Le coup d’Etat, malgré l’hermétique censure en cours, révèle une profonde crise au sein de l’armée. Plusieurs régiments sont en quasi-mutinerie depuis les carnages et atrocités effectués dans plusieurs villes par certaines unités des forces armées.
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Les militaires surtout de rang subalterne, hommes de troupe et sous-officiers, vivant au contact du peuple égyptien par leurs familles et proches, sont hostiles dans leur écrasante majorité aux opérations de police et de répression. Défendre la nation, son territoire et son identité, n’est pas tirer sur des compatriotes réunis dans des manifestations pacifiques.
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A ce sentiment s’ajoute celui, tout aussi viscéral, de mépris envers « l’alliance imposée » par les occidentaux. Depuis la trahison de Sadate en 1977, opérant une purge du haut commandement et de la haute administration, pour soumettre son pays au contrôle total de l’Occident. Renforcé par Moubarak, lors de la première guerre du Golfe en 1991. Protectorat exercé au moyen de leur tête de pont dans la région agissant en "fondé de pouvoir" ou "administrateur-délégué" : Israël.
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Sentiment de rejet devant « l’hostilité imposée » à l’encontre des Palestiniens. Tout particulièrement ceux enfermés à Gaza, frontaliers de l'Egypte, dans un blocus inhumain. Devenu, on se doit de le rappeler sans cesse, le plus grand camp de concentration que "l’humanité" ait conçu.
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Toute analyse doit prendre en compte cette scission, entre une caste d’officiers supérieurs ou généraux et la majorité des troupes. Il contient en germe comme dans d’autres secteurs de la société, par delà tous clivages sociaux ou religieux, l’inéluctable et définitif affrontement entre "collabos" et "patriotes" qui forgera l’Egypte indépendante de demain.
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Affirmer que l’armée détient ou assure 1/3 du PIB doit donc être relativisé. Selon deux perspectives :
=> Seuls les "dirigeants" de l’armée gèrent ou détiennent le 1/3 du PIB du pays. Corrompus ou achetés par le « système ». Dans une prédation effrénée accaparant toutes les rentes de situation, en partage avec leurs sponsors occidentaux. A commencer par les plus immédiatement lucratives : des ressources pétrolières aux hôtels et poules aux œufs d'or touristiques, avec constitution rapide de patrimoines immobiliers fondés sur des crédits à "taux zéro" (souvent aussi, pour les plus hauts gradés, à "remboursement zéro"…) et d’abyssales exonérations fiscales.
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En contrepartie, il leur était fait obligation de ne pas penser une seconde à édifier une industrie d’armement et de défense, autonome et de qualité, suivant le modèle français, sous de Gaulle, sud-coréen ou iranien, par exemple. Pouvant constituer ultérieurement un ou plusieurs pôles de haute technologie pour le pays, générant des emplois haute qualification et des exportations à grande valeur ajoutée.
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=> Transite par cette caste de généraux et officiers supérieurs, une aide annuelle de 1,3 milliard de dollars des USA qui, après ponction de mirobolantes commissions locales, suivant le principe des vases communicants, retourne aussitôt à ses généreux dispensateurs se gavant eux-mêmes de commissions dans les paradis fiscaux.
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Travestissement d'une corruption sciemment organisée, dans l'intérêt des deux parties, sous forme de contrats d’achat d’armement et de maintenance. Précisons : matériels non adaptés aux besoins militaires du pays : bridés (en termes de performance et de formation/entraînement), obsolètes (pour ne pas rivaliser avec Israël), ou facilement "neutralisables" à distance, etc. (14)
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Entre autres bizarreries, on constate que 15 % du montant total de cette aide relèvent des frais de maintenance et d’entretien. Comme si les égyptiens, leurs ingénieurs et techniciens, n’étaient pas en mesure de l’assurer…
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Ou encore, que les pilotes Egyptiens des F-16 ne peuvent bénéficier que du ¼ des heures d’entraînement de leurs homologues internationaux sur le même type d’appareil…
Ou encore, que près de 30 millions de dollars sont alloués à un cabinet de consultants, dont ce n’est pas la spécialité, pour fournir une assitance pour les programmes aéraunotiques égyptiens (28,1 US$ millions pour Deloitte Consulting, par exemple).
