Chaque SDF, sous sa tente du Canal Saint-Martin, est l’heureux détenteur d’un patrimoine de
€ 352.123. Comme tout français.
C’est écrit noir sur blanc dans le rapport de la Banque Mondiale sur la « Richesse des Nations » (1), publié en 2006. Le titre de ce rapport fait référence à un des grands classiques du Libéralisme Economique, écrit par Adam Smith
(2).
Encore, faudrait-il doubler ce chiffre qui ne prend pas en compte l’intégralité des actifs immatériels difficiles à évaluer (patrimoine intellectuel, historique, scientifique, etc.),
l’intégralité des actifs détenus à l’étranger, ou les actifs "immergés" (corruption, transferts dans les paradis fiscaux, minoration des bénéfices et des valeurs des entreprises et des
particuliers (3), etc.). Et, encore s’agit-il des chiffres de l’année 2000, qu’il conviendrait d’actualiser à la hausse…
Le mythe de la France en "faillite", du fait de son endettement, est la tarte à la crème des milieux affairistes qui prospèrent dans la rente, la spéculation et "l’économie -
casino".
Ne parlons pas des démagogues racistes qui l’attribuent à l’immigration, eux qui ont spolié pendant un demi-siècle les retraites des anciens combattants des colonies et autres territoires de "l’ex-Empire français"…
En fait, pour protéger leurs privilèges, leurs rentes et leurs exonérations, l’objectif de cette caste est de sabrer
les salaires, les emplois, les services publics, et, évidemment, le système de protection sociale : santé et retraites.
La "catastrophe" de la dette publique ? Un coup de bluff, relayé par les médias aux ordres. "Chaque nouveau-né en France hériterait d’une dette de l’ordre de 17 500 euros, voire de
20 000 ou de 30 000 euros !", ne cesse-t-on de nous répéter. Pour lui donner un semblant de teinture scientifique, ces lobbies s’appuient sur des rapports de complaisance. En France,
le fameux « rapport Pébereau » (4), par exemple.
Et, pourtant… La richesse (5) de la France, par habitant, est supérieure à la plupart de celle de ses principaux voisins (6) :
Belgique - Luxembourg € 339.315, Hollande € 316.530, Grande Bretagne € 307.506, Italie € 279.215, Espagne €
196.210.
Autrement dit, la France est riche, très riche. Cela, nous le savons tous. Mais, les médias sont là pour nous le faire
oublier…
La dette publique en pourcentage du PIB (engagements financiers bruts) est inférieure d’un point à la moyenne des pays de la zone Euro : 76,5 %, au lieu de 77,5 % (7). Pour l’endettement net (actifs financiers des administrations publics déduits), il faut enlever 20 à 30 points suivant les paramètres. Et, là encore, la France reste au
même niveau que ses partenaires.
Dans un document de l’OFCE (8), on trouve une information intéressante :
« En Avril 2005, l’Etat français a émis une obligation assimilable du Trésor (OAT) à cinquante ans, arrivant à
maturité en 2055… L’Etat s’était engagé à en émettre pour 6 milliards d’euros. La demande a atteint 19,5 milliards d’euros».
Un volume de demande supérieur de plus de trois fois à celui de l’offre. Les créanciers en redemandent, se battent
presque ! Pas mal, pour un Etat au "bord de la faillite". Cela nous le savons moins. Mais, les médias sont là pour ne pas nous en informer…
Malgré tout, la croissance de la dette ne cesse d’augmenter sur les dernières années ? En réalité, ce n’est pas parce que la France emprunte davantage pour financer son
fonctionnement ou ses investissements. L’essentiel est dû à ce qu’on appelle un"effet boule de neige", évoqué, notamment dans un rapport du Sénat (9). Il provient pour plus de la moitié du fait que les intérêts servis aux créanciers de l’Etat, depuis 1983, sont supérieurs au taux de croissance de l’économie. La France a
emprunté à des taux trop élevés et non révisables…
Cet effet "boule de neige", résultat d’une mauvaise "gestion financière" de la dette est accentué par une, encore plus, déplorable gestion des créances et fonds détenus par l’Etat. Pour citer
ce même rapport (10) :
« En
particulier, les créances détenues par l'Etat et les administrations publiques locales ont en moyenne un rendement inférieur aux créances détenues par les particuliers sur ces administrations
...
En outre, les bénéfices des entreprises publiques ne
sont pas systématiquement prélevés par l'actionnaire ...
Par ailleurs, une grande partie des créances des
administrations locales ont un rendement quasiment nul, que ce soit les liquidités, les avances (arrhes et acomptes) consenties dans le cadre d'opérations d'investissement et les créances liées
aux transferts avec l'Etat (opérations en instance). »
Nos grands argentiers, que l’on retrouve ensuite à des postes de
responsabilités dans le secteur bancaire et financier, lorsqu’ils pantouflent dans le privé, seraient ainsi de piètres négociateurs des fonds publics et trop généreux envers la communauté
financière… Emprunter cher et prêter à taux zéro : ce qui est impensable dans une PME-PMI est pratique courante au niveau de l’Etat…
Il faut s’attendre à ce que la campagne de désinformation, sur le "niveau intolérable de la Dette Publique…", ne s’accentue au cours des prochaines semaines électorales. Les candidats
"libéraux" ont des comptes à rendre à leurs sponsors, et non pas à leurs électeurs…
Il est donc nécessaire de "raison garder", en se focalisant sur cinq points
fondamentaux :
1.
