres nations.

Il a dit non.
Le déclic ? Le 2 octobre 1968 à Mexico, le Massacre de Tlatelolco.

Des milliers de manifestants, étudiants et ouvriers, hommes, femmes et enfants, rassemblées dans une manifestation pacifique pour demander la justice sociale. Cinq mille personnes environ, au minimum.

A la tombée de la nuit, des chars et des mitrailleuses approchent et tirent sur la foule. Officiellement à ce jour, on ne connaît pas le nombre des victimes, dont de nombreux enfants : des centaines ou des milliers.

Qu’importe. L’acte barbare a eu lieu. La CIA était impliquée. Il en a été révolté.
 
Il avait été ébranlé, trois ans plus tôt, par le coup d’Etat organisé en République Dominicaine. Il a donc décidé de quitter son service. Torture, assassinat, massacre de civils ou de militants, coups d’Etat antidémocratiques, n’étaient pas à ses yeux la vocation d’un service de renseignement.
 
Il met ses connaissances au service de la justice. Ecrivant un livre en 1975, qui fait grand bruit (6) : Inside The company : CIA Diary. Traduit dans une trentaine de langues, il y dénonce toutes les pratiques de déstabilisation et de lutte contre les libertés.

Il y dénonce, entre autres, 250 agents locaux, rien qu’en Amérique latine. Et, cite des présidents de pays latino-américains comme étant des agents de la CIA, notamment ceux de Colombie (Alfonso López Michelsen), du Costa Rica (José Figueres Ferrer), et du Mexique (Luis Echeverria Álvarez).
 
Bien sûr, s’abattent sur lui : calomnies, menaces, tentatives d’enlèvements et d’assassinats, persécutions en tous genres. Il essaye, au début de se réfugier dans la "démocratique" Europe.

Mais, la traque ne cesse pas. Expulsé de Grande-Bretagne, d’Hollande, de France, d’Allemagne, d’Italie. Se réfugiant à l’Île de Grenade, puis au Nicaragua. Il faudra attendre une vingtaine d’année, avant qu’elle ne se calme.
 
Il écrit d’autres livres, sans se décourager (7) :
Il y a eu un prix à payer. Cela a perturbé les études de mes enfants (Phil et Chris, alors adolescents) et je ne pense pas que ce fut une période heureuse pour eux. Cela m’a ruiné…
Mais, cela m’a rendu encore plus déterminé à beaucoup d’égards, au point de renforcer mon intérêt et mes choix politiques.
Plus “ils” multipliaient leurs coups tordus, plus ils renforçaient mes convictions dans l’importance de mon action
.”
(8)
 
Finalement, il a pu s’installer en Allemagne, son épouse est allemande, et à Cuba. Partageant son temps entre ces deux pays.

Cuba, ce pays ami, à qui il a demandé pardon pour le mal qu’il lui avait fait. Et, qui lui avait pardonné. Il y a été soigné, entouré d’amitiés. Il y vécut ses derniers instants.
 
Je salue Le Départ d’un Juste.
 
Chapeau bas…
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
(1)   Alexandre de Marenches décédé en 1995, à l’âge de 74 ans, a dirigé les services secrets français pendant 11 ans. Il avait démissionné à l’arrivée de Mitterrand (1981), ne supportant pas de servir un gouvernement comportant des ministres “communistes”…
(2)   Stock - 1986
(3)   Fiascos (le désastre d’Auckland…), ouvrages de mémoires et autres considérations stratégiques, encore plus imbéciles, écrits par les patrons suivants, se sont succédés sans discontinuer…
(4)  University of Notre Dame, célèbre université catholique fondée en 1842, dans l’Etat de l’Indiana. Elle avait recruté Tariq Ramadan. Les autorités d’immigration américaines lui ayant refusé le visa, il a été contraint de décliner l’invitation. A présent, il enseigne, publie, participe à des émissions de radio ou de TV, en Grande Bretagne.
(5)   “Argentina, Brazil, Chile, Uruguay, Paraguay, Guatemala, El Salvador - they were military dictatorships with death squads, all with the backing of the CIA and the US government.”… Cité par Fred Attewill, Renegade CIA agent Agee dies, The Guardian, mercredi 9 janvier 2008.
(6)   Agee, Philip, Secret agent - Inside the Company : CIA Diary, Penguin, 640 pages, 11 janvier 1975.
(7)   Autres textes : Dirty Work : The CIA in Western Europe (1978), Dirty Work : The CIA in Africa (1979), On The Run (1987).
(8) "There was a price to pay. It disrupted the education of my children [Phil and Chris, then teenagers] and I don't think it was a happy period for them. It also cost me all my money… But it made me a stronger person in many ways and it ensured I would never lose interest or go back in the other direction politically. The more they did these dirty things, the more they made me realise what I was doing was important." Cité par Fred Attewill (Op.Cit.).
 