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La liste de ces « n’importe quoi » serait tellement longue à dresser qu’elle necéssiterait plusieurs volumes.
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Un document rendu public, rédigé par le général David Petraeus en décembre 2008 suite à une inspection du potentiel de l’armée égyptienne alors sous commandement du maréchal Mohamed Tantawi, évoquait clairement l’état de "délabrement" [decay], tactique et opérationnel, des forces armées égyptiennes :
“The tactical and operational readiness of the Egyptian Armed Forces has decayed.” (15)
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Ainsi, après une quarantaine d’années de coopération militaire entre les USA et l’Egypte, l’armée égyptienne a donc atteint le "niveau zéro". Réduite, tout au plus, à une milice policière chargée de réprimer toute vélléité de révolte de la population.
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N’est-ce pas, en fait, l’objectif recherché et atteint ?...
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Si la "formation" des pilotes et agents de maintenance des "systèmes d’armes électroniques" est sabrée, un "endoctrinement", par contre, est particulièrement soigné. Sous forme de "lavages de cerveau" très élaborés, imposés à partir du moment où un militaire postule au rang d’officier : une méthodique islamophobie et une détestation de la Nation Palestinienne.
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Méthodes déjà rodées et appliquées par les anglo-américains sous le régime sanguinaire du Shah d’Iran. Ce qui, en fin de compte, n’a réussi ni aux uns, ni aux autres, puisque le peuple Iranien les a tous éjectés après s’être révolté en 1979.
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Méthodes similaires, sous des formes plus ou moins édulcorées, à celles que l’on retrouve dans beaucoup de pays noyautés par ces services d’action psychologique. Succès de carrière dans l’armée, haute administration, partis politiques, médias et édition, mode et showbiz, seront proportionnels, en vitesse et hiérarchie, à l’affichage de son sentiment antimusulman et "anti-Palestinien"… Notons que notre nomenklatura en France, sur ce plan, se comporte avec un zèle infatigable.
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Ramzy Baroud dans un article rappelle sa peur, alors qu’il n’avait que 18 ans et partait pour ses études en Egypte, de franchir la frontière à Rafah. Y sévissait, en effet, un officier égyptien qui faisait passer à tabac tout Palestinien qui prononçait les mots traditionnels de Salam Oualikum, à connotation musulmane, en guise de bonjour… (16)
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Remarquant que les campagnes "antipalestiniennes", avec incitations à la violence par les médias hystériques, ont repris avec une extrême virulence dès le lendemain du renversement du gouvernement élu ; qui avait eu le tort, en plus, d’ouvrir une zone de "libre-échange" à la frontière égyptienne, palliant de la sorte la destruction antérieure des tunnels de ravitaillement par l’armée, pour que la population de Gaza puisse s’alimenter et se soigner à nouveau !…
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Le nouveau gouvernement souhaitait donner un coup de pied dans cette fourmilière. Renvoyer les hauts gradés dans leurs casernes et fonctions militaires. Avec pour priorité : moderniser l’armée dans ses matériels et méthodes. La sortir définitivement des opérations de basse police, en lui redonnant sa vocation initiale : la défense de la souveraineté nationale. La rendre efficace et irréprochable, en mettant un terme à la corruption dégradante et épuisante pour le pays.
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Problème : le gouvernement envisageait, pour mettre à plat ces comportements mafieux, de traduire devant les tribunaux ses principaux acteurs et bénéficiaires. Mais, tout autant : criminels, voleurs et tortionnaires.
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Erreur fatale !... C’était déclarer la guerre à leurs protecteurs étrangers.
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Il est vrai que tout le monde n’a pas l’habileté politique d’un Mandela et ses compagnons de lutte qui avaient accepté de créer, avec leurs ennemis d’hier, une « commission de pardon et d’oubli » pour noyer le poisson, en faisant sauter quelques fusibles subalternes à la Kerviel afin de se maintenir au pouvoir…
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ii) Une hiérarchie judiciaire dévoyée