La France est immensément riche
Seul problème, la richesse est concentrée entre les mains d’une petite caste et de ses serviteurs grassement rémunérés
(11).
Leur objectif : casser la fiscalité s’appliquant à leurs intérêts personnels, en démantelant, pour compenser cette
exonération, les services publics et les mécanismes de protection sociale.
2.
Le taux d’endettement n’est pas anormal
Il est même légèrement inférieur à la moyenne de la zone Euro.
Ce qui n’est pas normal, c’est la finalité de cet endettement : une compensation aux exonérations fiscales de la
partie la plus riche des français.
3.
L’endettement n’exclut pas une amélioration de la gestion budgétaire et financière de l’Etat
i) Non seulement au niveau de ses engagements. Exemple : s’il faut un porte-avions, c’est à l’Europe à le financer, etc. Aux USA, ce n’est pas la Californie ou le
Texas…
ii) Mais aussi, au
niveau de ses recettes ou de ses actifs financiers, insuffisamment rémunérés par les débiteurs de l’Etat.
4.
Le flux des vases communicants est à inverser
Plus la fiscalité baisse, plus il faut compléter par l’endettement, pour la survie de l’Etat.
Créant une double injustice. La charge de la dette contribue à augmenter la rente et à diminuer les revenus du
travail.
Ce n’est pas le seul endettement qui doit assurer le financement de l’Etat, mais la juste répartition des profits et
des améliorations de productivité générés par l’ensemble de la collectivité nationale.
5.
La diminution de la dette publique
Elle passe par la refonte de la fiscalité avec l'augmentation des impôts directs sur les
hauts revenus, les profits des entreprises, et les profits spéculatifs.
Bien sûr, ne pas oublier l’influence de la Bureaucratie Européenne dans les manipulations de la fiscalité et des dettes publiques. Elle est à la botte des lobbies de la spéculation financière.
Tout reste à faire dans le changement des esprits, des valeurs et des méthodes en cours dans l’administration européenne de Strasbourg ou de Bruxelles, actuellement en pleine dérive. Mais,
c’est un autre problème...
(1)
The World Bank, Where is the Wealth of Nations – Measuring Capital for the 21st Century, Washington, DC, 2006, Appendix 2, p. 160.
(2)
Adam Smith, An Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations, 1776.
(3) On a pu
mesurer la difficulté de l’exercice au cours de la polémique sur les évaluations de l’appartement (vendu) de Sarkozy à Neuilly, ou de la "maison de campagne" Ségolène-Hollande à
Mougins…
(4) Michel
Pébereau (commission présidée par), préface de Thierry Breton (ministre de l’économie, des finances et de l’industrie), Rompre avec la facilité de la Dette Publique – Pour des Finances
publiques au service de la croissance économique et de notre cohésion sociale, La Documentation française.
(5) Le
rapport de la Banque Mondiale fait état d’une richesse par habitant, exprimée en US$ : France US$ 468.024, Belgique - Luxembourg US$ 451.714, Hollande US$ 421.381, Grande
Bretagne US$ 408.753, Italie US$ 372.666, Espagne US$ 261.205, etc.
(6)
Pour la conversion en Euros, j’ai pris le taux du moteur de conversion en devises de Yahoo Finance, qui était de 1 US$ pour 0,7524 euro, au 19-03-2007.
(7) Projet
de Loi de Finances 2007 – Rapport Economique, Social et Financier, République Française, Tome II, Annexe Statistique, XII.9, p. 98.
(8) Jérôme
Creel et Henri Sterdyniak, Faut-il réduire la Dette Publique ?, Lettre de l’OFCE, Observations et diagnostics économiques, n° 271, janvier 2006.
(9) Sénat,
Commission des Finances, Marini Philippe (rapporteur), L’évolution de la dette publique en France entre 1980 et 1997 – Les leçons d’une dérive, Rapport d’information 413 (98-99).
(10) Sénat,
Op. Cit.
(11)
Exemple : Les salaires mirobolants des dirigeants des grandes entreprises (avec leurs compléments : primes, stocks options, golden parachutes et autres astuces) ne sont pas
fondés sur leurs prétendues capacités à prendre des risques, ou à diriger une organisation par leur génie (personne n’est irremplaçable, pas plus dans le management qu’en
politique).
A de très rares exceptions, quand on les pratique de près, on est frappé par leur médiocrité…
Non. C’est le prix de leur silence qu’achètent les principaux actionnaires qui, eux, engrangent des fortunes colossales, dans la discrétion des paradis fiscaux et autres montages de l’ingénierie financière, du fait de leur rente de situation.
(*) Crédit photo : Chloé Vansoeterstède (Bali).