 
Partager cet article
Repost0
5 décembre 2007 3 05 /12 /décembre /2007 16:39


Le référendum proposé au peuple vénézuélien par le président Hugo Chavez, le 2 décembre dernier, portant réforme d’un certain nombre d’articles de la Constitution de 1999, a été refusé à une différence de 1%. Avec plus de 44 % d’abstentions.

 

Chavez---Bolivar.jpg
 

Les organes de propagande occidentaux, dont les principaux journaux et médias français (1), exultent devant ce qu’ils considèrent comme une "déroute", une "défaite", un "échec", un "revers", et autres qualificatifs.
 

Eux, qui soutiennent, à longueur d’année, les pires dictatures (2). Sans états d’âme. Les plus sanguinaires, les élections truquées des multiples pays considérés comme des néo-colonies de "l’arrière-cour de la francophonie", en particulier… Si le « oui » l’avait emporté, ils auraient affirmé, avec le culot des voyous les plus endurcis, que les élections avaient été truquées. Comme ils ne cessent de le répéter, pour Poutine (3)

 
 

L’écroulement du pilier de la propagande

 

Pour ma part, le résultat ne m’a pas surpris. Et, contrairement aux apparences, j’estime qu’il représente une grande victoire pour Chavez. C’est un "passage obligé", souhaitable et salutaire. Comme au jeu d’échecs, la perte d’une pièce considérée comme importante peut avoir, en fait, des effets paralysants pour le jeu de votre adversaire. A présent la « démocratie » est bien ancrée. La propagande occidentale, l’opposition vénézuelienne des grands féodaux et de leurs seconds couteaux, doivent intégrer ce nouveau paramètre. Eclatant, incontournable…

 

peuple-vnz-1.jpgEn tout premier lieu, les attaques diffamatoires, assurant qu’il souhaitait instaurer une dictature, deviennent caduques. Inutilisables. Lui qui a été régulièrement élu… Il donne ainsi une magnifique leçon de démocratie à tous ceux qui l’accusent de vouloir se transformer en "dictateur". Le soir même avant les résultats définitifs, Chavez reconnaissait l’échec du référendum. Avec gravité, maturité, humanité. Félicitant le succès de ses adversaires. Il reconnaissait, même, qu’il ne se serait pas satisfait d’une différence aussi légère dans l’autre sens. Pour lui, l’alternative était simple : ou l’approbation était massive, ou elle ne l’était pas.

 

Quelle belle leçon de démocratie pour nos politiciens et médias français !... Constatons, qu’en France, la Constitution Européenne refusée par le peuple français lors du dernier référendum va être, ainsi que l’a affirmé Giscard d’Estaing lui-même, sous un autre habillage, entérinée par voie parlementaire. Contournant, ainsi la volonté populaire…

 

Au Venezuela, l’expression populaire dans son vote est ainsi respectée, avec dignité et détermination. Chavez voulant se transformer en dictateur élu à vie, était un mythe entretenu avec de gros moyens par la propagande occidentale. C’est un pilier de l’argumentation des milieux "néocons" qui tombe, avec fracas !...

 
 
 

La corruption des médias

 

Notons, au passage, que pas un des médias français n’a examiné, présenté, analysé le projet de modifications de la Constitution vénézuelienne. Leur travail de propagande s’est uniquement focalisé sur la transformation du pays en dictature en cas d’approbation de ce référendum. Je conseille de lire un des rares exemples d’analyse, celle de Thierry Deronne (4).

 

Sur les 69 articles proposés à des modifications, ils n’en ont vu qu’un : l’article 230. Cet article proposait simplement à la population le droit de réélire, ou pas, les représentants qu’elle souhaitait, y compris son Président, sans limitation de renouvellement de mandats, comme il existe dans d’autres démocraties européennes ou autres.

 

Effectivement, cet article était discutable. Mais, le fait d’avoir des sénateurs nonagénaires en France, élus ad vitam aeternam, ne semble pas entraver outre mesure le fonctionnement de nos institutions, et faire paniquer nos médias. De même que tous ces monarques européens, se succédant de génération en génération, au Royaume Uni, en Espagne et autres monarchies nordiques : Belgique, Luxembourg, Hollande, Danemark, Suède, Norvège…

 

Les médias occidentaux n’ont jamais évoqué, cité, des articles particulièrement intéressants pour l’élargissement démocratique dans un pays, qui, avant Chavez, vivait dans l’injustice et la misère au profit de l’enrichissement d’une minorité… Sans émouvoir pour autant les médias…

 

Prenons quelques exemples :

 

=> Article 21  : interdiction de toute forme de discrimination ethnique, de genre, d'âge, de santé, sexuelle, sociale, politique ou religieuse.

=> Article 64  : octroi du droit de vote aux citoyen(ne)s dès l’âge de 16 ans.

=> Article 82   : interdiction à tout créancier, en cas de problème de recouvrement, de saisir le domicile principal. Le droit au foyer devenant inviolable.

=> Article 87  : octroi aux travailleurs "informels" des mêmes droits qu'à tous les autres : accès aux soins gratuits, retraites, etc. (5)

=> Article 90  : réduction de la journée de travail á 6 heures, afin de privilégier la vie familiale pour les plus exploités.

=> Article 98  : défense des droits d’auteur et des droits culturels des cinéastes et artistes du pays. Obligation de respecter le droit de la concurrence, en supprimant le monopole de la distribution cinématographique détenu par quelques distributeurs.

=> Article 100 : établissement du rôle central des communautés indigènes et afro-américaines dans la culture nationale.

=> Article 109 : création de l'autonomie des universités, avec élection des fonctions dirigeantes par l'ensemble de la communauté universitaire : professeurs, étudiants, employés, ouvriers.

=> Articles 70 et 136 : établissement du "pouvoir populaire" comme fondement de l’État. En particulier, validation comme mécanismes de participation et de décision : les conseils de travailleurs, d'étudiants, de paysans, d'artisans, de pêcheurs, de femmes, etc.

=> Article 184 : renforcement des pouvoirs de l’organisation de base qu’est la commune.

=> Article 229 et 115 : renforcement de la propriété populaire, sous forme de coopératives en particulier.

=> Articles 113, 236, 307, 318, 321 : contrôle par l’Etat (et non plus par le patronat…) de la Banque Centrale, application de la libre concurrence par la suppression des grands monopôles privés et prohibition des latifundios (6).

Arrêtons nous là…

 
 
 

La justice sociale et économique fondement de la démocratie

 
 

Le second motif de satisfaction du résultat du référendum, est de relever que le refus électoral traduit non pas un gain de l’opposition, qui ne gagne pratiquement aucune voix (autour de 4,5 millions d’électeurs), mais simplement le refus, d’une partie des partisans du Président, d’accepter la modification constitutionnelle. Environ, 3 millions d’électeurs "chavistes" ne sont pas allés voter.

 

A cela, il faut dégager un certain nombre d’aspects positifs ou servant de points de départ :

 

i)  Chavez doit se recentrer sur les problèmes intérieurs. Le formidable développement qu’il a donné à la diplomatie vénézuélienne doit céder le pas à l’investissement personnel sur les problèmes intérieurs. Tous ses partisans reconnaissent qu’il a été trop pris et absent du débat électoral. Il aurait dû s’impliquer davantage et se déplacer en province, dans les parties plus reculées du pays.

 

ii) Techniquement ce référendum et ses nombreuses propositions, pour un électorat modeste et peu instruit, étaient trop complexes : 69 articles répartis en deux blocs A et B.

 
Peuple-Vnz-2.jpg Règle de base d’un référendum : un minimum de questions, sur des enjeux clairement définis. Eviter les slogans idéologiques avec des mesures techniques, aussi importantes et bénéfiques soient-elles.
 

La propagande, soutenue par des millions de dollars et relayée, tout particulièrement, par la hiérarchie de l’église catholique a fait des ravages. Avec des prêches enflammés, dans les églises, terrorisant le petit peuple sur l’arrivée du "marxismo" qui allait le dépouiller de toutes les propriétés privées, « nationaliser » les églises et empêcher la pratique de la religion comme sous Staline… 

 

iii) Trop d’objectifs et trop d’ambition. Lui-même l’a reconnu. Des modifications portant sur une meilleure justice et répartition des revenus nationaux, exigent une progression sans précipitation. Les mesures s’y appliquant, nécessitant plus de débats et d’explications, pour ne pas donner prise aux déformations de la propagande conservatrice.

 

iv) Chavez doit laisser le temps au temps, en consolidant les magnifiques réalisations accomplies au niveau de la répartition des richesses nationales.

 

Quoi qu’il en soit la dignité et l’honnêteté de Chavez ont été remarquables. N’oublions pas que son maître à penser est Simon Bolivar, lui aussi avait voulu aller trop vite et trop tôt. Il sait que les batailles pour la justice et l’égalité sont de longs combats.

 

Les résultats de ce référendum sont une belle leçon de démocratie et de maturité, mettant en relief, à contrario, l’incommensurable hypocrisie et malhonnêteté de notre appareil de propagande médiatique et politicien...

 
 

Oui… Une Belle Leçon de Démocratie à destination de l’Occident, de ses Politiciens et de ses Médias Véreux…

 
 

Viva Chavez !

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

1) Il est intéressant de noter, à la lecture du courrier de ses abonnés, qu’un journal comme Le Monde, à la pointe de la propagande anti-Chavez, a été désavoué par de nombreux lecteurs, devant ce qu’ils ont considéré comme un excès dans la "désinformation"…
2) Pour mémoire, rappelons que les élections du peuple Palestinien ont été refusées par l’ensemble des pays occidentaux. Imposant le régime "collabo", illégitime électoralement et méprisé d’Abbas… Citons, aussi, le soutien de nos médias et politiciens aux récents simulacres d’élections en Egypte, en Jordanie. Sans oublier l’ensemble de l’Afrique, dite "francophone" : Togo, Côte d’Ivoire, Gabon et tant d’autres…
3) Pas un média occidental qui n’ait échappé à cette vague de propagande hystérique anti-Poutine. Ah !... Le délicieux vertige des enveloppes matelassées de billets verts dans les paradis fiscaux, et autres tortueux circuits …
4) De l’intelligence des ânes, Thierry Deronne, Vice-président de la chaîne publique et participative Vive TV, Venezuela, 25 novembre 2007, in Convergences des Causes.
5) Cela représente, environ, 5 millions de travailleurs vivant dans la précarité : journaliers agricoles, cireurs de chaussures, vendeurs "à la sauvette", etc.
6) Grandes propriétés terriennes de milliers d’hectares, détenues par quelques richissimes familles. Une des plaies séculaires de l’Amérique Latine, dans son ensemble…

 
 

Photo 1 : Le Président Hugo Chavez, avec en arrière plan le tableau du Libérateur (El Libertador) de l’Amérique Latine, du joug de la monarchie espagnole, d’origine vénézuélienne, Simon Bolivar (1783 -1830).

Dans quelques jours, le 17 décembre, sera célébrée l’anniversaire de sa mort. Homme exceptionnel, dont l’histoire ne délivre que quelques "exemplaires" par siècle. Vision, courage, scrupuleuse honnêteté… Mort prématurément, à 47 ans, d’épuisement à la suite des efforts considérables de ses luttes et combats. Mort de chagrin, aussi, devant l’échec de la grande fédération latino-américaine à laquelle il tenait tant…

 

Autres photos : Les partisans de Chavez…




Partager cet article
Repost0